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QUIÉTISME. LE MOLTNOSISME


non repra-sentent amplius res sensibiles, unde sint ac si non essent ; quia non perveniunt ad faciendum quod intellectus ad cas se applicet.

64. Theologus minorem dispositionem habet quam homo rudis ad statum contemplativi. Primo quia non habet fidem adeo puram ; secundo quia non est adeo humilis ; tertio quia non adeo curât propriam salutem ; quarto quia caput refertum habet phantasmatibus, speciebus, opinionibus et speculationibus, et non potest in illo ingredi verum lumen.

65. Pnepositis obediendum est in exteriori, et latitudo voti obedientise religiosorum tantummodo ad exterius perlingit. In interiori vero aliter res se habet, ubi solus Deus et director intrant.

66. Risu digna est nova quædam doctrina, in Ecclesia Dei, quod anima quoad internum gubernari debeat ab episcopo et quod si episcopus non sit capax, anima ipsum cum suo directore adeat. Novam dico doctrinam, quia nec S. Scriptura, nec concilia, nec canones, nec bullæ nec sancti, nec auctores eam unquam tradiderunt, nec tradere possunt quia Ecclesia non judicat de occultis et anima jus habet et facultatem eligendi quemcumque sibi bene visum.

67. Dicere quod internum manifestandum est exteriori tribunali pnepositorum, et quod peccatum sit id non facere, est manifesta deceptio : quia Ecclesia non judicat de occultis, et propriis animabus prsejudicant his deceptionibus et simulationibus.

68. In mundo non est facilitas nec jurisdictio ad pra-cipiendum ut manifestentur epistolse directoris quoad internum animas et ideo opus est animndvertere quod hoc est insultus Satanse.

Quas quidem propositiones tanquam hæreticas, suspectas et en’oneas, scandalosas, lilasphemas, piarum aurium otfensivas, temerarias, christiana ; disciplina ; relaxativas et eversivas et seditiosas respective, ac qtuecumque super iis verbo, scripto, vel typis emissa, pariter cum voto corumdem fratrum noslrorum S.R.E. cardinalium et iuquisitorum generalium

damna vimus, circumscripsimus et abolcvimus…

extérieurs ne nous représentent pas plus les choses sensibles que si elles n’existaient pas du tout, car ils sont dans l’impuissance d’y appliquer l’entendement.

64. Un théologien a moins d’aptitude à l'état de contemplatif qu’un homme ignorant. Premièrement parce qu’il n’a pas une foi si pure ; secondement parce qu’il n’est pas si humble ; troisièmement parce qu’il n’a pas tant de soin de son propre salut ; quatrièmement parce qu’il a la tête farcie de vaines imaginations, d’espèces intelligibles, d’opinions et de théories, au point que la vraie lumière ne peut y entrer.

65. Il faut obéir aux supérieurs dans les choses extérieures, et le voeu d’obéissance des religieux ne s'étend qu’aux choses extérieures. Mais pour l’intérieur il en est tout autrement ; là Dieu seul et le directeur y entrent.

66. Elle est digne de risée, cette doctrine nouvelle dans l'Église, a savoir que l'âme doive être, pour ce qui concerne son intérieur, gouvernée par l'évêque et que, si l'évêque en est incapable, elle doive se présenter à lui avec son directeur. Doctrine nouvelle, dis-je, car ni l'Écriture, ni les conciles, ni les saints canons, ni les bulles des papes, ni les saints, ni les auteurs ne l’ont jamais enseignée. Et ils ne le peuvent pas, puisque l'Église ne juge point des choses cachées et que l'âme a le droit et la faculté de choisir pour guide qui bon lui semble.

67. Dire qu’il faille découvrir l’intérieur de la conscience au tribunal extérieur des supérieurs, et que ne pas lef aire soit un péché, c’est une tromperie manifeste, parce que l'Église ne juge point des choses cachées et que l’on nuit beaucoup aux âmes par ces duperies et ces hypocrisies.

68. Il n’y a au monde ni autorité ni juridiction qui ait le droit d’ordonner que les lettres du directeur, traitant de l’intérieur de l'âme, soient communiquées ; aussi est-il a propos d’avertir que, ce faisant, on commet un outrage satanique.

Ces propositions, de l’avis de nos susdits frères les cardinaux de la sainte Église romaineet les inquisiteurs généraux, nous les avons condamnées, notées et proscrites respectivement comme hérétiques, suspectes, erronées, scandaleuses, blasphématoires, offensives des pieuses oreilles, téméraires, énervant et détruisant la discipline chrétienne, et séditieuses, et pareillement tout ce qui a été émis a leur sujet de vive voix ou par écrit ou imprimé…

On est écœuré en lisant ces propositions, qui sont le complet renversement de la doctrine traditionnelle concernant la vie spirituelle et même la morale chrétienne. Sans doute quelques-unes de ces propositions pourraient être interprétées dans un sens acceptable, mais, quand on connaît les principes détestables auxquels elles se rattachent, on est contraint d’y voir le venin de l’erreur. Même lorsqu’il emploie le langage ordinaire de la spiritualité catholique, Molinos donne à celui-ci un sens faux ou tout au moins dangereux.

Remarquons aussi que toutes les erreurs ou témérités émises par les préquiétistes et autres auteurs plus ou moins sujets à caution se retrouvent dans le molinosisme. Molinos semble avoir lu tout ce qui a été écrit sur le quiétisme, depuis les béghards jusqu'à lui ; aussi peut-il être considéré comme la personnification de l’hérésie quiétiste. Voici une synthèse de sa doctrine.

Synthèse du molinosisme.

Le système molinosiste est fondé sur une conception radicalement

quiétiste de l’oraison. Celle-ci n’unit pas simplement l'âme à Dieu, mais elle l’identifie avec lui, au point de lui faire perdre toute activité, toute personnalité et donc toute responsabilité.

Molinos donne différents noms à l’oraison telle qu’il la conçoit : « Tu as été accusé auprès du suprême tribunal de l’Inquisition, lisons-nous dans la sentence de condamnation, du 3 septembre 1687, d’avoir enseigné une nouvelle espèce d’oraison, inconnue jusqu’ici. Tu l’appelles contemplation acquise, oisiveté sainte, repos, voie intérieure, état passif, total abandon à la volonté divine, parfaite indifférence… Tu as aussi avoué complètement que tu dirigeais un certain nombre d'âmes… dans la voie de l’esprit…, de la pure foi… de l’union intérieure avec Dieu, du pur esprit, de la transformation, de l’annihilation, de l’oubli complet de soi en Dieu, dans la voie de mort mystique… d’incompréhensibilité et d'état divin… ». P. Dudon, op. cit., p. 276, 281.

De tous ces noms celui que Molinos emploie le plus souvent est voie intérieure. Cette voie intérieure consiste dans un état de complète annihilation des facultés de l'âme. Celles-ci doivent être non seulement inactives, mais inertes. Car « vouloir être actif, agir, c’est offenser Dieu puisque seul il veut agir en nous » ; il faut que nous soyons « comme un corps inanimé ». L’activité naturelle « est l’ennemie de la grâce divine. » Prop. 1-4. Dans cet état de mort mystique, l'âme ne peut plus vouloir que ce que Dieu veut ; sa propre volonté lui a été enlevée. Par cette destruction de son activité, « l'âme retourne à son principe et à son origine qui est l’essence divine, dans laquelle elle demeure transformée et déifiée : alors aussi Dieu demeure en lui-même, puisque ce n’est plus deux choses unies, mais une seule chose, et c’est ainsi que Dieu vit et règne en nous, et que l'âme s’anéantit même dans sa puissance d’agir ». Prop. 5. « Une âme arrivée à la mort mystique ne peut plus vouloir autre chose que ce que Dieu veut parce qu’elle n’a plus de volonté et que Dieu la lui a ôtée. > Prop. 61. Elle est alors insensible à ses passions et incapable de pécher même véniellement. Prop..->r>-. r >7. Le molinosisme, comme presque toute fausse mystique, tombe dans le panthéisme et aboutit â l’irresponsabilité morale. On voit la parenté des erreurs de Molinos avec celles des béghards et des alumbrados.

Cette annihilation panthéiste de l'âme a pour conséquence l’abandon de la prière, surtout de la prière de demande, celle-ci étant un « acte de la volonté propre ». Dans toute oraison, quelle qu’elle soit, l'âme doil s’abstenir de tout effort. Elle se tiendra en présence de Dieu i sans produire aucun acte parce