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' / — ROMAINS fEPITRE AUX). LES DEUX DERNIERS CHAPITRES


l'Église. L’hypothèse qui voit dans le c. xvi un écrit destine à l'Église d’Kphèse ne peut invoquer des arguments décisifs.

D’ailleurs ce chapitre renferme des marques d’authenticité qui sont reconnues par des exégètes de tontes les écoles. Saint Paul mentionne Andronicus et.Innias (ou Junia) « qui sont si considérés parmi les apôtres et qui ont appartenu au Christ avant lui », ꝟ. 7. Il a pour eux la considération qu’il témoig le toujours aux chrétiens qui l’ont précédé. Le passage a une saveur archaïque qui répond bien au temps et h la manière de l’Apôtre.

c) 17-20°. Cette section est bien paulinienne parla forme et le contenu. Cf. II Cor., x, 7 sq. ; xi, 12 sq. ; Phil., m. 18-19. On peut rapprocher Rom., xvi, 19-20 de i, 8 et vi, 17 ; cf. Luc, xviii, 8. Ce passage n’a rien d’anormal à la fin de la lettre, à condition de ne pas y i hercher la solution concrète d’une question posée dans l'épître. Il ne peut viser qu’un groupe d’agitateurs perfides et dangereux ; il ne fait point allusion à la situation générale de l'Église. C’est une mise en garde contre des intrigants, sans doute des judaïsants. qui risquent de troubler la communauté.

d) 21-23. Ces versets offrent, eux aussi, un caractère bien paulinien : l’Apôtre transmet à l'Église de Rome les salutations de son entourage. Il faut cependant reconnaître que les versets contre les agitateurs, 17-20°, jettent quelque désordre dans le développement. On serait tenté de les transposer, avec la salutation qui les termine, 20b, après 21-23. On aurait ainsi : 16 + 21-23 - : - 17-20. Mais cette transposition ne s’impose nullement. Rien dans la tradition manuscrite ne la suggère. Saint Paul a pu faire ajouter ces recommandations importantes et ces menaces du jugement, en demandant à Tertius son secrétaire de les placer ici. On peut même se figurer, avec Lietzmann, p. 127, saint Paul prenant la plume des mains de Tertius, pour écrire de sa propre main ces graves recommandations, puis lui laissant le soin de formuler les salutations. Le cas serait analogue à I Cor., xvi, 21-23 et Gal., vi, 11.

Enfin, les deux conclusions xvi, 20 b et 21 ne sauraient être deux finales de recensions différentes : seule la bénédiction du i ?. 20 est originale, comme le prouvent les meilleurs témoins, et les ꝟ. 21-23 s’y ajoutent comme une sorte de post-scriptum.

L’hypothèse d’un fragment adressé à l'Église d'Éphèse n’est sans doute contraire à aucun principe théologique. Mais il n’y a pas lieu de la préférer, car (die n’est point fondée sur de solides arguments.

Doxologie (xvi, 25-27). — La tradition manuscrite, pour obscure qu’elle puisse être sur les causes qui ont amené les déplacements de la doxologie, l’atteste solidement à partir i ir siècle. Mais, alors que les cri tiques de toutes écoles sont presque unanimes actuellement à admettre l’authenticité de xv-xvi, 23, beau coup rejettent la doxologie, surtout en raison de so i style et de son contenu. Bien qu’elle offre des analogies avec le vocabulaire paulinien, elle daterait du iie siècle, où l’on affectionnait les longues formules liturgiques. Elle serait le fait d’un éditeur désireux de couronner l'épître d’une manière solennelle. Selon I'. Corssen, von Soden, Julicher, Ilarnack, elle révélerait son origine mareionite.

D’abord les expressions aïomo’j 0eoû et lx6v<|> ooqptp 0 « p seraient sans analogie dans saint Paul, De fait, ces expressions ne se rencontrent pas ailleurs dans les épîtres, mais elles expriment des idées bien paulinienne*. L'éternité de Dieu est simplement une notion biblique, bien antérieure à saint Paul. Cf. Gen., xxi, 33 ; Is., xxvi, 1 ; xi„ 28 ; Dan.. XIII, 12 ; Baruch, [V, 10, 1 I, M). La sagesse île Dieu est accentuée dans I Cor., r. 19, 21. 2 1. 2.") : Il » confond la sagesse des sages précisé

nient, par son plan de salut dans le Christ. La > révélation du mystère du Christ », xvi, 25, est une pensée essentiellement paulinienne. Cf. Rom., iii, 21 ; I Cor., il, 7-10 ; Col., i, 20, 27 ; H, 2 ; iv, 3 ; Eph., i, 9 ; iii, 3, 1, 9 ; vi, 19.

P. Corssen estime que le ꝟ. 25 dépasse la pensée de l’Apôtre. Il croit reconnaître une idée mareionite dans le terme azaiyr l [j.bjov, qu’il oppose au terme paulinien à^oxsxpuij.ri.évov. Il s’agirait d’un mystère rigoureusement tenu secret par Dieu jusqu'à la révélation faite par le Christ dans le Nouveau Testament. Ainsi se trouverait exclue l’idée paulinienne d’une révélation commencée dans l’Ancien et achevée pleinement dans le Nouveau, selon Rom., iii, 21 ; cf. Heb., i, 1-2.

Or cette interprétation de asa<.yt]y.iyjo> est contredite par le ꝟ. 26 : le mystère a été manifesté « au moyen fies écrits prophétiques ». Ce qui doit s’entendre des prophéties de l’Ancien Testament, sur lesquelles les apôtres se sont appuyés pour établir l’autorité divine de la révélation chrétienne ; cf. Rom., i, 2 ; m. 21. Corssen, suivi par Julicher, mais non par Lietzmann, l’entend des » écrits prophétiques du Nouveau Testament », opinion qui n’est pas soutenable, même si l’on plaçait la doxologie au iie siècle. Le ꝟ. 20 précise doncla pensée du ꝟ. 25 et l’on ne peut légitimement opposer aeat, Y7][jivov à à7r(jxexp>j(jt.(jivov. L’un et l’autre expriment la même idée. De fait, le « mystère du Christ » n’a pas été manifesté dans l’Ancien Testament, sa révélation a été seulement préparée. Sous l’ancienne alliance il est resté caché ou voilé, étant réservé pour les temps chrétiens.

Le dessein conçu par Dieu d’appeler tous les hommes « à l’obéissance de la foi », ꝟ. 26, est un thème qui revient fréquemment dans les épîtres. Cf. Rom., i, 5 ; XV, 18 ; xvi, 19 ; II Cor., vii, 15 ; Kph., iii, 5-6 ; II Tim., i, 9sq. ; Tit., i, 2-3 ; Col., i, 26.

L’origine mareionite de la doxologie est d’autant plus invraisemblable, que Marcion, au témoigna. ;. ; d’Origène, l’aurait supprimée : penitus abslulil. Voir plus haut, col. 2856. D’ailleurs la mention des « écritures prophétiques » suffisait à faire rejeter le passage par Marcion.

Pour ce qui est du caractère liturgique, il importe d’ex arter une équivoque. Sans aucun doute nous avons là une formule de prière ; mais rien ne montre qu’elle ait été faite en vue de la prière publique dans les assemblées. C’est une prière individuelle par laquelle I Apôtre, dans l'élan du sentiment religieux, rend gloire à Dieu pour son œuvre de salut accomplie dans le Christ. Cette manière lui est habituelle ; cf. Gal., i, 5 : Rom., ix, 5 ; xi, 36 ; Eph., iii, 21 ; Phil., iv, 20 ; ITim., i, 17 ; II Tim., iv, 18. Il la devait à son éducation juive. La doxologie de Rom., xvi, 25-27 est seulement plus développée que les autres, et la complexité de la phrase n’est pas contraire au style de l’Apôtre. Cf. Rom., i. 1-1. Il rend hommage à Dieu le l'ère et à son œuvre de salut sans se préoccuper du rythme de la phrase. L’on ne pouvait couronner plus magistralement un écrit ayant pour thème le salut universel de l’humanité réalisé par Dieu dans le mystère du Christ.

les questions relatives aux deux derniers chapitres et à la doxologie ont été étudiées dans les travaux suivants : II. Lucht, Ueber die bridai lelzten Kapiteldes liornerbrielen. Berlin, 1871, qui défend les thèses de Baur ; K. I.akc, The earlier Epistles of Si Paul, Londres, 1911, p. ; {.'{."> ; I'. Corssen. y.ur Ueberlieferungsgeschichtedes Rômer brie/es, dans Zeifschr. jnr die S. T. Wissenschaft, l., 1909, p. 1-45 ; 97-102 ; I). de Bruyne, Les deux derniers chapitres de la Lettre aux Romains, dans Revue bénédictine. 1908, p. 42 : $ sq. ; Lit limite mareionite de lu Lettre aux Romains, ibid., 1911, p. 133 sq. ; Ilarnack, Marcion, 1924, 2e éd., p. 164* sq. ; (. Richter, Kritischpolemische Untersuchungen ùber den Rômerbrief, 1908 ; H. Schumacher, Die beiden leizten Kapiteldes Rômerbrief es, 1929 ; 1. Rônnecke, fus lelzle Kapilel îles Rômer-