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RONGE (JEAN — ROSAIRE

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présidence d’un professeur de sténographie nommé I Wigard. Quinze communautés y étaient représentées. La sainte Écriture y fut proclamée l’unique norme de la foi chrétienne, son interprétation étant abandonnée à un chacun. Le « concile » réprouva le magistère ecclésiastique, la primauté du pape, la confession auriculaire, les indulgences, le célibat ecclésiastique, l’invocation des saints, le culte des images et des reliques, les pèlerinages et les jeûnes. Pour ce qui concerne les sacrements, le « concile » n’en admit que deux : le baptême et l’eucharistie, laquelle devait être administrée sous les deux espèces. Une liturgie en langue allemande, dans laquelle le canon était supprimé, devait remplacer la messe.

Pour les dogmes trinitaire et christologique, Czerski, l’associé de Ronge, aurait voulu s’en tenir au symbole de Nicée-Constantinople ; mais le « concile » décida de le remplacer par la profession de foi suivante : « Je crois en Dieu le Père, qui a créé le monde par sa parole toute puissante et qui le gouverne par sa sagesse, sa justice et sa bonté. Je crois en Jésus-Christ notre Sauveur. Je crois au Saint-Esprit, à une sainte Église chrétienne et universelle, à la rémission des péchés, à la vie éternelle. » En promulguant cette profession de foi, le « concile » précisa qu’il n’entendait pas la rendre obligatoire comme norme de la foi. Enfin il fut décidé que les prêtres seraient élus par les fidèles, que le « concile général » se réunirait tous les cinq ans, et que la nouvelle confession s’appellerait « Église catholique allemande » (Deulschkallwlische Kirche) dans les pays de langue allemande et « Église catholique chrétienne » (Christkatholische Kirche) dans les pays slaves et anglo-saxons.

Après la clôture du « concile », Ronge entreprit une tournée de propagande. A Rerlin, il fut reçu par le prince Guillaume de Prusse, le futur empereur, et par le ministre des cultes. Mais il n’obtint pas la tenue des registres de l'état-civil pour les prédicants de sa secte. L’Autriche, la Bavière et la Hesse électorale s’opposèrent à la propagande de Ronge mais, dans les autres États allemands, elle réalisa des succès assez considérables, du fait que les protestants, dans leur ensemble, et ce qui restait de tenants de YAufklàrung parmi les catholiques épaulèrent Ronge, qu’ils estimaient capable de contrecarrer la restauration catholique alors à son plein essor en Allemagne. C’est ainsi qu’au deuxième « concile général » de la secte, qui se tint à Berlin du 25 au 29 mai 1847, 259 communautés catholiques allemandes étaient représentées et le nombre total des adhérents paraît alors avoir atteint le chiffre de soixante à quatre-vingt mille, disséminés, dans la basse et la moyenne Allemagne et parmi les Allemands des États-Unis d’Amérique.

La révolution de 1848 fit disparaître les entraves que divers gouvernements allemands avaient mises jusqu’alors à la propagande catholique allemande. Mais l'étoile de Ronge était déjà à son déclin. Son radicalisme théologique, qui l'éloignait toujours plus du christianisme positif, lui avait déjà aliéné ceux de ses adhérents qui voulaient rester fidèles au dogme chrétien. Son radicalisme politique éloigna de lui, en 1848, les protestants conservateurs. Sous le coup de poursuites judiciaires du fait de ses menées politiques, Ronge se réfugia en Angleterre en 1849. La secte qu’il avait fondée fusionna en 1 850 avec un groupement protestant de gauche qui s’intitulait « Libres communautés protestantes » (Frei protestantische Gemeinden).

De retour en Allemagne en 1861, Ronge fondai' « Association de réforme religieuse » (Religiôser Rejormverein) dans le but de combattre le « cléricalisme » (Pfafjentum). Il s’occupa aussi de la création de jardins d’enfants en Autriche et en Hongrie et mourut en libre penseur le 26 octobre 1887. Il fut enterré à Bres DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

lau au cimetière de la « communauté religieuse libre », laquelle est une association à tendances nettement athées.

La tentative de Ronge est à considérer comme un dernier retour offensif de Y Aufklârung contre la restauration catholique en Allemagne. Sur YAufklàrung, voir Semi-rationalisme. Une notable partie de ses adhérents se recruta parmi les protestants. Les catholiques qui le suivirent étaient pour la plupart de ceux qui ne croyaient pas pouvoir approuver l’attitude de l'Église catholique envers les mariages mixtes. Le mouvement déclenché par Ronge n’eut aucun succès notable dans les pays entièrement catholiques, tels que l’Autriche, la Bavière, les Pays rhénans et la Westphalie. Aucun catholique notable ne suivit Ronge : le vieux Wessenberg, le patriarche de YAufklàrung catholique, lui déclara vouloir demeurer fidèle à l'Église catholique ; les disciples de Gùnther, entre autres le professeur de Breslau, Baltzer, le combattirent aussi vigoureusement qu’avaient fait les tenants de l'école de Tubingue ou les rédacteurs du Katholik et des H istorisch-politische Blàtter.

Lexikon fur Théologie und Kirche de Buchberger, art. Ronge, t. viii, p. 981-982 ; art. Deutschkalholicismus, t. iii, p. 237-238 ; Kirchenlexikon, 2 edit., art. Deutschkalholicismus, t. iii, p. 1603 sq. ; H.-J. Cristiani, Ronges Werdeganç, 1923 ; E. Baucr, Geschichte der Grunduny und Forlbildung der deulsrhkatholischen Kirche, Meissen, 1815 ; J. Giintlier, Bibliothek der Bekenntnisscliri/len der deulsrhkatholischen Kirche, Iéna, 1815 ; F. Kampe, Das Wesen des Deutschkalholicismus, Tubinpue, 1850. Pour la polémique catholique contre Ronge, voir les années 18+4 et suivantes du Katholik et des HistoriscL-politische Bldlter.

G. Fritz.

    1. ROSA IRE##


ROSA IRE. — Le mot rosaire désigne maintenant une dévotion de l'Église catholique recommandée par les souverains pontifes, enrichie d’indulgences et munie de toute une réglementation qui assure la fixité des formules de prières groupées sous ce nom. Primitivement il n’en était pas ainsi. Avant de se fixer, au xve siècle et au xvie siècle, sous sa forme actuelle, le rosaire apparaissait, au Moyen Age, lié à l’ensemble des dévotions mariâtes populaires. C’est dans ces antécédents médiévaux qu’il faut chercher l’explication de son symbolisme, son esprit mystique et, le mot n’est pas trop fort, sa théologie.

I. Le symbolisme fleuri de la piété mariale. IL Saluts, miracles, mystères, mariologie populaire. III. Évolution historique du rosaire. IV. Les joies et les douleurs : rosaires et chemins de la croix. V. Gais chevaliers, gai savoir, confréries.

I. Le symbolisme fleuri de la piété mariale. — L’idée que la maternité de la Vierge et les scènes communes de sa vie et de la vie de Jésus sont des joies dépassant toutes les joies est une idée tout à fait traditionnelle dans l'Église. Au ve siècle, le poète Sédulius écrivait : Gaudia matris liabens cum virginitaiis honore, Nec primam similem visa est nec habere sequenlem. Carmen paschale, ii, 67-68. Le Moyen Age devait travailler sur ces données traditionnelles. Mais, de même que l’antiquité basait sur la notion de joie, de bonne nouvelle de l'Évangile la piété mariale, qui devait prendre une si grande extension dans les siècles suivants, elle fournissait aussi pour ce développement de la piété mariale tout un symbolisme joyeux, poétique et séduisant. De tous temps, les fleurs ont été utilisées par les poètes pour des langages symboliques plus ou moins compliqués. Or, le plus simple de ces langages, appliqué à la plus classique des fleurs, la rose, consiste à faire de la rose le symbole de la joie, de tout ce qui est agréable. Dans le livre gréco-juif de la Sagesse, ii, 8, les libertins s'écrient : Coronemus nos rosis antequam marcescent… Se couronner le front de roses (on dira au Moyen Age d’un chapel, d’un chapelet de roses), est

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