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    1. RUSSIE##


RUSSIE. CONVERSION AU CHRISTIANISME

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les Slaves occidentaux n’ait pas encore été suffisamment étudiée, mais il croyait pouvoir conclure qu’à l’époque de Vladimir ces relations furent plus étroites que dans la suite. On a remarqué l’influence de la Vie de saint Vencestas de Bohême sur celle des saints Boris et Gleb. M. Sobolevskij a publié toute une série de documents d’origine occidentale qui furent introduits en Russie, sinon durant le règne de saint Vladimir, à tout le moins à l’époque prémongolienne. Nous omettons la Vie de saint Benoît qui existe aussi en grec ; mais la Vie de saint Apollinaire de Ravenne a été traduite immédiatement du latin ; celle de saint Guy, inconnu chez les Grecs, mais célèbre en Bohême, a été éditée par le même savant d’après un manuscrit du xiie siècle ; il a donné aussi de vieux textes slaves de la Vie de sainte Anastasie la Romaine, de la Vie de saint Clirysogone, les Actes du pape saint Etienne, tous directement traduits du latin, ainsi qu’une série de prières remarquables qui connurent une vogue considérable en ancienne Russie. Ainsi, il imprimait en 191 une curieuse Prière contre le diable tirée d’un manuscrit du xme siècle où, entre autres saints, on invoquait l’aide des saints Guy, Laurent, Florian, Chrysogone, Zoilé, Boniface. Parmi les évêques, il y avait Clément de Rome, Sylvestre, Ambroise, Jérôme (sic ! il y était même deux fois, par lapsus), Martin, Cyprien et, parmi les vierges, il y avait Agathe, Lucie, Cécile Félicité, Walpurge. Dans la Prière à la sainte Tiinilc, qui date de la même époque et dont il existe de nombreuses variantes, on nomme, après les apôtres « le saint chœur des papes », et avec eux quelques autres saints occidentaux dont les saints Magnus, Canut, Alban. Un peu plus tardive sans doute et se ressentant déjà de fortes influences polonaises est une traduction en vieux-russe de la Messe latine de la sainte Vierge où nous avons les prières au bas de l’autel, l’Introït, la Collecte (Concède), la Préface (Et te in jestivilale) et le Credo (avec Filioque).

Il ne faut pas exagérer la portée de ces témoignages littéraires comme l’a fait jadis M. Korobko. On ne peut en déduire que la Russie fut convertie par des missionnaires occidentaux à l’époque de saint Vladimir ou avant. Plusieurs des saints commémorés attestent une origine plus tardive de ces documents. Mais ce qui en ressort de façon inévitable, c’est qu’à côté des influences byzantines et bulgares, il faut aussi admettre une influence occidentale dans la formation de la pensée religieuse de la Russie primitive. On s’expliquerait bien difficilement une forte influence occidentale au xiiie siècle et plus tard, si, longtemps auparavant, il n’y avait eu en Russie que des missionnaiies antilatins. Dans son ouvrage récent, N. de Baumgarten affirmait, avec réserves bien entendu, que la première hiérarchie en Russie avait été non byzantine, mais occidentale. C’est une hypothèse qu’on aimerait voir discutée.

La lettre de saint Bruno, découverte par A. Hilferding et publiée par lui en 1856, se trouve dans A. Bielowski, Monum. Poloniæ hist., t. i, et dans Monum. Hungarise hist., t. vi. Voir aussi V.-G. Ljaskoronskij, Dans quelle partie de la Russie méridionale se trouve le district où prêcha l’évêque Bruno au début du XI’siècle ? (K voprosu o mêstopolozenii. ..), dans Éurn. Min. Sur. Pr., août 1916 ; i ! est difficile, après l’étude du savant historien de la Russie prémongolienne, de rejeter l’authenticité de la lettre de Bruno ; N. Nikolskij, Le récit des temps écoulés, source pour l’hist. de la première période de l’hist. et de la civilis. russes f PovesV oremennykh…), Leningrad, 1930 (cf. Orientalia christiana, t. xxxii, 1933, p. 180-21 1).

Les textes slaves directement traduits du latin dont nous avons parlé au cours de ce paragraphe ont été publiés par A.-I. Sobolevskij, dans Izv. Otd., Matériaux et éludes dans te domaine de la philologie et l’archéologie slave, janv., fév., avril 1903 ; janv., avril 1905. Voir aussi Sborn. Otd., mars 1910, p. 88 ; Les plus anciennes traductions des catholiques russes, ibid., p. 193. Il y eut à ce sujet une polémique entre lui et M. Korobka : Korobka, Sur les origines du christianisme en Russie, dans Izv. Otd., février 1906 ; Sobolevskij, Deux mots sur les anciennes traductions slaves faites sur le latin, dans Izv. Otd., avril 1906 ; cf. V. Zaikin, Nicolas Korobka et son enquête sur les origines du christianisme en Russie, dans Bogosiovija, t. iv, avril 1926.

Saint Vladimir mourut en 1015 laissant à la Russie le glorieux héritage de la foi chrétienne. Après sa mort il y eut parmi ses fils de graves discordes, qui eurent pour résultat l’assassinat des princes Boris et Gleb, une invasion polonaise conduite par le roi Bolestas et une guerre civile. Enfin Jaroslav (baptisé sous le nom de Georges), le plus brillant des fils de Vladimir, monta sur le trône de son père et ce fut, pour reprendre l’expression du P. Pierling, « le siècle des lumières ». Car Jaroslav aimait beaucoup les livres « et les lisait souvent, nuit et jour ; il rassembla beaucoup d’écrivains ; il fit des traductions du grec dans la langue et l’écriture slave. Il écrivit et rassembla beaucoup de livres » (Chronique dite de Nestor, édit. L. Léger, p. 128). Le vieux chroniqueur russe place cet éloge en l’année 1037, quand Jaroslav fonda le siège métropolitain de Kiev et quand le premier métropolite, le Grec Théopempte vint de Constant inople. On ne sait rien de certain sur la hiérarchie russe avant l’arrivée de Théopempte. Deux ans après, en 1039, celui-ci consacrait l’église métropole, la fameuse cathédrale de Sainte-Sophie de Kiev.

Voir N T. de Baumgarten, Chronologie ecclésiastique des terres russes du A" au XIII’siècle, dans Orientalia christiana, t. xvii, 1930. fasc. 58. Cet ouvrage est un excellent résumé des chroniques russes pour l’époque indiquée et pour ce qui a trait à l’histoire ecclésiastique. On y trouvera une excellente bibliographie.

Les Grecs, s’ils apportèrent en Russie beaucoup delivres à traduire, ne surent pas se faire aimer. Théopempte n’était pas en Russie depuis longtemps quand la guerre éclata entre Kiev et Byzance. Théopempte devint insupportable. Les Grecs affichaient une morgue extraordinaire vis-à-vis des nouveaux chrétiens ; ils faisaient continuellement remarquer aux Russes que la lumière venait de Byzance et que les Russes n’étaient, en somme, que des néophytes. Ainsi de même, presque deux siècles auparavant, ils s’étaient rendus insupportables à Boris de Bulgarie. C’est alors qu’une tendance nouvelle se manifesta en Russie : l’autocéphalie. Le successeur de Théopempte, le métropolite Hilarion, était russe. Il fut choisi par les évêques russes (ou par leur souverain Jaroslav) sans recours à Constant inople ; il était connu par un magnilique éloge du kagan Vladimir, d’une haute portée oratoire, où il chantait les louanges du prince russe, second Constantin, qui avait donné la foi au peuple russe — mais le moine devenu métropolite se gardait bien de faire la moindre allusion à l’œuvre des missionnaires grecs en Russie. Il est important de relever qu’à l’époque où Cérulaire rompit avec Rome, Hilarion siégeait à Kiev ou venait à peine de mourir. On trouvera la bibliographie sur Hilarion, col. 223.

Jusqu’à la fin du xie siècle, les relations avec Rome subsistèrent. On sait comment le grand-prince Izjaslav de Kiev, chassé de son pays, envoya son fils Jaropolk-Pierre à Rome implorer l’aide de Grégoire VII et placer la Russie sous la protection du prince des apôtres. Voir la lettre de Grégoire dans P. L., t. cxlviii, col. 423-426. Avec l’aide du pape et du duc de Pologne, Izjaslav et Jaropolk revinrent à Kiev et bâtirent, sur l’emplacement où les Kiéviens avaient été baptisés en 989, une église dédiée à saint Pierre. Quand Jaropolk-Pierre fut tué en 1086, on amena son corps à Kiev au monastère de Saint-Dimitri et on l’ensevelit dans l’église Saint-Pierre qu’il avait bâtie. En 1128