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    1. RUSSIE##


RUSSIE. CONVERSION AU CHRISTIANISME

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sur les autres princes locaux. Après l’invasion des Mongols, la Russie du Nord ou Grande-Russie fut centralisée peu à peu autour de Moscou. La Russie méridionale ou Ukraine et la Russie-Blanche firent partie de la République polonaise (composée après l’Union de Horodlo, du royaume de Pologne et du grand-duché de Lithuanie). L’Ukraine passa sous le sceptre moscovite un peu après le milieu du xviie siècle et perdit peu à peu son autonomie ecclésiastique. La Russie-Blanche fut annexée lors des partages de la Pologne durant la seconde moitié du xviii c siècle, sauf pour quelques-unes de ses provinces orientales acquises déjà par Alexis Mikhailovifi et Pierre le Grand. Aujourd’hui, il est difficile de parler, même en historien, de ces pays ou de ce pays, sans mécontenter les Grands-Russes, ou les Ukrainiens, ou les Blancs-Russiens, ou tous les trois à la fois. Nous avons décidé, dans cet article, de ne pas faire de distinction entre ces divers territoires jusqu’à l’invasion des Mongols et la chute de Kiev (1240). Aussi, la conversion de la Russie y trouvera place ; ainsi de même, l’ancienne littérature prémongolienne qui se développa surtout autour de Kiev. À partir de l’invasion des Mongols jusqu’à Pierre le Grand, nous parlerons exclusivement de la Russie du Nord ou Grande-Russie, souvent appelée Moscovie, surtout jusqu’au xvii c siècle. L’évolution de la pensée religieuse chez les Petits-Russiens ou Ukrainiens et chez les Blancs-Russiens, qui doit être traitée per modurn unius revient à l’article Ruthène (Église).

Aperçu historique sur la conversion de la Russie.


La première évangélisation de la Russie propremen ! dite date de 861 ou de 862. Le 18 juin 860, les Russes attaquèrent Constantinople. La ville fut sauvée, s’il faut en croire le patriarche Photius, par un miracle. Il plongea la tunique de la Vierge dans la mer ; l’eau s’agita, la tempête se leva et les Russes s’enfuirent. Ils firent pourtant d’affreux dégâts dans le voisinage. Revenus dans leur pays, ces barbares demandèrent an évêque et embrassèrent la religion chrétienne.

L’attaque des Russes est décrite par les chroniqueurs byzantins. Voir aussi : C. Boor, Der Angrifj der lihds auf Byzanz, dans Byzantin. Zeitselirijt, t. iv, 189."), p. 445 sq. ; E. Gerland, Photios und tler Angriff der Russen auf Byzan-, fis juni 860), dans Neue Jahr bûcher fur dus klass. Alterlum, t. ii, 1903, p. 718-722 ; Franz Cumont, Anecdota Bruxellensia. Chroniques byzantines, Gand, 1894. M. Cumont a fixé la date jusqu’alors très controversée de l’attaque des Russes contre Byzance. Cette découverte fut aussitôt communiquée à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg dans Vizantijskij Vremennik, 1. 1 (1894), p. 238 ; Papadopoulos-Kérameus, L’acathiste de la Mère de Dieu, la Russie et le patriarche Photius (en russe : Akaftst Boziej Materi), dans Vizantijskij Vremennik, 1903, 3 ; du même, Deux homélies du patriarche Photius à l’occasion de l’attaque des Russes contre Constanlinople (en russe : Dve besedy) dans Khr. Cten., 1882, 2 ; A. Palmieri, La conversione dei Russi al cristianisimoe la testimonianza di Fozio, dans Studi religiosi, t.n (1901). Photius parle de la conversion des Russes dans son Encyclique, et les chroniqueurs byzantins donnèrent la notice.

Avec le baptême d’Olga, nous sommes sur un terrain plus solide, quoiqu’ici encore les questions soulevées soient nombreuses. Olga était la veuve du prince Igor, lui-même petit-fils de Rurik. Certains auteurs, Golubinskij par exemple, ont cru qu’elle fut baptisée en Russie. D’autres opinent pour deux oyages à Constantinople. Mais Olga se mit aussi en rapports avec l’Occident. En 959, d’après les Annales d’Hildestieim : Legali Helenæ (Olga reçut au baptême le nom d’Hélène) reginæ Rugorum, quæ sub rnmano imperalore Constant inopoli baplizata est, ficle, ut post claruil, ad regem venientes episcopum et presbyleros eidern genli ordinari pelebanl. Adalbert, ex cœnobilis sancti Maximi, fut destiné bien contre son gré à cette mission

dont il revint au bout d’une année en se plaignant amèrement de l’inutilité de son séjour en Russie et des difficultés du voyage et il reçut alors une prébende plus attrayante. Olga mourut chrétienne à un âge très avancé.

Voir sur cette question : K. Golubinskij, Histoire de V Êijlise russe (en russe) t. i a ; Vlad. Parkhomenko, La sainte isapnstole d’ancienne Russie, Olga. La question de son mariage (en russe, Drevnerusskaja…), Kiev, 1911 ; il suppose deux voyages à Constantinople ; Schlumberger, L’épopée byzantine, t. i, Paris, 1928, p. 969-989.

Son (ils, le belliqueux Svjatoslav, célèbre pour les échecs qu’il infligea à Byzance et pour la description que laissa de lui Léon le Diacre, resta païen tout en pratiquant la tolérance la plus large envers les variagues convertis. Il se moquait d’eux. Sous son règne, plus encore sous celui de son fils Jaropolk, les chrétiens se multiplièrent à Kiev. Ils jouissaient d’ailleurs depui 1 - : l’époque d’Igor, de plusieurs églises dont un sobor (cathédrale, ou simplement église plus spacieuse ?) dédié à saint Élie comme l’église du quartier russe de Constantinople.

La Russie fut baptisée de façon définitive : ous le règne de saint Vladimir, mais l’histoire de cet événement a été tellement défigurée par des historiens intéressés, qu’il est presque impossible aujourd’hui d’affirmer avec quelque certitude sous quelles influences la Russie reçut la foi chrétienne. La cause en est dans la narration, incorporée à l’ancienne chronique dite de « Nestor » et qui en fit disparaître (si jamais elle exista) une histoire plus ancienne et plus véridique. Malgré les arguments sans cesse croissants apportés par les savants russes et étrangers depuis près d’un siècle contre la valeur de cette narration telle qu’elle existe aujourd’hui, certains auteurs récents, et même très récents, s’en servent encore pour décrire les origines du christianisme en Russie. En voici un court résumé : Vladimir vivait dans l’orgie et la débauche quand il reçut la visite de divers missionnaires qui lui proposèrent chacun leur foi ; ils avaient été envoyés par des Bulgares mahométans, les Khazars juifs, les Allemands latins, enfin un philosophe grec du nom de Constantin lui fit une prédication impressionnante sur toute l’histoire de l’humanité en commençant par la création. Puis Vladimir envoya ses ambassadeurs enquêter chez les Bulgares, les Allemands et les Grecs. Ceux-ci furent préférés. Vladimir décida d’embrasser leur religion ; il commença donc par attaquer la ville impériale de Cherson en Tauride, la relâcha moyennant la main delà sœur de l’empereur (ou des empereurs byzantins), la porphyrogénète Anne, se lit baptiser par les prêtres grecs qui accompagnaient la princesse, prononça une terrible profession de foi antilatine (et même semiarienne ! ) et revint à Kiev où il fit baptiser son peuple. De toute cette histoire, que Bclajev avait caractérisée dès 1847 comme « inventée par un Grec », tant elle est pleine de contradictions et d’impossibilités, on ne peut guère retenir que ce qui est prouvé par ailleurs… Depuis bien des années les érudits russes étaient divisés : les uns disaient, avec Golubinskij, que cette narration était une invention pure et simple de quelque Grec intéressé, d’autres soutenaient avec Elpidiphore Bar sov que c’était une légende populaire, brodée sur un fondement historique. C’est en 1882 que les deux savants russes curent cette controverse ; mais en Occident on cite encore « l’invention pure » ou la « légende populaire » comme un document sérieux I Comme le faisait remarquer l’historien le plus récent de saint Vladimir, le baron de Baumgarten, « plus une légende est fausse, plus fortement elle s’enracine dans l’histoire d’un peuple », malgré les efforts des érudits pour l’en extirper.