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QUINISEXTE (CONCILE ;


de la ville de Rome et se réfugia dans la chambre à coucher du pontife au palais du Latran. Les troupes de Ravenne entrèrent néanmoins dans la ville et, comme la rumeur s'était répandue que le pape avait été embarqué sur un navire en partance pour Constantinople, elles entourèrent le Latran, demandant à voir le pontife et menaçant d’enfoncer les portes. Tout tremblant, le protospathaire se blottit sous le lit du pape. Celui-ci sortit et parvint à calmer les miliciens. Zacharie obtint la vie sauve, mais fut chassé ignominieusement de la ville de Rome. Voir Vie de Serge I er, au Liber pontificalis, t. I, p. 372 sq. ; Paul Diacre, Historia Langobardorum, t. VI, c. xi, P. L., t. xcv, col. G30 ; Bède, Chronique, P. L., t. xc, col. 568 sq. La révolution qui renversa Justinien II en 695 l’empêcha de poursuivre l’affaire du Quinisexte. Ses deux successeurs Léonce et Tibère Apsimare ne s’en occupèrent pas.

Nous avons noté plus haut que l’introduction faite par le pape Serge I er du chant de VAgnus Dei à la messe semble être une protestation liturgique contre le canon 82 du Quinisexte.

Sous Jean VII.

- Rétabli sur le trône impérial

en 705, Justinien II n’oublia pas son concile. Il envoya deux métropolites au pape Jean VII (705-707) « pour traiter l’affaire des tomes qu’il avait envoyés à Rome sous le pontificat de Serge d’apostolique mémoire, dans lesquels se trouvaient certains chapitres qui étaient en opposition à l'Église romaine ». Vie de Jean VII, dans Lib. pont., t. i, p. 385 sq. Ces deux métropolites étaient porteurs d’une lettre dans laquelle l’empereur conjurait le pape de rassembler son concile, d’examiner les canons en question, de confirmer ceux qui lui sembleraient dignes d’approbation et de casser ceux qu’il jugerait répréhensibles. Mais le pape « timoré par fragilité humaine, ne les amenda en aucune façon et les renvoya tels quels au prince par le ministère des métropolites susnommés ». Lib, pont., loc. cit. Sans doute, dans la phrase citée ci-dessus, le biographe de Jean VII ne dit pas que ce pape ait donné sa signature aux canons du Quinisexte ; il ne dit pas non plus expressément qu’il les ait approuvés d’une manière quelconque ; mais, si Jean VII s'était contenté de les renvoyer purement et simplement sans ajouter quoi que ce soit, son attitude aurait été analogue à celle de Serge I er et on ne voit pas comment son biographe aurait pu lui reprocher sa pusillanimité à cette occasion. Nous ne croyons pas que Jean VII ait donné sa signature aux canons du Quinisexte, car s’il l’avait fait, les commentateurs et les polémistes byzantins du Moyen Age n’auraient pas manqué de le rappeler ; mais nous estimons qu’il ressort de la biographie de Jean VII que ce pape, ne fût-ce que de vive voix, a donné une certaine approbation au concile Quinisexte, que l’empereur s’en est contenté, mais que le clergé romain l’a pris en mauvaise part. Ceux qui doutent de l’approbation du Quinisexte par Jean VII mettent en avant que, si elle avait vraiment eu lieu, Justinien II n’aurait pas repris cette affaire avec le pape Constantin successeur de Jean VII.

Sous Constantin I er.

Nous lisons en effet dans

le Liber pontificalis qu’en 710 le pape Constantin (708-715) reçut de l’empereur une lettre le convoquant à Constantinople. Parti de Rome le 5 octobre de la IXe indiction, le pape rencontra à Naples le patricc Jean Rhizocopus qui se dirigeait lui-même vers Rome, où il fit mettre à mort quatre membres influents du clergé romain. Constantin ne fut sans doute pas mis au courant des instructions impériales dont le patrice était porteur. Il continua son voyage vers la ville impériale, où il fut reçu avec de grands honneurs au printemps suivant. A Nicomédie, le pape Constantin rencontra l’empereur, qui lui baisa les pieds, voulu I recevoir la communion de sa main, confirma tous les

privilèges de l'Église romaine et l’autorisa à retourner à Rome. Liber pont., t. i, p. 389 ; Bède, Clironique, P. L., t. xc, col. 570. Rien dans ce récit n’indique que l’affaire du Quinisexte ait été pour quelque chose dans la convocation du pape Constantin à Constantinople. Il y avait à cette époque, à Rome, à Ravenne et dans le reste de l’Italie, assez de troubles, de difficultés et d’intrigues qui rendent compréhensible la mesure prise par l’empereur Justinien, voire la manière forte employée par Jean Rhizocopus. Sans doute, le biographe de Grégoire II raconte que ce pape étant diacre avait accompagné son prédécesseur Constantin lors de son voyage à Constantinople et que « interrogé par l’empereur Justinien sur certains chapitres, il donna une très bonne réponse et fournit une solution pour chaque question ». Liber pont., t. i, p. 396. Il est possible, probable même, que ces « chapitres » aient été les canons du Quinisexte, mais il n’est pas nécessaire d’admettre que la conversation de l’empereur et du diacre Grégoire ait roulé sur l’approbation pontificale ; il est plus probable, comme il s’agissait de « solutions » à donner à diverses « questions », que les interlocuteurs ont traité de l’interprétation de certains de ces canons ou de leur mise en vigueur dans l'Église romaine. Quoi qu’il en soit de cette question, le pape et l’empereur se séparèrent, comme on vient de le voir, en très bons termes ; et le Liber pontificalis a gardé un bon souvenir du féroce Justinien II, qu’il appelle « un bon prince », « un empereur orthodoxe et très chrétien ». Id., ibid., p. 391. 4° Discussions ultérieures.

Les troubles qui agitèrent l’empire après la mort de Justinien II, la querelle des images qui survint peu après (dès 726), firent

rentrer dans l’ombre la question du Quinisexte. On n’en reparla plus qu’en 787, au IIe concile de Nicée. Le canon 82 du Quinisexte prescrit que le Sauveur ne doit être représenté que sous sa forme humaine. Citant ce canon à la session iv du IIe concile de Nicée, Taraise, patriarche de Constantinople, expliqua « que quatre ou cinq ans après le VIe concile œcuménique, les mêmes évêques s'étant de nouveau réunis en assemblée avaient porté les susdits canons » (ceux du Quinisexte). Mansi, Concil., t. xiii, col. 219. L’adresse du Quinisexte à l’empereur, ibid., t. xi, col. 933, dit bien que ce concile voulait compléter l'œuvre des Ve et VI « conciles, en formulant des décrets disciplinaires ; mais Taraise à Nicée va plus loin. Pour lui, les canons du Quinisexte sont à considérer comme émanant du VIe concile général, puisqu’ils ont été élaborés par les Pères de ce concile, réunis au bout de quelques années pour parachever son œuvre. L’assertion de Taraise eut un plein succès ; elle obtint l’adhésion du VIIe concile ainsi que celle du pape Adrien I er. Dans la longue lettre qu’il écrivit aux évêques de l'Église franque, pour répondre aux critiques qu’ils avaient formulées contre l'œuvre du VIIe concile général, Adrien I er dit au c. xxxv, que « les Pères du VIIe concile ont cité un témoignage du VIe concile, pour démontrer clairement que déjà à l'époque de celui-ci… les saintes images étaient vénérées ». P. L., t. xcviii, col. 1264 A. Ici le pape fait évidemment allusion au can. 82 du Quinisexte, qu’il croit être le VIe concile. Déjà avant la réunion du IIe concile de Nicée, dans sa Lettre à Taraise, qui fut lue à la iie session de cette assemblée, Adrien I er avait écrit : « Je reçois le VIe concile avec tous ses canons, dans lesquels il est dit que certaines images représentent un agneau désigné du doigt par le Précurseur… » Il est clair qu’ici aussi le pape vise le can. 82 du Quinisexte, qu’il croit être du VIe concile. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, ce ne peut être que Taraise qui a amené le pape à attribuer au VIe concile les canons du Quinisexte, car il n’est guère admissible qu'à Rome, au courant du vine siècle, cette attribution ait été communément admise.