Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/733

Cette page n’a pas encore été corrigée
2879
2880
ROMAINS (ÉPITRE AUX). DOCTRINES, DIEU


col. 2428-2150. Nous marquerons donc seulement ici les points de doctrine ou les notions exposés à l’occasion du thème principal.

Dieu.

 Dans sa notion de Dieu, l’Apôtre

est tributaire de l’Ancien Testament ; mais il apporte de nouvelles données sur l’existence de Dieu, sa providence, ses attributs, son plan de salut universel.

1. Existence de Dieu, sa nature et ses attributs. — Dieu se fait connaître à l’homme par la création, r. 1821. La raison ou l’intelligence, s’exerçant sur les choses créées, permet à l’homme de connaître clairement ce cpii est connaissable de Dieu. De la créature qu’il voit, l’homme remonte par la réflexion à sa cause invisible ; il en découvre la puissance éternelle, indéfectible, à'fôioç aÙToû Sôvxjjuç, et la nature divine, 0si.6t7)< ;. L’Apôtre n’indique pas d’une manière précise le processus de cette connaissance. Cependant le terme vooûfxsva marque bien que l’homme, par son intelligence, conçoit les perfections invisibles, en partant de la créature, c’est-à-dire de l’expérience des choses visibles. Cf. Sap., xiii, 1 sq. : Platon, Kep., vi, 507 b. L’homme peut connaître Dieu non seulement comme cause suprême des êtres, mais aussi comme leur fin ; l’Apôtre le suppose en marquant les obligations qui découlent pour l’homme de cette connaissance : rendre à Dieu l’honneur et l’action de grâce, c’est-à-dire le reconnaître comme maître et source de tous biens. Cf. Conc. Vatic, sess. iii, Const. de fide, c. il.

Le passage ii, 12, 14 sq. postule l’existence de Dieu comme une nécessité de l’ordre moral. « Des païens, n’ayant pas de loi écrite », accomplissent naturellement ce que la loi commande. La lumière naturelle de la raison leur montre le bien et le mal, et leur conscience porte un jugement sur la moralité de leurs actes. Ils seront jugés d’après cette connaissance, jugement qui sanctionnera même les « choses secrètes, Ta xporerà tôov àvGpwiTwv ». Or, une telle sanction suppose un juge omniscient et un exécuteur tout-puissant. La connaissance naturelle du bien et du mal permet donc de conclure à l’existence d’un être supérieur, principe et gardien de la loi morale. Saint Paul n’a point tiré luimême cette conclusion ; mais il a posé des principes d’où l’on peut légitimement la tirer.

Du passage i, 18-21 découle la spiritualité de Dieu et son éternité. Il n’appartient point au monde sensible ; il est invisible, il ne tombe point sous l’expérience, étant conçu par l’intelligence ; il est 7rvsij|i.a ; cf. xv, 19 ; I Cor., ii, 11 ; iii, 10. Il est indéfectible, atStoç, antérieur au monde, xvi, 25 ; cf. Eph., i, 4.

Saint Paul marque bien la transcendance de Dieu, son indépendance du monde. Le monde lui est subordonné, comme à son créateur et à sa fin dernière : « tout est de lui, par lui, pour lui ». xi, 36. Il règle toutes choses par sa volonté. L’Apôtre d’ailleurs n’analyse point la notion de Dieu comme être absolu. Il montre plutôt son action dans le gouvernement des choses, Spécialement de l’homme. Des formules analogues à xi, 30 se rencontrent dans les écrits hermétiques et surtout dans la philosophie stoïcienne, oiï elles s’appliquent au monde ou à la nature divinisée. Elles traduisent une conception panthéiste qui n’a rien de commun avec saint Paul. Cf. Lietzmann, An die Ramer, 3° éd., ». 107.

La sagesse, aorpi%, et la science. yvcocRç/le Dieu, sont mentionnées, iii, 33, non pour expliquer la manière dont Dieu connaît, mais pour justifier sa conduite dans le gouvernement des choses. Dans sa sagesse, Dieu a conçu un plan universel de salut ; cf. I Cor., i, 10, 21, 21 ; ii, sq. Il l’a réglé et il t’exécute par sa Volonté souveraine, à laquelle personne ne peut demander compte : ses jugements sont insondables et ses votes, impénétrables, àvE^'.yvîaaTot. Ce plan est un

mvstère révélé dans la prédication de l'Évangile, xvi, 25-20 ; cf. Eph., i, 9-12.

Dans l’exécution de ce plan, Dieu a manifesté sa puissance, sa justice, sa miséricorde. Sa puissance s’exerce par l'Évangile, i, 10-17 ; sa justice se révèle en sauvant l’homme par la foi. i, 17 ; iii, 21-22, 25, 26 ; x, 3. Il en est de même de sa miséricorde qui s'étend à tous les hommes, xi, 31-32 ; cf. ix, 23 ; xv, 9.

La colère de Dieu s’est révélée contre les juifs et les païens, xi, 22 ; i, 18. Cette notion a un sens cschatologique dans ii, 5-6 ; v, 9. Par un juste jugement, Dieu rendra à chacun selon ses œuvres ; d’un côté, « gloire et immortalité », d’un autre, « colère et indignation », c’est-à-dire un juste châtiment. Cette notion de colère se rattache donc à la justice rétributive qui est connexe à la sainteté dans l’Ancien Testament.

D’ailleurs, la justice de Dieu est la justice qui sauve, i, 10-17, non celle qui punit. Elle désigne moins un attribut divin qu’un don accordé à l’homme et fruit de l’attribut divin. Voir art. Paul, t. xi, col. 2433.

Le but du plan divin est « la gloire de Dieu », xv, 7 ; m, 7 ; ix, 23 ; cf. xi, 30 ; xvi, 27 : c’est l’honneur dû à Dieu de la part des créatures ; cf. i, 23. Cette expression marque également la suprême destinée de l’homme, son salut, iii, 23 ; v, 2 ; viii, 18, 21 ; ix, 4, 23.

Dans l’exécution du plan divin se manifeste l’amour de Dieu : la grande marque de cet amour c’est la mort du Christ pour les pécheurs, v, 8. Bien plus cet amour « s’est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint ». v, 5. Il n’est plus seulement en Dieu, mais il s'épanche dans le chrétien comme une source de vie et un gage d’espérance : rien ne peut arracher l’homme à l’amour de Dieu et du Christ, viii, 39, cꝟ. 35.

Cet amour de Dieu se manifeste spécialement dans la prédestination, qui donne aux chrétiens justifiés, la certitude ou la garantie du salut, viii, 28-30. Ce passage difficile a donné lieu à des interprétations diverses et à des controverses théologiques. Ces dernières seraient hors de propos ici ; elTorçons-nous seulement de préciser la pensée de l’Apôtre.

Il veut donner à tous les fidèles, à tous ceux qui sont justifiés, la certitude, ex parte Dei, de leur salut : Dieu est « pour eux », ꝟ. 31 ; rien ne pourra « les séparer de son amour », ꝟ. 39. Il a fixé son plan, son programme de salut et il l’accomplira. Sans doute saint Paul sait bien que les chrétiens peuvent contrecarrer ce plan et céder aux tendances de la chair, même après la justification ; mais ici il n’envisage pas cette hypothèse ; il pose seulement un principe et parle des fidèles dans leur ensemble comme étant dans la voie normale sous la conduite de l’Esprit. En effet, « ils sont appelés selon un dessei î », xarà Trpoôeaiv, secundum proposittun, une résolution bien arrêtée. Ici saint Paul ne laisse point entendre qu’il y a deux catégories d' « appelés », comme l’explique saint Augustin, P. L., t. xliv, col. 929 ; cf. col. 901. les uns simplement appelés sans être élus et les autres appelés selon un dessein spécial qui les prédestine. Les « appelés » sont tous les fidèles, tous ceux qui « aiment Dieu », en un mot tous ceux qui ont reçu la justice, qui ont répondu à l’appel divin. En distinguant deux catégories d’appelés, l’Apôtre ruinerait sa propre thèse et découragerait les chrétiens au lieu de les rassurer.

Pourquoi Dieu a-t-il arrêté cette « résolution » et adressé cet appel efficace « à ceux qui l’aiment » ? Parce qu’il les i a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils ». ꝟ. 29, les ayant connus ou distingués d’avance, 7tpoéyvo. L’acte initial est donc un acte de prescience divine ; c’est par là que Dieu commence ; l’est pane qu’il a « connu d’avance », qu’il prédestine, qu’il appelle, qu’il justifie, qu’il glorifie.

Or, en quoi consiste celle prescience et quel en est l’objet ? Ici, deux courants d’exégèse, comme deux