divinités cananéennes et faire disparaître désormais toute trace de leur culte en Israël.
L'événement ne justifia pas ces trop optimistes prévisions. Malgré l’influence réelle et profonde des institutions davidiques et salomoniennes, la religion de Jahvé ne fut point ramenée à sa pureté primitive et longtemps encore les Israélites s’en tiendront à un ensemble d’idées et de pratiques religieuses appartenant au vieux fond sémitique que lui ont légué ses lointains ancêtres et qu’enrichira encore le milieu cananéen. Rois fidèles et prophètes du vrai Dieu auront fort à faire pour défendre et faire prévaloir la religion de Jahvé dont la révélation du Sinaï avait posé les fondements.
Le rôle et l’influence de David m trouvèrent pas en Salomon le continuateur qu’auraient pu laisser espérer la magnificenc2 déployée dans la construction du temple et la sagesse qui lui avait été si généreusement départie. Aussi s’en faut-il de beaucoup que l’impression religieuse laissée à son peuple sit été aussi profonde que celle de son prédécesseur. N’est-elle pas significative à cet égard la conclusion du récit des grandioses manifestations de la dédicace : « Ils bénirent leur roi et s’en allèrent dans leurs demeures, remplis de joie et le cœur content pour tout le bien que Jahvé avait fait à David son serviteur et à Israël son peuple ?* III Reg., viii, 66. Salomon s’efface devant David ; c’est que son cœur n'était pas comme celui de son père « tout entier à Jahvé ». III Reg., xi, 4. Sans se rendre coupable d’une véritable apostasie, il toléra l’introduction du culte de dieux étrangers, et celui-là même qui avait élevé à Jahvé un temple grandiose bâtira sur la montagne qui est en face de Jérusalem un haut-lieu pour Chamos, l’abomination de Moab et pour Moloch, l’abomination des fils d’Ammon ; peut-être alla-t-il jusqu'à olïrir des sacrifices à l’une ou l’autre de ces divinités, comme le laisse entendre ce passage : « Il alla après Astarté, déesse des Sidoniens et après Melchom, l’abomination des Ammonites. » III Reg., xi, 5. Si la fidélité du roi avait été la cause fondamentale de sa splendeur, son infidélité le devint de la rapide déchéance de son peuple ; Ahias, le prophète de Silo, annonce à Jéroboam que Jahvé va arracher le royaume de la main de Salomon et lui donner dix tribus, n’en laissant qu’une seule à sa descendance, et encore à cause de David et de Jérusalem. III Reg., xi, 31-32.
Du point de vue théocratique le schisme fut le châtiment des péchés de Salomon ; l’antique jalousie d'Éphraïm contre Juda, qui s'était réveillée par le mécontentement des Israélites sous la domination de Juda, à cause du fardeau toujours plus pesant des corvées, en est la raison historique. Le schisme politique allait s’aggraver d’un schisme religieux ; d’après l’idée qu’on se faisait dans l’ancien Orient de l'étroite union qui existait entre la religion et la monarchie, on ne pouvait concevoir que le sanctuaire du Dieu d’Israël fût situé dans la capitale d’un autre royaume, celui de Juda ; l’unité religieuse qui n’avait pas disparu du fait de la scission politique, puisqu’on continuait à se rendre d’Israël à Jérusalem pour y offrir des sacrifices, II Par., xi, 16, n’allait-elle pas refaire l’unité politique et nationale ? Pour conjurer le danger le seul moyen était l'érection d’un ou de plusieurs sanctuaires dans le royaume même d’Israël ; c’est ce que fit Jéroboam à Dan et à Béthel, sans parler du rétablissement du culte des hauts-lieux, qui, plus encore que les deux sanctuaires officiels, devaient contribuer à détourner les Israélites de Jérusalem et de son temple. A cette première faute contre la loi de l’unité du sanctuaire Jéroboam en joignit une deuxième en faisant exécuter des images de Jahvé, des veaux d’or, contrairement aux ordonnances de l’Exode, xx, 4 ; xxxiv, 17. Le peuple
suivit son roi dans le péché, et c’est l’origine de tous les malheurs qui vont fondre sur lui, pour aboutir finalement à la destruction du royaume d’Israël.
L’intervention des deux grands prophètes du ixe siècle, Élie et Elisée, si elle parvient à la retarder, ne l’empêchera pas cependant. Il ne s’agissait plus alors son lement d’un culte schismatique rendu à Jahvé, mais bien d’un culte idolâtrique qui menaçait de supplanter celui du vrai Dieu. Contre Achab et Jézabel, contre les prêtres et les prophètes de Baal et d’Astarté, Élie et Elisée ont vaillamment et victorieusement latte. « A l’une des époques les plus tristes et les plus sombres de l’histoire d’Israël, alors que la religion de Jahvé menaçait de sombrer sous les violentes poussées de l’idolâtrie, ils ont combattu l’envahissement des cultes syriens de Baal et d’Astarté, introduits et protégés par Jézabel et Achab ; ils ont maintenu bien haut l'étendard de Jahvé dont ils ont manifesté la puissance, même devant les nations étrangères. La mission d'Élie a un caractère religieux et moral nettement marqué ; Elisée la continuera, mais en prenant davantage part à la vie politique d’Israël. » Tobac, Les prophètes d’Israël, t. i, 1919, p. 98-99.
Si glorieuse et efficace qu’ait été l’intervention des deux prophètes, si discrédité et presque détruit qu’en demeura le culte de Baal, la conversion d’Israël ne fut pour autant ni complète, ni générale, ni durable ; aussi la chute morale et religieuse, commencée aux jours de Jéroboam, ne s’arrêta pas ; le règne de Jéroboam II, très brillant, politiquement du moins, n’y portera point remède et n’empêchera pas la catastrophe finale de 722. Jahvé rejette la race d’Israël, « car Israël s'était dé tacbé de la maison de David, et ils avaient établi roi Jéroboam, fils de N’abat ; et Jéroboam avait détourne Israël de Jahvé et leur avait fait commettre un grand péché. Et les enfants d’Israël marchèrent dans tous les péchés que Jéroboam avait commis ; et ils ne s’en détournèrent point, jusqu'à ce que Jahvé eût chasse-Israël loin de sa face comme il l’avait dit par l’organe de tous ses serviteurs les prophètes ». IV Reg., wn, 21-23.
Ce jugement sévère avait bien produit une profonde impression sur Juda, mais là encore le mal était trop invétéré pour reculer devant la menace d’un châtiment aussi redoutable, dont les prophètes ne ménagèrent point l’annonce. Roboam, le successeur de Salomon, n’avait pas compris ou pas voulu tenir compte de la rude leçon de la séparation et continua sans doute les errements de son père dans sa tolérance à l'égard des cultes étrangers, III Reg., xv, 12, non moins qu'à l'égard des hauts-lieux, dont le culte prit une extension de plus en plus considérable malgré le temple. A côté du service de Jahvé pratiqué dans ces hauts-lieux refleurissaient les cultes idolâtriques des anciens habitants de Canaan ; des rois fidèles eux-mêmes comme Asa, Josaphat ou Joas tolérèrent les sacrifices des hauts-lieux ; seul Ézéchias sera loué sans réserve pourson attitude très ferme contre les sanctuaires illégitimes.
Le règne de ce roi marque un temps d’arrêt dans la décadence religieuse de Juda. Chef pieux et énergique, il purifia foncièrement la religion de Jahvé de toutes les innovations étrangères qui s’y étaient glissées au cours des siècles. Son contemporain Isaïe lui fut sans doute un auxiliaire précieux dans ce travail de rénovation religieuse. Pour les âges suivants Ézéchias apparut à côté de David comme l’idéal d’un roi pieux.
La réforme cependant avait été plus en surface qu’en profondeur ; le succès de la réaction de la religion populaire semi-païenne avec Manassé ne le montre que trop. De nouveau le jahvéisme des prophètes recula devant la religion populaire, en partie peut-être parce que les oracles annonçant la ruine prochaine de l’Assyrie fai-