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ROMAINS (ÉPITRE AUX). DESTINATAIRES


bricfes im Lichle der cliristlichen Arehâologie, 1927. Voir aussi les commentaires, spécialement, Sanday-Headlam, Lagrange, Lietzmann et la bibliographie à la fin de l’article.

III. Destinataires. — 1° Caractère épistolaire. — L'Épître aux Romains est-elle une lettre ou un traité? A ne considérer que le sujet et le ton, elle présente la forme d’un traité plutôt que celle d’une lettre. Elle n’est pas un écrit de circonstance ; elle traite un sujet offrant un intérêt général : le salut universel réalisé par l'Évangile, grâce à l'œuvre du Christ. Elle débute par un exorde, i, 1-5, où l’Apôtre présente d’abord aux lecteurs deux notions essentielles de la foi chrétienne : l'Évangile et la personne du Christ qui en fait l’objet. Puis, i, 10-17, l’Apôtre énonce le thème de son exposé : l'Évangile est une « puissance de Dieu » pour sauver tout croyant, Juif ou Grec. Dans l'Évangile se révèle la justice de Dieu qui procède de la foi. Viennent ensuite les développements du thème : nécessité de la justification pour les païens comme pour les juifs ; mode de la justification ; fruits de la justification et vie chrétienne sous la conduite de l’Esprit-Saint. Il y a plus ; certains développements, comme ii, 1 sq.. et surtout iii, 1-17, rappellent les procédés littéraires de la diatribe dans l’enseignement de la philosophie morale. Cette épître s’offre à nous comme la principale source de la théologie paulinienne. Saint Paul y apparaît tour à tour comme le rabbin, l’apôtre mû par l’Esprit-Saint, le directeur d'âme avisé et vigilant, le penseur et le philosophe chrétien. L’on serait donc tenté, de prime abord, de la regarder comme un simple exposé de doctrine, une sorte de catéchisme sous forme de lettre, destiné à tous les chrétiens, mais dédié par un pur procédé littéraire, à la communauté la plus en vue, celle de Rome, cf. i, 8. S’il en était ainsi, comme d’aucuns le prétendent, il faudrait renoncer à chercher dans quelle mesure l'épître nous renseigne sur la composisition, les tendances et les besoins de l'Église de Rome, ou à demander à l’histoire des lumières pour comprendre l'épître.

Mais cette hypothèse est à écarter, car elle est en opposition non seulement avec i, 7, 15, mais une foule de traits ou de développements qui ne s’expliqueraient point dans l’hypothèse d’un pur traité abstrait ; cf. i, 11-15 ; xiii, 1-7 ; xiv : l’Apôtre a présents à l’esprit ses correspondants qu’il appelle « frères bien-aimés » ; il s’adresse à « tous les chrétiens de Rome » ; il écrit dans un but spécial : les atîermir dans la foi et il joint à son exposé une foule de traits personnels qui font de l'épître une véritable lettre.

2° L'Église de Rome en l’an 58. — Saint Paul connaissait sans aucun doute la situation de l'Église à laquelle il s’adressait : sa composition, ses tendances doctrinales, ses besoins. Pour comprendre sa lettre nous aurions donc intérêt à bien connaître cette situation vers l’an 58. Malheureusement notre unique source de renseignements sur ce point est l'épître elle-même. Nous en sommes donc réduits à des conjectures exégétiques auxquelles s’ajoutent quelques données tirées des écrivains ecclésiastiques ainsi que les vraisemblances de l’histoire.

Saint Paul, d’une part, traite la communauté de Rome comme une Église de la gentilité. Voir plus loin, col. 2873. D’autre part, il expose aux fidèles la foi chrétienne, en tenant compte, dans une très large mesure, des idées, des sentiments, des besoins du judaïsme. Comment concilier ces deux faits en apparence contradictoires ?

On pose d’ordinaire la question de la façon suivante : l'Église se composait-elle surtout de judéo-chrétiens à tendances particularistes, ou comprenait-elle en majeure partie des païens convertis ? Dans la première hypothèse, la lettre pourrait avoir pour but de combattre des doctrines pharisiennes pour leur substituer

DICT. DE THLOLOGIE.

des conceptions universalistes. Ce fut la thèse de l'école de Tubingue au milieu du xixe siècle. Cette thèse a rallié les suffrages de beaucoup de critiques jusqu'à ces trente dernières années. Actuellement elle est moins en faveur, sans être complètement abandonnée. On est moins porté à prêter à l'Église de Rome des tendances judaïsantes et à voir dans l'épître un écrit destiné à dirimer de graves controverses entre les gentils et les juifs. On suppose plus volontiers, d’après le ton de l'épître, que l’Eglise de Rome, vers l’an 58, devait être composée en majeure partie de païens convertis.

Mais n’y avait-il pas aussi parmi les fidèles de Rome un assez grand nombre de prosélytes « craignant Dieu ». Cette hypothèse, sur laquelle on a peu insisté, a été proposée par Robinson, dans Hasting’s, Dictionary ofthe Bible, t. iv, p. 298. Cf. F. Hort, Romans and Ephesians, Londres, 1895, p. 20 sq. ; Schûrer, art. Romans dans Encyclopœdia Britannica, t. xx, p. 727 sq. Les prosélytes « craignant Dieu » adhéraient au judaïsme sans se soumettre à la circoncision ni aux pratiques légales. Ils fréquentaient les synagogues, observaient la loi morale, adoraient le Dieu d’Israël, étaient instruits dans les Écritures et acceptaient la doctrine judaïque du salut. D’après les Actes, c'était parmi eux que l'Évangile avait fait ses premières recrues. Ils étaient donc juifs d’idées et de sentiments, sans avoir ni l’esprit de controverse ni le fanatisme des pharisiens. Ne formaient-ils pas la majeure partie de la communauté et n’y donnaient-ils point le ton ? L’on comprendrait ainsi pourquoi saint Paul s’adresse aux chrétiens de Rome comme à une Église de la gentilité, et d’autre part tient compte dans une si large mesure des idées et des préoccupations judaïques.

Une autre hypothèse a été proposée par Lipsius, dans Iland-Kommentar zum Neuen Testament de H. Holtzmann, Eribourg-en-Brisgau, 1892. L'épître supposerait l’existence, à Rome, d’un parti de judaïsants hellénistes, n’imposant point la circoncision aux païens, mais regardant la Loi comme la règle de la justice et se jugeant supérieurs aux païens convertis. Cette hypothèse, comme celle de l'école de Tubingue, a l’inconvénient de supposer l'Église de Rome divisée en deux fractions adverses. L'épître donne au contraire l’impression que cette Église forme un tout homogène. L’hypothèse, d’ailleurs, ne répond point aux vraisemblances historiques. Voir ci-dessous, col. 2873. A quelle hypothèse se rallier avec le plus de probabilité? L’on ne peut répondre qu’après avoir examiné les témoignages de la tradition ecclésiastique, les renseignements de l’histoire générale et les données de l'épître.

1. Témoignages de la tradition ecclésiastique.

Il faut citer en premier lieu la préface de l’Ambrosiaster, de la fin du ie siècle.

Jam constat temporibus apostclorum Judæos propterea quod sub regno romano agerent Romain habitasse ex qulbus ii qui credideranl tradideruni romanis, ut Christum profitentes legem servarent. Romani autem, audita fama virtutum Ghristi, faciles ad credendum fuerant ut pote prudentes, nec inmerito prudentes, qui maie inducti statim correcti sunt et manseuint in eo. Hii ergo ex Juduis credenles Christum, ut datur intelliffi, non accipiebant Veum esse de l.'ro pillantes uni lleo adjersum. Quamobrem negat illos spiritalem Dei gratiam conseculos ac per hoc confirmationem eis déesse. Hii sunt qui et Galatas subvert erant ut a traditione apostolorum recédèrent, quibus ideo irascitur apostolus quia docti bene facile transducti fuerant. Romanis irasci non debuit sed laudat lidem illorum quia, nulla insignia virtutum videntes nec aliquem apostolorum, susceperant iklem Christi, jn verbis potius quam in sensu. -Von enim illis expositum fueral mysterium erucis Christi. Propterea, quibusdam advenientibus qui recte crediderant, de edenda carne et non edenda qua>stiones fiebant et utrumnam spes quai in Christo est sulliceret aut et lex servanda esset. Ilinc est unde omni industria id agit ut a lege eos tollat. P. L., t. xvii, col. -13 sq.

T. — XIII.

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