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I ! l PERT DE DEUTZ. LE THÉOLOGIEN

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déjà ses desseins de miséricorde. In Apoc, t. VIII, t. clxix, col. 1082 ; cf. De gloria Filii hominis, t. VII, t. clxviii, col. 1453-1476. De là l’admirable enseignement de Jésus dans le Discours sur la montagne. I.nc. rit., t. VIII, col. 1175-1501. Sur l’extension de cet enseignement aux gentils, « bien que le Christ n’ait rien prescrit, puisqu’il a dit plutôt : In viam gentium ne abierilis, cependant il a approuvé là-dessus le jugement [apostolique] », De Trin., t. VII, c. xix, t. clxvii, col. 464, décision qui était toute à la gloire de Dieu cl pour le salut de tous les hommes. Op. eit., part. III, t. V, c. v. En cela, l’Église a interprété le désir de Jésus, comme Rébecca règle au mieux les affaires d’Isaac devenu vieux et substitue Jacob à Ésaû. Col. 45’.).

Mais le but principal du Sauveur était de racheter les péchés du monde par son incarnation et par sa mort. Sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné. De Trin., In Daniel., c. xix ; Méditât, morlis, et Annulus, t. III, t. clxx, col. 387 et 595. Après le péché, il était nécessaire que Dieu se fît homme ; sur ce point, la simple affirmation de Rupert est, comme toujours, très nette, et semble empruntée à saint Anselme : Ut, quia satisfaclionem pro eulpa niillus debebat nisi homo, nullusque solvere poterat nisi Deus, miseratus Deus homo fieret, qui cum pro se nihil morti deberet, rnoriendo pro nobis debitum solverel. De div. ofj., t. VI, c. ii, t. clxx, col. 155. L’incarnation du Fils de Dieu, devenu homme parmi les hommes, aurait dû suffire à sanctifier le genre humain, ’— puisque l’humanité est spécifiquement une ; cherchez tout ce qui dans les individus fait nombre, et vous ne trouverez rien de plus que la seule multitude des accidents particuliers. » De div. ofj., t. XI, c. v, col. 297. Mais, sur ce point, Rupert s’est avisé plus tard que « le Christ ne s’est uni qu’à une seule personne de l’espèce humaine ». De Victoria, t. II, c. iv, t. clxix, col. 1247. Aussi peut-on dire, après saint Paul, que « dans le Christ notre nature est morte et qu’elle est ressuscitéc en lui, in quo et nos omnes surreximus ». In Apoc., t. X, col. 1009 ; cependant il faut expliquer à quel titre les satisfactions personnelles du Christ ont passé aux personnes rachetées. Ibid., col. 1118.

Cette extension des mérites était déjà le fruit des prières de Jésus. Le Christ a prié pour nous sur la terre et il a été exaucé. Son immortalité en fait le soutien approprié de notre confiance, mais, dans le ciel, « il ne se prosterne plus pour prier : il est assis à la droite de la majesté divine, ftdelis peroralor et justus advocalus ; il exige ; c’est ce que saint Paul (Rom., viii, 34) appelle l’interpellation du Christ. » In Joa., t. VI, col. 449. Franzelin explique en quel sens cette restriction est valable. De Verbo incarnalo, th. li, n. 2, p. 549. Cependant c’est dans sa passion que le Christ a échangé jaciem hominis pro fade viluli. De gloria Filii hominis, t. X, t. clxviii, col. 1535 sq.

Sur les droits du démon, Rupert n’est pas très net. Le lâche consentement de l’homme pécheur non quasi per vim capti, sed quasi transfuge lui donnait bien quelque droit. Igitur quodam quidem jure genus humanum pervasor dctinebal. De Victoria, 1. 1 1, c. xi, t. clxix, col. 1252. Il n’en reste pas moins que, si le démon,

« ayant en mains le décret de notre esclavage, se vantait

d’être en droit le maître du genre humain », In Apoc., t. XII, col. 1056, Dieu regardait cette possession comme une rapine ; il vit dans cette confiance du diable le moyen de le tromper, col. 1071, et, à vrai dire, d’en faire l’exécuteur de sa volonté. Voici, du moins, comment l’auteur dramatise le conflit, à propos de Job, vi, 2 : Ulinam appenderentur peccata mea… rt calamitas quant patior in staicra ! « Le châtiment a pesé davantage dans le plateau de la miséricorde ; il a soulevé le bras de la justice, et a jeté les péchés au fond de la mer. Pourquoi cela ? Parce qu’il y avall eu plus de condamnés que de coupables… Le Christ, lui seul, était en plus

— « mis supererat Christus — condamné et non coupable : c’est la passion de ce Christ souffrant ajoutée injustement aux douleurs méritées du genre humain, qui a entraîné la balance — præponderavit. Et c’est avec justice que l’ennemi a perdu tous ses sujets, par le fait que le châtiment a été admis pour un seul qui ne devait rien à la mort. » De Trin., t. II, c. viii, t. clxvii, col. l(il2.Cf.Dc glor. Trin.A. Le. vii, t. clxix, col. 188. Mais l’injustice du démon et son abus de pouvoir ne sont mentionnés que comme une occasion pour Dieu de manifester sa miséricorde et sa justice : sa miséricorde consistant apparemment — mais l’auteur ne le précise pas — à se faire apaiser par le sacrifice de son Fils, la justice de Dieu a décidé de faire de ce Fils un homme parmi les hommes et la victime du genre humain : « Pour que le salul de l’homme ne fût pas uniquement un geste de miséricorde, mais que la miséricorde et la vérité s’y donnassent rendez-vous, le Dieu miséricordieux a cherché en l’homme un motif, capilulum. par quoi il pourrait être tenu en toute justice pour le débiteur de l’homme ; il a demandé, dis-je, à l’homme de lui immoler son Fils unique, pour qu’il se vît obligé, par un juste retour, de rendre à l’homme son Fils. » De Trin., t. VI, c. xxx, t. clxvii, col. 429. « Et avec ce Fils mourant sur la croix, c’étaient tous les fruits de la rédemption qui nous venaient : réconciliation de Dieu, rémission des péchés dans son sang, don de l’Esprit-Saint par le baptême, etc. » De Trin., t. IV, c. xxxv, col. 359.

8o Les sacrements.

Les moyens pour l’homme de s’approprier les fruits de la rédemption sont multiples ; mais les principaux sont « les sacrements du Christ, Fils de Dieu, dont les plus importants sont le baptême et l’eucharistie, qui ont été institués par Notre-Seigneur lui-même, tandis que les sacrements secondaires ont été réglés par les apôtres ou les hommes apostoliques ». De Trin., In Levil., t. I, c. xxiv. Rupert n’avait pas, on le voit, notre notion rigoureuse du sacrement et l’idée du septénaire des sacrements — qu’il aurait développée si volontiers — ne pouvait par conséquent lui venir. Il voit, au contraire, dans le couple : baptême-eucharistie, de multiples harmonies : ne répondent-ils pas à la double mission de l’Esprit-Saint, qui est rémission des péchés et don de vie ? De Victoria, t. XII, c. xi, t. clxix, col. 1471, et aussi au double péché d’Adam, orgueil et gourmandise ( !), loc. cit., col. 1472 ; De Trin., part. III, ’III, c. xxvi ; De gloria Filii hominis, t. III, c n. Ce nombre de deux sacrements principaux n’est pas exclusif d’autres sacrements institués par Jésus-Christ, en particulier de l’ordre : les apôtres pourtant n’ont pas reçu le sacerdoce à leur première mission apostolique, ni même, dit Rupert, à la cène eucharistique, mais après la passion du Christ : auparavant, le Nouveau Testament n’avait pas été fondé, le Christ grand-prêtre n’avait pas offert son sacrifice sanglant et les apôtres n’avaient pas préalablement reçu la rémission des péchés. In Joa., I. VII, t. CLXIX, col. 524. C’est seulement après larésurrection qu’ils ont été institués prêtres et ont reçu l’intelligence pour leur magistère. La pénitence avec la contrition, la confession et la satisfaction, De Trin., In Leoitic, t. I, c. xxxviii et t. il, c. xlii-xliv ; In Reg., t. V, c. vu ; In Apoc, I. XI I, t. clxix, col. 1201, est une préparation nécessaire à la sainte communion.

9o L’eucharistie.

La doctrine de Rupert sur l’eucharistie a suscité bien des polémiques. De son temps, nous l’avons vu, le De divinis o/jlciis fit scandale, et au xive siècle, Wiclell qui attribuait l’ouvrage à Ambroise, y vit un partisan hâtif de sa doctrine de la présenceen ligure. Aussi.au xvie siècle, quand on eut édité une partie de ses œuvres sous son vrai nom, le moine rhénan eut un censeur impitoyable dans Bellarmin, De scriptoribus ecclesiasticis, art. Ruperlus, qui l’accusa