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ROIS (LIVRES IIIe ET IVe DES). LE CULTE


ment opiniâtre que leur gardait te peuple ; malgré tout, c'était Jahvé qu’il y honorait, et on pouvait craindre qu’il ne se tournât vers des hauts-lieux païens, si une stricte défense lui avait été imposée de ne plus fréquenter les sanctuaires accoutumés. On peut penser en effet qu’après s'être rendu trois fois dans l’année au sanctuaire national, l’Israélite voulait encore, en d’autres occasions, se rendre au haut-lieu d’accès plus facile et parfois d’illustre mémoire pour y pratiquer l’acte du culte répondant à ses besoins religieux. Salomon luimême n’offrait-il pas des sacrifices sur les hauts-lieux et n’y brûlait-il pas des parfums ? Il est vrai, observe l’auteur des Livres des Rois, qu’alors la maison n’avait pas encore été bâtie au nom de Jahvé et que Gabaon était le grand haut-lieu dès longtemps vénéré et dont le service était assuré par Sadoc, un aaronide. 1 1 1 Reg., m, 2-4.

Pour Israël. qui s'était séparé de Juda, le temple de Jérusalem comptera de moins en moins, encore qu’on s’y rendît parfois pour offrir des sacrifices. II Par., xi, 16 ; xv, 9. Dan et Béthel et plus encore les anciens hauts-lieux devaient répondre aux besoins religieux des habitants du royaume d' Israël. L'érection de nouveaux sanctuaires ne signifiait pas pour Jéroboam l’abandon du culte de Jahvé ; les veaux d’or n’y étaient pas des représentations de Baal mais de Jahvé, comme autrefois dans le désert, Ex., xxxii, 4 ; dans l’ancien Orient, à Babylone ou en Egypte, le taureau figurait souvent la divinité. Le péché de Jéroboam ne laissait pas que d'être très grave, en opposition formelle avec la loi de l’unité du sanctuaire et de la défense du culte des images. Cf. Ex., xx, 4 ; xxxiv, 17 ; Dcut., xii, 5.

On s’est parfois étonné de l’attitude d'Élic à l’endroit de ce culte schismatique ; nulle trace en effet, dans toute son histoire, d’une lutte contre les sanctuaires multiples, non plus que contre les représentations taurolâtriques de Jahvé que les prophètes du viiie siècle combattront avec tant de violence. Faut-il en conclure, comme on n’y a pas manqué, que ni la loi de l’unité de sanctuaire ni celle qui proscrivait les représentations symboliques de Jahvé n’existaient du temps d'Élie ? Il s’agissait bien alors, a-t-on justement observé, « de polémiquer contre le culte schismatique et idolâtrique qui, s’il était opposé à la loi, était au moins un culte de Jahvé, alors que l’idolâtrie proprement dite avait envahi toutes les classes de la société et jetait partout de profondes et tenaces racines I II y aurait plutôt lieu dese demander s’il existait encore en Israël, en ces jours malheureux, un culte taurolâtrique de Jahvé, clairement distinct du culte de Baal. En effet, les veaux d’or de Dan cl. de Béthel, qui représentaient Jahvé, étaient les symboles ordinaires du dieu syrien Hadad. Ledieu Hadad, le Baal par excellence, le dieu du ciel et de l’orage, aura certainement été du nombre des divinités étrangères honorées en Israël au temps d’Achab. Hadad aura eu son culte et ses prêtres et ses prophètes. Il y aura donc eu en Israël des taureaux, images de Jahvé, et des taureaux, images de Hadad. Oui ne voit combien la pente était glissante, combien la transition était, facile du culte de.Jahvé au culte de Baal ? Ce qui importait surtout au prophète, c'était d’extirper l’idée de Baal et de rappeler éncrgiquem.-nt le souvenir de Jahvé. le Dieu des ancêtres, d’Abraham, d’Isaac et d’Israël (Iil Reg., xviii, 36). i Tobac, Les prophètes d’Israël, t. i, p. 108 109. Certes l'œuvre du prophète eût été plus complète et sans doute pi vis durable, S’il avait pu ramènera l’unité du sanctuaire les Israélites ; c'était une tâche trop difficile sinon impossible dans les conditions du temps d’Achab.

Pour la pleine application de la loi d’unité du sanctuaire, de longues années seront nécessaires ; les ré formes de rois pieux tels que Josaphat, Êzéchias ou Joaias n’y atteindront que d’une manière très passa gère ; ce ne sera qu’après la longue épreuve de la captivité que le temple de Jérusalem réalisera sa véritable destinée et sera l’unique sanctuaire du peuple de Dieu.

b) Ministres. — Le privilège de la tribu lévitique dans l’exercice du culte était reconnu dans les différents sanctuaires au temps de Samuel et de David ; à plus forte raison en était-il de même dans le temple de Salomon ; les plus hautes fonctions y sont réservées à la famille de Sadoc. III Reg., Il, 35. Dans les sanctuaires locaux, l’offrande des sacrifices est également assurée par les membres de la famille sacerdotale, du moins dans le royaume de Juda, où l’observation de la loi à ce sujet est plus stricte que dans le royaume schismatique. En preuve l’attitude de Josias vis-à-vis de ceux qui desservaient les hauts-lieux ; leur incorporation dans le clergé de Jérusalem, bien qu’ils n’aient pas été autorisés à monter à l’autel de Jahvé, indique assez clairement qu’ils étaient prêtres, ayant de plus été autorisés à manger les pains sans levain au milieu de leurs frères. IV Reg., xxiii, 8-9. Ces ministres des hauts-lieux, ramenés au sanctuaire unique, sont probablement ces lévites dont il est question au Livre d'Ézéchiel, xi.iv, 9-16, et qui, à cause de leurs errements, furent destitués de leurs fonctions sacerdotales et mis au rang des portiers et des desservants du temple. D’autre part le fait que ces prêtres infidèles furent déchus de leur dignité pour remplir des emplois inférieurs ne contredit pas l’existence d’une catégorie de serviteurs subalternes antérieurement à cette déchéance du temps de Josias, autrement dit, ne contredit pas la distinction entre prêtres et lévites et n’en est nullement l’origine ; l’organisation même du service du temple devait certainement comporter une telle catégorie de ministres du culte. Quelques textes dans les Livres des Rois paraissent consacrer cette répartition des ministres du culte en deux ordres : les prêtres et les lévites. III Reg., viii, 4 ; IV Reg., xxii, 4 ; xxiii, 4 ; xxv, 18. Cf. art. Lévitique, t. ix, col. 481-484.

En Israël la spécialisation des fonctions liturgiques apparaît beaucoup moins rigoureuse. Jéroboam, pour assurer le culte des sanctuaires de Dan et de Béthel, « fit des prêtres parmi le peuple, qui n'étaient pas des enfants de Lévi », III Reg., xii, 31 ; pour l’Israélite croyant, ce n'était point là un véritable sacerdoce, et cette usurpation était encore un péché de la maison de Jéroboam, cause de sa destruction et de son extermination de la face de la terre. III Reg., xiii, 33-34.

Parmi les prêtres, tous ministres du sacrifice, existait une organisation hiérarchique, du moins dans le temple de Jérusalem. Déjà aux Livres de Samuel mais plus encore dans ceux des Rois, on voit qu’il est fait mention de prêtres qui, soit par leur rôle ou leurs fonctions, soit par leur titre, apparaissent sinon identiques au grand prêtre dont le Lévitique décrit la consécration et les fonctions en la personne d’Aaron, du moins comme jouissant d’une situation privilégiée, qui les met dans un rang à part, au-dessus des simples prêtres. Ainsi, au temps d’Athalie, Joïada, appelé simplement le prêtre Joïada.est à la tête de tout le clergé, dirigeant, organisant la révolte contre l’usurpatrice, proclamant et couronnant Joas roi de Juda, concluant enfin une alliance entre Jahvé, le roi et le peuple. IV Reg., xi. Sous.Josias, Ilelcias, désigné expressément par le titre de grand prêtre, jonc un rôle de premier plan lors de la réforme entreprise par le roi à la suite (le la découverte du Livre de la Coi, dans le temple. IV Reg., XXII, I. S ; xxiii, 4. Cf. Is., viii, 2.

Le sacerdoce lévitique n’avait pas fait disparaître le sacerdoce familial ou patriarcal ni surtout le sacerdoce royal. Se conformant aux antiques usages, Saiil et David avaient sacrifié. Salomon fit de même à Gabaon et à Jérusalem. III Reg., iii, 3, 4, 15 ; VIII, 5, 62-64 ; i. 25. David et Salomon bénissent le peuple tout