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    1. QUIÉTISME##


QUIÉTISME. DEBUTS DU SYSTÈME

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relation avec le jésuite Achille Gagliardi (1537-1607). Ce Brève compendio a été reproduit et adapté par lié mile dans sua premier ouvrage : Briel discours de l’abnégation intérieure, publié en l "> * » T, avec l’approbation d’André Duval. Œuvres complètes de Bérulle, Migne, Paris, 1856, col. 879 sq. L'écrit de la (lame milanaise a été beaucoup étudié ces dernières années par le R. P. Viller, Bev. d’ascétique et de mystique, t. xii, 1931, p. 14-89 ; t. xiii, 1932, p. 34-59, 257293 ; par dom Giuseppe de Luca, ibid., l.xii, 1931, p. 112-152 ; par Henri Bremond, Vie spirituelle, févr. et mars 1931, et llisl. du sentiment religieux, l. xi, 1933, p. 3-56 ; par M. J. Dagens, Hev. d’hist. eccl. de Louoain, n. 2. 1931. L’adaptation en français, faite par Bérulle, du Brève compendio est irréprochable au point de vue doctrinal. Le jeune Bérulle fut guidé dans son travail par les docteurs de Sorbonne, ses conseillers. Mais il semble que le Brève compendio contienne des traces de quiétisme. Le P. Gérard de Saint-Jeande-la-Croix y trouve une doctrine tendant à la même lin que celle de Molinos. Éludes carmélitaines, 1913, p. 511, 512. Ce jugement paraît à bon droit excessif au P. Viller. Le qui paraît exact c’est qu’il y a dans le Compendio des tendances quiétistes. Et comme l'écrit a exercé une grande influence, il n’est pas téméraire de le mettre au nombre des œuvres préquiétistes du début du xvii'- siècle.

L'écrivain spirituel italien le plus célèbre qui fut condamné par l'Église est Lier iMalteo Petrucci, évêque cardinal de Jesi. Ses écrits, publiés de 1073 à 1686, furent mis à l’Index le 5 lévrier 1688, comme entachés des mêmes erreurs que celles de la Guide de Molinos. Cf. P. Dudon, Recherches de science religieuse, mai juin 1914. Deux autres auteurs italiens sont à signaler à cause de l’influence qu’ils exercèrent : Iienedetto Biscia, oratorien, et le dominicain Tomaso Menghini. Les ouvrages du premier, publiés vers 1082 et 1083. furent prohibés le 5 février 1088, et ceux du second le 2 mars de la même année. Ils avaient été édités vers 1680 et 1082.

L’enseignement spirituel à tendances quiétistes était alors si répandu au sud de l’Italie que le cardinal Caracciolo, archevêque de Naples, écrivit une lettre à ce sujet au pape Innocent XI, le, '50 janvier 1682, pour lui demander d’intervenir. Nous retrouverons plus loin, dans le molinosisme, les mêmes erreurs que celles qui sont mentionnées par le cardinal.

Plusieurs auteurs spirituels français, antérieurs à la condamnation de Molinos, furent censurés par l’Index. Benoît de Canfield, auteur de la Reigle de perfection, contenant un abrégé de toute la vie spirituelle, réduite à un seul point de la volonté de Dieu, Paris, 1009, fut condamné le 20 avril 1089. L’ouvrage, publié sous le nom de Jean de Bernières par le P. I ouis-François d’Argentan : Lechresiien intérieur ou la conformité intérieure que doivent avoir les chrestiens avec Jésus-Christ, Rouen, 1660, fui traduit en italien. Cette traduction fut mise à l’Index le 20 juillet 1089. l’n autre ouvrage de Bernières : Œuvres spirituelles, Paris. 1070, également traduit en italien, fut censuré le 12 décembre 1090. Mais l’auteur qui s’est fait le plus remarquer par ses tendances quiétistes est le Marseillais François Malaval. Son livre Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation en forme de dialogue [entre un directeur et sa Philothée], Paris. 1664, 2e éd.. augmentée ('unc II' pari., 1070, eut une très grande Influence. La traduction italienne lui mise à l’Index le 21 mars 1088. Voir l’art. Mai - ai, t. ix, col. 1703.

Les ouvrages énumérés ne contiennent pas d]v doctrine quiétiste proprement dite. Aucun d’eux n’enseinrne que l'âme, arrivée aux états mvstiques éleés. perde sa liberté el devienne irresponsable de ses actes. Ce quiétisme rigide est celui des frères du libre esprit.

des béghards, « les alumbrados et de Molinos. Mais la spiritualité de ces préquiétistes tend à mettre indûment l'âme chrétienne dans la passivité, sans se demander si Dieu l’y appelle ou si. y étant appelée, s ; i préparation ans états passifs a été faite. Le P. Surin déplorait cet abus. Il y a des gens qui sans être appelés de Dieu a cet étal [de passivité], disait-il, lisant les auteurs qui en traitent, ou conversant avec des personnes qui en parlent sans cesse, prennent goût à cette lecl ure et à ces entretiens, se portent d’eux-mêmes aux choses extraordinaires, n’ont à la bouche que la désappropriation, l’anéantissement passif, la transformation de l'âme en Dieu, l’union essentielle et d’autres semblables termes qui. ne venant point du cœur, sont vides de suc, n’ont qu’un faux brillant et ne descendent jamais jusqu’au cœur. » Dialogues spirituels. t. ii, Avignon, 1821, 1. III. c. ix, p. 1 ! 7.

Saint Jean Eudes déplorait que Bernières eût poussé aux oraisons passives les personnes qui habitaient l’Ermitage de Cæn et qui tombèrent dans I’illuminisme. « La source de semblables tromperies, écrivait-il au supérieur du séminaire de Coutances, est la vanité, laquelle, étant une fois entrée dans un esprit, n’en sort que très dillicilement et très rarement : c’est ce qu’une. personne de piété [Marie des Vallées | avait dit plusieurs fois à M. de Bernières, que, autant d'âmes qu’il mettrait dans la voie de l’oraison passive (car c’est à Dieu à les y met Ire), il les mettrait dans le chemin de l’enfer. » Œuvres complètes du bienheureux Jean Eudes, t. x. Vannes, 1900, p. 139.

Les préquiétistes entendaient donner des méthodes courtes et faciles permettant, croyaient-ils, d’arriver rapidement et à coup sur à la haute contemplation. Malaval a proposé la Pratique facile, Mme quvon aura le Moyen court et 1res facile.

Dans ces méthodes, on indique les moyens de mettre l'âme dans l’oraison passive sans qu’on se demande si elle y est appelée et préparée. Le cardinal Caræcioli disait dans sa lettre, citée plus haut, à Innocent XI : Les quiétistes ne font « ni méditation, ni prières vocales… Ils s’efforcent d'éloigner de leur esprit et même de leurs yeux tout sujet de méditai ion, se présentant eux-mêmes, comme ils disent, à la lumière et au souille de Dieu, qu’ils attendent du ciel, sans observer aucune règle ni méthode, et sans se préparer ni par aucune lecture ni par la considération d’aucun point… [Ils| prétendent s'élever d’eux-mêmes au plus sublime degré de l’oraison et de la contemplation, qui vient néanmoins de la pure bonté de Dieu, qui la donne à qui il lui plaît et quand il lui plaît… » Dans les Œuvres de Bossuet, t. xxvii, Versailles, 1817, p. 193-19 1.

François Malaval exige que sa Philothée arrive, pour faire l’oraison parfaite, à cette nudité totale de l’esprit cpie recommandent avec tanl d’insistance les mystiques allemands et flamands du XIVe siècle. Une nudité d’espril aussi radicale est-elle nécessaire à la contemplation mystique ? Beaucouo de théologiens le nient, bai tout cas. si elle est requise, il faut que ce soit Dieu qui l’opère. Vouloir se dépouiller l’esprit des idées qu’il possède et le réduire à l’inactivité lorsque Dieu n’intervient pas spécialement pour l’y conlrain dre, c’est se jeter dans une dangereuse passivité. Mu linos enseignera plus tard que la voie intérieure consiste à annihiler les puissances de l'âme. Malaval ne s'éloignait guère de cet enseignement lorsqu’il deman dait à sa Philothée de faire, bon gré mal gré, le vide Intellectuel en elle et de maintenir de force ses facultés Inactives dans ses oraisons. Cf. Pratique facile…, Paris. 107.3, p. 22. 333-33 1. etc.

Quant à l’objet de la contemplation, il est, d’après les préquiétistes aussi simple (pupossible. De cet objet ou exclul toute distinction, toute multiolicité, si minime qu’elle SOit. L'âme ne doit pas considérer les