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ROMAINS (ÉPITRE AUX). DOCTRINES, LE CHRIST


manière directe seulement de l’admission des gentils à la foi et à la justice à l’exclusion des juifs : le bienfait est accordé aux gentils gratuitement ; aux juifs il n’est pas accordé. Les gentils appelés et justifiés sont « préparés » à la gloire, comme dans viii, 30 ; les autres, objets de colère, c’est-à-dire méritant le châtiment, sont « prêts » pour la perte, ꝟ. 22 ; mais il n’est point dit que Dieu les y ait « préparés ». Noter en effet le contraste entre xa-7)pTi.ajiiva au passif et TirpoYjToiiiaæv qui marque l’action positive de Dieu. Il a donné aux juifs le temps de se repentir, en les « supportant dans une longue patience », et de ce fait sa miséricorde n’en a été que plus éclatante, mais elle s’est exercée en faveur de ceux qu’il a appelés. Dans la suite du développement l’Apôtre marque bien que le rejet des juifs a fait « la richesse du monde », xi, 12, 15, mais il montre également qu’ils ont été rejetés par leur faute : ils ont « méconnu la justice de Dieu », au lieu de s’y soumettre, c’est-à-dire refusé l'Évangile dans lequel se manifeste précisément cette justice. Cf. x, 3 ; i, 17.

Il apparaît donc clairement que l’Apôtre ne traite explicitement qu’un problème d’histoire : le sort des juifs en face du salut, et non un sujet de théologie abstraite. Mais l’on peut conclure de son exposé que l’ordre de la grâce en général estfondé sur la pure miséricorde ou l’amour ; que la créature n’y a aucun droit et qu’il n’y a aucune injustice de la part de Dieu à appeler ceux qu’il veut, chacun gardant d’ailleurs sa liberté et demeurant l’artisan de sa propre destinée.

2. Trinité.

L’Apôtre n’expose pas une doctrine de la Trinité, mais, en développant le plan divin, il marque l’existence et le rôle des trois personnes divines. Dans l’exorde il mentionne le Père, ꝟ. 7, le Fils, ꝟ. 3, et peut-être aussi l’Esprit-Saint, ꝟ. 4, TCveûfia àyicoaûvYjç, mais cette derniers expression peut désigner aussi la nature divine du Christ.

Le Père n’est pas seulement Père par rapport au Christ, i, 2-3 ; vi, 4 ; xv, 6 ; il est Père des fidèles dans l’ordre de la grâce, l’ordre surnaturel : les chrétiens, par l’adoption, deviennent ses fils et ont le droit de l’appeler leur Père ; ils deviennent avec le Christ les cohéritiers des choses divines, viii, 15-17.

  • ? Le Fils fait l’objet de l'Évangile, i, 2 ; il est né de la

race de David « selon la chair », i, 4 ; il a été « constitué Fils de Dieu avec puissance, en vertu de son esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts », i, 4. L’expression « esprit de sainteté » désigne probablement la nature spirituelle du Christ, nature très sainte ou divine. Voir ci-dessous, col. 2884. Cf. i, 9. Dieu a envoyé son Fils, viii, 3 ; il ne l’a pas épargné, viii, 32 ; par sa mort les hommes ont été réconciliés avec Dieu, v, 10 ; par l’action de l’Esprit de Dieu, ils deviennent eux-mêmes fils de Dieu par adoption, viii, 11 ; ils sont prédestinés à être « conformes à l’image du Fils de Dieu ». viii, 29.

L' Esprit-Saint est Esprit de vie, viii, 2, 10 ; il est donne aux fidèles et il répand dans leurs cœurs l’amour de Dieu, v, 5 ; il règle la conduite du chrétien, viii, 11, 16. L’Esprit do Dieu habile dans le chrétien, viii, 9 ; le chrétien possède l’Esprit du Christ, c’est-à-dire l’Esprit-Saint donné par le Christ : c’est l’Esprit de Dieu qui a ressuscité le Christ, viii, ! >, 11. L’EspritSaint rend plus vif le sentimeii I que nous avons d'être enfants de Dieu, viii, 16. Le chrétien justifié a reçu les prémisses de l’Esprit, viii, 23, c’est-à-dire un gage de la glorification future. L’Espril « aide à notre faiblesse » et « intercède pour nous ci des gémissements ineffables d, viii, 26, c’est-à-dire nous l’ait prier comme il convient et donne à notre prière toute sa valeur.

Enfin Dieu agit dans les fidèles par la vertu de son Esprit, xv, 13 ; c’est par l’Esprit qu’il opère des miracles et. des prodiges, xv. I '.I.

Ainsi l’Apôtre marque spécialement le rôle de l’Es prit dans la vie chrétienne : son action est une action divine et personnelle ; sa puissance est également une puissance divine.

3. Création.

La doctrine de l’Apôtre sur la création se rattache à celle de l’Ancien Testament. Dieu a façonné l’homme comme le potier façonne son ouvrage, ix, 20-21 ; il en est le maître. Par la création, il se manifeste à l’homme. Voir plus haut, col. 2879. La formule du c. xi, 36 a une allure philosophique : 'E£ aùxoù xal S'.'aÙToO xal eî ; aù-rôv Ta toxvtcc, toutes choses sont de lui, et par lui et pour lui (et non « en lui », in ipso ; cf. Vulgate). Relativement aux êtres de l’univers, Dieu est à lui seul toute cause : les êtres proviennent de lui ; ils subsistent par lui, par son action permanente : Sià marque l’activité par laquelle les êtres existent ; ils tendent à lui comme à leur fin. Ce passage marque à la fois la dépendance absolue des êtres à l'égard de Dieu, et l’indépendance de Dieu à leur égard. La formule est précisément introduite pour accentuer cette indépendance déjà établie dans les développements qui précèdent. On mesure toute la distance qui sépare saint Paul de la philosophie stoïcienne dans la doctrine sur les rapports de Dieu avec l’univers. Voir plus haut, col. 2879. L’on ne saurait restreindre la portée de cette formule à la conduite de Dieu dans l’histoire religieuse, comme si l’Apôtre voulait dire simplement, à propos du rejet des juifs, que tout, dans le plan divin, provient de Dieu, est dirigé par lui et converge vers lui. La formule est générale et présentée comme un principe affirmant la transcendance de Dieu par rapport au monde.

4. Révélation.

Dieu se révèle déjà dans l’ordre naturel par la création et la conscience morale. Voir col. 2879. Il a révélé dans l’histoire d’une façon surnaturelle son « être moral », sa volonté et son action sur les hommes et les choses, ii, 18 sq. Il a confié à un peuple choisi ses « oracles » et ses promesses, iii, 1 sq. ; ix, 1-5. Enfin, par l'Évangile, il a révélé sa justice pour le salut de l’humanité, i, 16-17 ; iii, 21. Son plan de salut est un mystère demeuré « caché dans les temps anciens », mais révélé maintenant et manifesté dans les écrits des prophètes, xvi, 25-26. La révélation de l'Évangile était annoncée et préparée dans les écrits prophétiques de l’Ancien Testament, i, 2 ; iii, 21 ; mais cela n’a été mis en pleine lumière que par la prédication du Christ et des apôtres. Ainsi la prédication de l'Évangile, d’une part, a révélé « le mystère » du Christ ; mais d’autre part, en apportant le témoignage des prophéties, elle en a manifesté toute la portée. Cf. Eph., i, 9-14 ; Heb., i, 1 sq.

Le Christ.

1. Préexistence et divinité. — Le

Christ est le Fils de Dieu par nature, son « propre Fils », vm, 32, non un (ils par adoption. Dieu l’a envoyé, vm, 3 ; s’il est « né de la race de David », c’est seulement « selon la chair », c’est-à-dire à cause de sa nature humaine, mais il existait déjà auparavant, i, 3 ; cf. ix, 5 a, to xaxà aâpxa. Il a des prérogatives divines : l’amour du Christ, c’est l’amour même deDieu ; cf. viii, 35, 39 ; v, 6-10. Il est « à la droite » de Dieu, remplissant le rôle de juge, viii, 34. Il est le Seigneur « des morts et des vivants ». xiv, 9. Saint Paul lui attribue la parole qu’Isaïe met dans la bouche de Jahvé, xiv, 11 : < Par ma vie, dit le Seigneur, tout genou fléchira devant moi, toute langue rendra gloire à Dieu » ; cf. Is., xi.v, 23. C’est en qualité de Fils qu’il a été investi de puissance à la suite de sa résurrection, i. 1. Cette doctrine est analogue à celle de Phil., ii, 6-1 1 ; mais, dans ce dernier passage, le contraste entre la nature divine du Christ préexistant et sa nature humaine est beaucoup plus accentue. Cf. II Cor., viii, 9.

Le passage Rom., ix, 5 affirme très probablement d’une manière explicite la divinité du Cbrist. Certains exégètes anciens n’y ont vu qu’une simple doxologie ; mais Tcrtullicn y voyait déjà une explication de la