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RUSSIE. CONVERSION AU CHRISTIANISME

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Laissant de côté le roman tardif du pseudo-Nestor, voici que] semble avoir été le cours des événements. Converti en 987 à la foi chrétienne. Vladimir reçut, peu avant son baptême (ou aussitôt après), une ambassade byzantine qui demandait un secours militaire contre le rebelle Bardas Phocas. Vladimir accepta d’aider les Byzantins à condition de recevoir la main de la sœur des empereurs, la porphyrogénète Anne. Il y a certainement un lien entre le baptême du prince russe et son mariage avec la porphyre génète, car il (ùl élé absolument impossible de faire entrer la princesse byzantine dans l’ample harem du prince païen ! Byzance accepta les conditions du prince russe. Vladimir condui.it ses troupes à Constantinople, épousa Anne, battit les révoltés (988-989), mais, quand la révolte fut domptée, il se vit refuser la princesse. Dépité, il attaqua la ville de Chcrson en Crimée et força la main aux empereurs. Anne lui fut envoyée ; il restitua la ville, vint à Kiev avec son épouse et fit baptiser son peuple.

Il nous est impossible de donner ici une bibliographie sur Nestor, ni même sur les chroniques russes dont l’édition par l’Académie des sciences de Russie es ! encore en cours de publication (elle a déjà 24 volumes). On trouvera une excellente bibliographie dans N. de Baumgarten, Saint Vladimirel la conversion de lu Russie, dans Orientaliachristiana, . xxvii, 1932 ; voir aussi Schlumberger, op. cit. ; Golubinskij, Hist. de l’Église russe (en russe), t. I a.

En allemand : G. Lælir, Die An/ange îles russischen Heiehes, Berlin, 1930. En anglais : Mann, 771e eurlu Russian Chnrch and Ihe Papacy, Catholic Truth Society, Londres, 1926. Nous renvoyons les historiens en quête île bibliographie à N. de Baumgarten. Mentionnons pourtant la Disserlalio de conuersione et fuie Russorum du P. Slilting, Acta sanciorum, sept. t. ii, vieillie, il est vrai, mais contenant des choses précieuses. On ne cite jamais cette Disserlatio dans les travaux sur la conversion de la Russie. Pour l’époque de.laropolk, voir V. Zaikin, Le christianisme en Ukraine à l’époque du prince Jaropolk I", dans Analecta ordinis S. Basilii Magni, t. iii, 1928-1930, n. 1 et 2.

Bien plus importante que la conversion individuelle de saint Vladimir fut la conversion de la Russie. Ici encore l’histoire a élé faussée. On a voulu voir, dans cette œuvre, le travail exclusif des Byzantins. C’était la version officielle. Néanmoins, on remarque ces dernières années, une évolution considérable.

D’après Michel Priselkov, dont les conclusions ont été en grande partie acceptées par A. -A. Sakhmatov, l’évangélisation fie la Russie fut l’œuvre de prêtres bulgares. Vladimir, qui s’était converti par politique, aurait placé la Russie récemment convertie sous la juridiction du patriarche (ou de l’archevêque autocéphale ) d’Ochrida. Tel aurait été le statut canonique de l’Église russe jusqu’à l’érection de la métropole de Kiev en 1037 par Jaroslav le Sage. Cette hypothèse, qui causa beaucoup de mécontentement dans les sphères orthodoxes lors de son apparition, n’a pas été accueillie avec faveur ; la partie essentielle, à savoir qlie les influences bulgares se tirent vivement ressentir à l’époque de Vladimir, semble être restée. Ainsi, Istrin reconnaît qu’avant 1037 « les Bulgares exercèrent une influence prépondérante sur les affaires religieuses de Russie » (Esquisse de l’hist. de Vont-, littér. russe, Pétrograd, 1922, p. 1-3). On peut même dire que, soit à cette époque, soit a une époque plus tardive, toute la production littéraire bulgare du siècle de Siméon est passée aux néochrét ieus de Russie. I.a langue ecclésiastique de l’ancienne Russie est l’ancien bulgare à peine changé. À peu près toutes les anciennes traductions des saints Cyrille et Méthode, toute l’œuvre littéraire de leurs disciples semble être passée en Russie : livres liturgiques, traités juridiques, iv CUeils de sermons, I raducl ions de l’Écriture sainte, des Pères de l’Église, etc. Peu -i peu, cependant, la langue évoluait, quelques lettres disparaissaient et la langue ecclésiastique, nettement bulgare à ses débuts, prenait une tournure indigène plus accentuée. Il faut relever que la production théologique bulgare de cette première époque ne semble pas avoir contenu de traces de la polémique entre Orient et Occident. Bien au contraire ! Les Vies des saints Constantin (Cyrille) et Méthode qui entrèrent par cette voie en ancienne Russie (en dehors d’une pointe assez vive contre les évêques bavarois et de leur < hérésie » hyopatérique), montraient un grand respect vis-à-vis de Vapostolicus de pape) : la traduction méthodienne du Nomoranon contenait une protestation contre le 28e canon de Chalcédoine et une affirmât ion aussi énergique qu’inattendue de la primauté du pape. La Bulgarie ne deviendra antilatine que sous l’influence de Grecs comme Léon d’Ochrida et Théophylaclc.

M. Priselkov, Essais sur l’hist. polit.-relig. de la Russie kié vienne, Pétersbourg, 1913 ; voir les recensions de V. Zavitnevië, dans Trudy, avril 191 1, p. (128 sq. ; Titlinov, dans Khr. C.ten., dée. 1913, p. 1 I 18, 1 170 ; A.-A. Sakhmatov, dans Journal historique scientifique (Nauc. lsi.’Zurn.), avril 191 1, p. 30-61 ; et de A.-U. Kozosev, dans Zurn. Min. Nar. l’r.. octobre 191 1. La recension de VI. Parkhomenko, qui était un des adversaires les plus résolus de Priselkov a paru sous le titre de’l’rnis moments de l’histoire primitive du christianisme en Russie, dans Izv. Otd., avril 1913, p. 371-380. Voir encore du mè i e, Réponse à la recension de M. Priselkov, dans Izv. Otd.. 1914, p. 257-259. Priselkov avait jugé très sévèrement [e Début du christianisme en Russie (Nafalo…), Poltava, 1913, de Parkhomenko ; V.-M. Istrin, Esquisse d’une histoire de l’ancienne littérature russe, Pétrograd. 1922. Pour les scholia de l’ancien Nomocanon slave, voir la bibliographie cyrillo-méthodienne.

D’autres auteurs ont souligné les influences occidentales dans la conversion de la Russie. Tout récemment, M. Nikolskij a écrit un travail quelque peu sensationnel, où il établissait que les Slaves de la vallée du Dniepr, avant la conversion de saint Vladimir, avaient subi de fortes influences moraves et étaient devenus chrétiens sous l’influence de disciples de saint Méthode. Saint Vladimir reçut une série d’ambassades romaines, Un des plus célèbres visiteurs à la cour de Kiev fut saint Bruno (appelé aussi saint Boniface). Dans une lettre qu’il écrivit vers 1006 au roi Henri II d’Allemagne, Bruno décrit la magnifique hospitalité qu’il reçut du Senior Rulorum, magnus regnn et divitiis rcrum, durant l’espace d’un mois. Mais le vaillant missionnaire voulait aller chez les Pétchenègues, les fameux Petzinaces, qui infestaient les steppes de la Bussie méridionale. Vladimir l’accompagna jusqu’à la frontière. Bruno chantait nobilr carmen : l’elre. amas nie ? Pasce oves meas. Vladimir chercha à le détourner de cette mission qu’il jugeai ! inutile et dangereuse. Bruno lui répondit : Aperial tibi Deus paradisum, sieut nobis aperuisli viam ad paganos, Bruno convertit une trentaine de Pétchenègues et laissa un évêque latin parmi eux. Rien de celle activité n’est resté dans les chroniques russes, mais on a trouvé des médailles attestant le passage de Bruno chez les l’él ehenègues.

Aussi ne faut-il pas s’étonner de rencontrer beaucoup de traces d’influence occidentale dans la littérature religieuse d’ancienne Bussie. En Moravie, d’où l’héritage des saints Cyrille et Méthode n’avait pas été totalement banni, il y avait eu une littérature slave de quelque importance. La langue écrite y était la même qu’en Bulgarie avec, en plus, quelques « moravismes … plutôt dans le vocabulaire que dans la syntaxe. M. Nikolskij a eu le mérite de mettre en relief les restes d’influences occidentales que l’on peut discerner encore aujourd’hui dans l’ancienne littérature kiévienne. M. Istrin s’est plaint dans son Essai sur l’histoire de l’ancienne littérature russe (Pétrograd. 1922), que l’histoire des relations entre la Russie et