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ROIS (LIVRES III ET IV DES). DOCTRINES, DIEU


saient trop attendre leur réalisation. Ninive en effet affermissait et étendait toujours davantage sa puissance, et l’on peut bien penser que le culte des dieux de si redoutables voisins n’allait pas sans réagir sur celui de Jahvé pour le désagréger. En Juda, c'étaient les temps d’Israël sous Achat) qui renaissaient ; les cultes étrangers, qui occasionnellement avaient pénétré dans le pays, s’y étalaient maintenant au grand jour, jusque dans le temple même de.Jérusalem, dont les parvis virent se dresser des autels i à toute l’année du ciel". Avec les cultes idolâtriques apparurent toutes sortes de superstitions : divination, magie, nécromancie, sorcellerie ; si bien que Manassé égara son peuple à tel point" qu’ils firent le mal plus que toutes les nations que Jahvé avait détruites devait les enfants d’Israël ». IV Reg., xxi, 9.

Avec Josias une dernière tentative eut lieu pour rétablir religion et culte de Jahvé. La réforme instaurée à la suite de la découverte du Livre de la Loi fut plus profonde et plus énergique que les réformes antérieures analogues ; elle ne fut pas plus durable. Avec la fin tragique du roi disparurent les dernières espérances d’une régénération politique aussi bien que religieuse de Juda. Le malheur qu’annonçait sans se lasser le prophète d’Anatoth approchait. La ruine de Jérusalem en 587 et la captivité de Babylone allaient le consommer. Et Jahvé dit : « J'ôterai aussi Juda de devant ma face, comme j’ai ôté Israël et je rejetterai cette ville de Jérusalem que j’avais choisie et cette maison de laquelle j’avais dit : là sera mon nom. » IV Reg., xxin, 27.

Idées religieuses essentielles.

A travers de telles

vicissitudes que devenaient la notion du vrai Dieu et la pratique de son culte ; par quels moyens l’une et l’autre furent-elles sauvegardées pour passer en héritage aux captifs des bords de l’Euphrate et refleurir de nouveau après le temps de l'épreuve, dans l’attente de la pleine réalisation des antiques promesses, c’est ce qu’il reste à esquisser.

1. Dieu.

La transcendance de Jahvé et le caractère moral du monothéisme étaient des traits essentiels de la religion d’Israël aux temps de Samuel et de David (cf. étude doctrinale des deux premiers Livres des Hois) ; néanmoins les interprètes de Jahvé auront dans la suite à y revenir à maintes reprises pour les rappeler, les préciser et en dégager les conséquences pratiques.

Tout comme l’institution de la royauté avait eu d’heureux effets dans le domaine politique aussi bien que religieux, de même la construction du temple avait contribué au rayonnement national par les splendeurs de la maison du vrai Dieu d’Israël, digne d'être comparée aux grands temples des peuples voisins, et au développement du pur jahvéisme par la célébration d’un culte, plus solennel désormais et plus conforme à la loi de.Moïse.

La prière de Salomon au jour de la dédicace, 1 1 1 Reg., VIII, 12-53, dont certains éléments, surtout I 1-51, sont parfois tenus pour des amplifications où se reconnaissent sans peine des idées et des expressions deutéronomistiques. est riche d’enseignements sur Dieu. Jahvé, le Dieu d’Israël, dont la maison a été bâtie pour faire habiter son nom au milieu de son peuple, n’est pas renfermé dans les limites de cette demeure terrestre, non plus que dans celles du royaume ; ni le ciel ni la terre ne sauraient le contenir, bien moins encore le temple, quelle qu’en soit la splendeur, VIII, '27. (Test que Jahvé n’a pas, comme les dieux des nations, sa présence et sa puissance attachées a son temple ou même à son image ; on sait que les conquérants dans l’ancien Orient faisaient enlever lors de la prise d’une ville l’image du dieu de la cité, afin de lui ravir en même temps sa présence et son assistance. Jahvé est le Seigneur de tout l’univers ; aussi l'étranger qui n’est pas de son peuple

viendra néanmoins de son pays lointain prier au temple de Jérusalem et par là tous les peuples connaîtront le nom et la puissance de Jahvé, ils le craindront comme le craint son peuple d’Israël, viii, 41-43, parce qu’ils sauront qu’il est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Vin, <i<t. A la différence encore des divinités païennes, sa bienveillance pour les siens n’est point aveugle ; il récompense, mais punit également ; la pluie qui tombe en son temps est accordée à la fidèle observation de la loi, son défaut est le châtiment de l’infidélité, viii, 35 ; cf. Lev., xxvi, 3-4 ; Deut., xi, 13, 14 ; xxviii, 12 ; la guerre est, elle aussi, un jugement de Dieu ; la défaite punit l’apostasie ou quelque autre péché grave et a pour objet de rappeler au peuple coupable sa faute afin de l’amener au repentir et à la conversion, viii, 33-34. Et ce n’est pas seulement le peuple en tant que tel, pris dans son ensemble, qui est invité à la prière en vue du pardon, mais chacun en particulier doit recourir a la miséricorde divine : « … Si un homme, dit Salomon à Jahvé, si tout votre peuple d’Israël fait entendre des prières et des supplications et que chacun, reconnaissant la plaie de son cœur, étende ses mains vers cette maison, écoutez-les du ciel, du lieu de votre demeure et pardonnez ; agissez et rendez à chacun selon toutes ses voies, vous qui connaissez son cœur. » viii, 38-39.

La scission du royaume que les fautes de Salomon provoquèrent au lendemain de sa mort ne permit pas la réalisation des espérances qu’avait fait naître la construction du temple ; ni l’unité politique, ni l’unité religieuse ne purent être maintenues et, bien loin de voir les peuples étrangers reconnaître le Dieu d’Israël, ce furent les Hébreux qui allaient devenir les serviteurs des divinités étrangères. Par leurs actes et leurs paroles lss deux grands prophètes du IXe siècle rappellent à ces égarés que Jahvé seul est Dieu ; dans les miracles qu’ils accomplissent éclate le pouvoir de Jahvé sur la nature, tandis que les Baals demeurent impuissants,

III Reg., xvii, 1 ; xviii, 41-4(1 ; xvii, 8-1(5, 17-24 ;

IV Reg., ii, 9-14, 19, 25 ; iv, v ; vi, 1-7. La puissance de Jahvé n’est pas renfermée dans les confins d’Israël ; au fils de la veuve de Sarepta, au pays de Sidon, il rend la vie ; à Naaman, chef de l’armée du roi de Syrie, il rend la santé, et le général syrien reconnaît clairement qu’un Dieu capable de tels prodiges est le vrai Dieu : « Voici donc que je sais, s'écrie-t-il, qu’il n’y a point de Dieu sur toute la terre, si ce n’est en Israël. » IV Reg., V, 1 "). Sans doute sa foi monothéiste n’est pas parfaite, comme en témoigne sa demande du ꝟ. 17 ; pour lui Jahvé est un Dieu encore trop lié au territoire d’Israël, c’est pourquoi il veut posséder un peu de la terre de son sol pour y ofïrir des sacrifices.

La part que prend le prophète Elisée à la vie politique non seulement de son propre pays mais encore en Syrie, à Damas, est la preuve que, pour lui, son Dieu a autorité sur les nations étrangères aussi bien que sur son propre peuple. IV Reg., viii, 7-15. Il est réellement le seul vrai Dieu, ainsi que le proclame l’assemblée du peuple devant les manifestations de sa puissance au Carme !  : « Us tombèrent le visage contre terre et dirent : c’est Jahvé qui est Dieu, c’est Jahvé qui est Dieu. » III Reg., xviii. 39. Il ne s’agissait pas alors de monolâtrie simplement, c'était strictement le monothéisme qui était eu cause. « Le débat ne doit pas seulement définir si Jahvé est le seul Dieu que doit honorer Israël, sans préjudice de l’existence d’autres dieux pour d’autres peuples, mais si Jahvé est l’unique Dieu et si liaal n’est rien. » Tobac, op. cit., t. I, p. 107. Il y a loin de ce monothéisme intolérant non seulement au libéralisme pratique avec lequel les dieux païens ouvraient leur pays et leurs temples même aux dieux des territoires voisins, mais encore à la conviction théorique qui poussait les polythéistes ou les hénoIhéistes à regarder comme pareilles aux leurs les divi-