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ROMAINS (ÉPITRE AUX). DOCTRINES, SPIRITUALITÉ


lypse courants dans la littérature judaïque. Il ne reproduit de la scène que le côté spirituel, moral et religieux.

La restauration spirituelle et religieuse décrite dans les chapitres v-vi ne vise que l’homme et sa destinée future. Or, dans quelle mesure la création, l’univers ont-ils subi les atteintes de la faute d’Adam, et doiventils participer à la restauration accomplie parle Christ ? Telle est la question posée par le passage viii, 19-23 : « Dans son attente, la créature aspire vivement à la manifestation des fds de Dieu. La création (la nature) en effet, a été assujettie à la vanité (à l’anomalie, dans le sens moral), non de son gré, mais par la volonté de celui qui l’y a soumise, dans l’espoir qu’elle aussi sera délivrée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Car nous savons que la création tout entière, jusqu'à ce jour, gémit et souffre les douleurs de l’enfantement. » Comment faut-il entendre cette « vanité » et cet « esclavage de la corruption » qui oppriment la créature dans l’ordre actuel et dont elle sera délivrée « en participant à la gloire des enfants de Dieu » ?

Les anciens commentateurs sont loin d'être unanimes sur la portée de ce passage. Les uns se référant à Gen., iii, 17-18, ont entendu que les êtres non raisonnables ont participé à la malédiction qui a frappé l’homme. Cette malédiction étant levée, ces êtres doivent recouvrer leur ancien état antérieur à la chute. Ainsi la créature, en dehors de l’homme, a été soumise à la corruption et au changement le jour où l’homme a péché ; elle en sera délivrée en participant à la gloire des enfants de Dieu après la résurrection. C’est le renouvellement de l’univers, les >< cieux nouveaux et la terre nouvelle ». Telle est l’interprétation de saint Jean Chrysostome. Théodore de Mopsucste ne suppose point que la nature ait été immortelle et incorruptible avant la faute d’Adam, mais seulement qu’elle deviendra exempte de corruption, de perturbations et de changements au moment de la résurrection. Théodoret identifie la « vanité » et la « corruption ». D’après lui, « la créature » a reçu, au commencement, une nature mortelle, parce que le Créateur de l’univers prévoyait la chute d’Adam : il ne convenait pas, en effet, de donner l’incorruptibilité à des êtres faits pour servir un être mortel et passible, c’est-à-dire l’homme. Mais, une fois l’immortalité acquise à l’homme par la résurrection, les êtres de la nature devront participer à l’incorruption.

Œcuménius et Théophylacte suivent l’interprétation de saint Jean Chrysostome. Mais Œcuménius ajoute : « Tout cela est une prosopopée pour nous faire saisir la grandeur des biens célestes, et pour nous montrer que c’est nous-mêmes, plutôt que la créature, qui devons avoir souci d’obtenir cette gloire et cette incorruptibilité. Ne croyez point que la créature inanimée et insensible soit dans une pareille attente ou éprouve de tels sentiments. » P. G., t. cxviii, col. 481.

Origène estime que le passage ne vise que la créature raisonnable. La corruption dont il s’agit est celle du corps, de « l’homme extérieur », par opposition à « l’homme intérieur » : l’homme en sera délivré à la résurrection. L’Ambrosiaster explique le passage en y mettant une note morale et philosophique : la créature est soumise à la vanité, c’est-à-dire : ce qu’elle engendre est caduc. La vanité c’est la corruption. Les choses sont « vaines », parce qu’elles ne peuvent persévérer dans leur état ; « déformées par un écoulement perpétuel, elles reviennent à elles-mêmes, confondues dans la nature ». Mises au service de l’homme par le Créateur, elles s’en affligent parce qu’elles sont au service de la corruption. Elles s’en réjouiraient, au contraire, si leur service était utilisé pour « mériter Dieu ». Toutefois elles se préoccupent de notre salut, car elles retrouveront le repos et la liberté lorsque « sera complet le

nombre des fils de Dieu destinés à la vie ». P. L., t. xvii, col. 124-125.

Selon saint Thomas, le terme « créature » peut s’entendre de trois manières : des hommes justes qui sont la créature de Dieu par excellence ; de la nature humaine encore « informe » dans les hommes non justifiés, et qui attend d'être « formée » par la grâce et la gloire ; enfin, de la créature "sensible », comme des « éléments de ce monde » : cette créature sera renouvelée d’une certaine façon, selon la parole de l’Apocalypse, xxi, 1. Les « fils de Dieu » étant transformés par la glorification, il convient qu’il en soit de même de leur demeure. Saint Thomas laisse le choix entre ces trois explications.

Beaucoup de modernes entendent le passage au sens moral. Il y a comme une solidarité morale et religieuse entre la nature et l’homme. L’homme, par sa faute, a associé la créature au mal moral : la nature a été comme assujettie aux puissances de destruction. Elle en sera délivrée par la glorification de l’homme : tout rentrera dans l’ordre en ce moment. Mais le passage n’enseigne point que la nature des êtres sera changée. En effet, dans la doctrine de saint Paul, la chair ne peut être transformée que par l’Esprit, à la suite de l’union au Christ. Or cela ne peut être le fait que de l’homme justifié et devenu enfant de Dieu. La transformation sera donc uniquement du côté de l’homme.

D’ailleurs, l’Apôtre fait ici allusion à une notion courante dans la littérature apocalyptique et fondée sur une interprétation de Gen., i-m ; Is., lxv, 16-18 ; cf. Hénoch, xlv, 4 ; Apoc. Baruch., xxxii, 6 ; li ; lu ; IVEsdr., vu, 1 1 ; xiii, 20-29. Mais l’on ne peut dire qu’il a voulu intégrer dans sa théologie du salut les idées millénaristes qui se rencontrent dans les apocalypses. Il n’a point enseigné que tout dans la nature était incorruptible avant la chute d’Adam, que la corruption et le changement dans l’univers ne datent que de cette chute, en un mot, que les lois du monde datent de la chute originelle et que les êtres aspirent à en être délivrés. Seule la destinée de l’homme l’intéresse, comme le montrent les développements des c. v-vm. S’il associe à l’homme la nature, en lui prêtant des sentiments, ce n’est qu’une figure de langage, comme l’ont noté les commentateurs grecs. Toutefois, après la résurrection et la glorification des justes, le mal moral n’existant plus, tout sera conforme à la volonté de Dieu, à l’ordre établi par lui. Cf. I Cor., xv, 24-28 ; 53-56. Quel sera l'état de la nature ou de l’univers à ce moment ? L’Apôtre ne semble point avoir voulu donner une réponse à cette question.

Mystique.

Nous désignons ici sous le nom de

mystique non la théologie des états extraordinaires, mais les fondements de la spiritualité paulinienne. Cette doctrine est exposée spécialement dans les chapitres vi et vin.

La vie surnaturelle est une vie divine, dans laquelle l’homme, par la juslification, s’approprie en quelque sorte la nature spirituelle divine du Christ. Il possède cette vie nouvelle grâce au baptême qui opère une résurrection mystique, vi, 3, 11. Il triomphe du péché et il a la garantie du salut.

Le fidèle est « dans le Christ » et le « Christ est en lui ». vm, 1-2 ; 9-11 ; cf. Gal., iv, 19. Le Christ ressuscité, Seigneur, est uni au chrétien par un lien très étroit que l’on peut appeler vital, puisque cette union est principe de vie dans l’ordre spirituel. Ce nouvel état résulte de la « justice » reçue de Dieu ; le ꝟ. 10 est particulièrement significatif : « Si le Christ est en vous, l’esprit (l’esprit humain sous l’action de l’Esprit divin) est vie à cause de la justice. » Ici la justice donnée par Dieu est un aspect de la grâce sanctifiante ; c’est, dans la langue théologique, la « cause formelle » de la justification.