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RABAN MAUR, célèbre polygraphe du ixe siècle. I. Vie. II. Action. III. Œuvres.

I. Vie.

La vie de Raban Maur fut écrite, peu de temps après sa mort, par Rudolfe, son disciple ; mais elle est si incomplète que Trithème, soit qu’il l’ignorât, soit qu’il ne la considérât point comme une véritable biographie, se tient, en 1515, comme son premier biographe. Le texte de Rudolfe et celui de Trithème se lisent dans P. L., t. cvii, col. 39-106.

Raban, ou Hraban, ou Rhaban, surnommé Maur par Alcuin, naquit à Mayence, vers 776, si l’on adopte la date proposée par Mabillon, P. L., t. cvii, col. 12 ; vers 784, d’après Diïmmler, dans Mon. Germ. hist., Epislolæ, t. v, p. 379. Dès son enfance, il fut confié à l’abbaye de Fulda, d’où on l’envoya à Tours, pour y étudier sous la direction d’Alcuin. Alcuin mourut en 804 ; un billet de lui, adressé à Maur, « benoît enfant de saint Renoît », nous indique que le disciple était rentré à Fulda, avant la mort du maître, et que, déjà, il y enseignait. Valeas féliciter cam pueris tuis. P. L., t. c, col. 399.

En 814, il est ordonné prêtre. Écolàtre de Fulda, il eut à souffrir de la part de son abbé, Ratgar, qui, « saisi d’une véritable passion pour les bâtiments, supprima l'école, et obligea, parfois même par des sévices, tous ses moines à travailler à ses nombreuses constructions ». Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. iv, p. 131. Raban vit ses notes et ses cahiers confisqués ; il s’en plaignit en vers latins, mais n’obtint pas gain de cause. Carminu Rabani, P. L., t. cxii, col. 1600. Martène et Mabillon pensent que, durant cette crise, Raban quitta l’abbaye pour voyager ; un texte du Commentaire de Raban sur Josué semble faire allusion à un pèlerinage en Terre sainte : Ego quidem, cum in locis Sidonis aliquoties demoratus sim… P. L., t. cviii, col. 1000 et 1053. Finalement, les moines obtinrent que leur abbé fût déposé, et ils élirent à sa place Eigil, qui rétablit la paix. Raban Maur reprit tranquillement ses travaux. Eigil mourut en 822, et Raban fut élu pour lui succéder. Pendant les vingt ans qu’il resta à la tête de l’abbaye, ce fut pour celle-ci une période très brillante de rayonnement intellectuel. En 842, il donna sa démission ; les causes de cette démission sont assez difficiles à élucider, vraisemblablement, les difficultés politiques y furent pour beaucoup : Raban Maur avait toujours entretenu de bons rapports avec Louis le Débonnaire ; à la mort de celui-ci, fidèle à l’idée impériale, sa sympathie le portait plutôt vers Lothaire, ce qui lui valut, semble-t-il, la disgrâce momentanée de Louis le Germanique. Cl. Kleinclausz, L’Empire carolingien, p. 334 et 372 ; Dùmmler, Mon. Germ. hist., Poelse, t. ii, p. 155. Son ami, Hatton, qui avait été avec lui élève d’Alcuin, lui succéda, et Raban mena une vie de prière et d'étude dans une solitude relative au Petersberg, non loin de Fulda.

C’est là qu’on vint le chercher, en 847, pour le faire archevêque de Mayence. Les difficultés qui avaient provoqué sa démission étaient apaisées, et l’abbé Hatton put écrire au pape Léon IV, que cette éléva tion s'était faite « par le choix des princes francs, et l'élection du clergé et du peuple. » Son épiscopat fut marqué par trois synodes importants, tenus à Mayence, sur lesquels nous aurons à revenir. Hefele-Leclercq, op. cit. p. 131, 137, 190. Il mourut le 4 février 856. Son nom se trouve dans plusieurs martyrologes. Les Rollandistes, au t. i er de février, lui consacrent une longue étude, et donnent ensuite les deux Vies par Rudolfe et par Trithème, signalées ci-dessus.

II. Action.

Les Allemands ont qualifié Raban Maur, de Preeceptor Germanise. L’expression est heureuse ; Raban Maur est bien, en effet, « le fondateur des études théologiques en Allemagne ». Dom Ursmer Berlière, L’ordre monastique des origines au XIIe siècle, p. 119. Moine, abbé, archevêque, parmi la multiplicité des affaires, tant religieuses que séculières, auxquelles il fut mêlé, on peut discerner dans sa vie, ce qui en fait l’unité, l’idée directrice, autour de laquelle s’ordonne tout le reste : « Raban est avant tout pédagogue ; ce qui lui importe, c’est de transplanter sur le sol de la Germanie l’amour des lettres, et aussi la culture théologique qu’il a hérités d’Alcuin ». Cependant, abbé d’une des plus grandes abbayes de la chrétienté, puis archevêque, il ne pouvait se désintéresser des difficultés politiques qui troublaient alors l’empire d’Occident ; d’autre part, il eut à continuer activement l'évangélisation de son diocèse ; et, placé aux frontières de la chrétienté, le problème missionnaire se posa pour lui.

Action politique.

Raban Maur ne chercha jamais

à jouer un rôle politique. Sincèrement attaché à l’idée impériale, il laissa à d’autres le soin d’en développer la théorie. Il est en relations suivies avec Louis le Débonnaire et l’impératrice Judith, puis avec Lothaire et Louis le Germanique ; il correspond avec eux, leur dédie ses ouvrages ; ses lettres et dédicaces montrent son loyalisme, elles révèlent aussi la pensée qui le domine : l’aspect moral des choses ; les combinaisons politiques, la solution pratique des questions litigieuses ne sont pas de son ressort.

Le préambule de son étrange Liber de Cruce nous présente, au seuil même du poème, « l’image de César >, l’empereur Louis, en majesté : le souverain est debout, le front couronné et entouré d’un nimbe, il appuie la main gauche sur son bouclier, et de la droite, il tient une longue croix ; dans le nimbe est inscrite cette invocation : Tu Hludovicum Criste corona. C’est là, une figuration naïve de l’idée impériale. P. L., t. cvii, col. 141. En 834, à la suite de la déposition de Louis, il lui envoie une lettre de consolation, que l’on trouve parfois marquée sous ce titre : De reverenlia filiorum erga patres, Diïmmler, Mon. Germ. hist., Epist., t. v, p. 403. Raban explique, à l’aide de citations scripturaires, que la dignité royale devrait inspirer aux enfants plus de respect encore qu’on n’en doit aux parents ordinaires, mais la cupidité des biens terrestres produit l’orgueil et la sédition ; il conclut en exhortant Louis au pardon, car, peut-être, s’est-il montré lui-même.trop dur à l'égard de ses fils.