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ROIS (LIVRES III ET IV DES). COMPOSITION


36 : « Le reste des actes de Joatham et tout ce qu’il a fait, n’est-il pas écrit dans le Livre des Chroniques des rois de Juda ? » et II Par., xxvii, 27 : « Le reste des actes de Joatham, toutes ses guerres et tout ce qu’il a fait, voici que cela est écrit dans le Livre des Rois d’Israël et de Juda. » Cf. IV Reg., xxi, 17 et II Par., xxxiii, 18 ; III Reg., xiv. 29 et II Par., xii, 15. Cette identification ne s’impose pas pour autant. Ainsi qu’il a été établi à l’art. Paralipomènes, t. xr. col. 1980-1982, il faut distinguer le Livre des rois d’Israël et de Juda, appelé aussi plus brièvement : Livre des rois d’Israël, non seulement du livre canonique des Rois, mais encore des ouvrages auxquels se réfère ce même Livre des Rois et qui constituent deux ouvrages distincts, traitant séparément de l’un et l’autre royaume.

Outre les Chroniques, expressément mentionnées comme source d’information, le rédacteur a utilisé d’autres documents qu’il ne cite pas nommément, mais dont il est facile d'établir l’existence par les particularités de la langue et le genre des récits qui distinguent nettement certains passages les uns des autres.

A ces autres sources appartiennent en premier lieu les histoires des prophètes Élie et Elisée, dont le texte, s’adaptant sans doute aisément au dessein du rédacteur, a dû être reproduit en grande partie tel quel. Les sources prophétiques, citées par l’auteur des Paralipomènes : Paroles de Nathan le prophète, prophétie d’Ahias de Silo, vision d’Addo le voyant, II Par., ix, 29, paroles de Séméïas le prophète, ibid., xii, 15, paroles de Jéhu, xx, 39, actes d’Osias écrits par Isaïe.xxvi, 22, si elles constituaient, ce qui n’est pas certain, des œuvres distinctes, ne durent pas être inconnues de l’auteur des Livres des Rois. Cf. art. Paralipomènes, col. 1982.

De plus, certains récits longuement détaillés, comme ceux de l’histoire d’Achab ou de Jéhu, d'Ézéchias ou de Joas, ne semblent pas, dans leur forme actuelle provenir des Annales ou des Chroniques, généralement moins abondantes en renseignements. L’ampleur enfin des informations relatives à la construction et à la dédicace du temple rend assez probable que parmi les sources utilisées devaient se trouver les archives du temple.

Rédaction.

Quels que soient le nombre et la

nature des documents à la disposition du rédacteur, celui-ci s’est en général contenté d’en reproduire des extraits sans y apporter grande modification, les insérant dans des formules toujours les mêmes, pour annoncer l’avènement et la mort des rois, et qui sont comme la charpente de l'œuvre.

Dans ces formules on retrouve régulièrement des indications chronologiques, le renvoi aux sources et le jugement sur le roi, surtout d’après son attitude vis-àvis des hauts-lieux ; leur forme littéraire est fortement teintée de phraséologie deutéronomistique. Une différence est à noter toutefois selon qu’il s’agit de l’un ou l’autre royaume. Pour Juda, la formule d’introduction est plus complète ; elle mentionne d’abord le synchronisme avec Israël en datant l’année de l’accession au trône par l’année du règne correspondant du roi d’Israël, puis l'âge du nouveau monarque, la durée de son règne, le nom de sa mère et pour finir une courte apprétion de son caractère. Pour Asa, par exemple, elle est ainsi libellée : « La vingtième année de Jéroboam, roi d’Israël, Asa devint roi de Juda, et il régna quarante et un ans à Jérusalem. Sa mère s’appelait Maacha, fille d’Abessalom. Asa fit ce qui est droit aux yeux de Jahvé, comme David son père. » III Reg., xv, 9-11. Pour les rois d’Israël, la formule n’indique que le synchronisme avec Juda, la longueurdu règne et une appréciation très brève et toujours défavorable, motivée par la continuation des péchés de Jéroboam ; aiisi pour Nadab, il est dit que, fils de Jéroboam, il devint roi

d’Israël la seconde année d’Asa roi de Juda et qu’il régna deux ans sur Israël, qu’il fit ce qui est mal aux yeux de Jahvé et marcha dans la voie de son père et dans les péchés qu’il avait fait commettre à Israël.

III Reg., xv, 25-27. Quant à la formule terminale, elle consiste ordinairement dans l'énoncé de la principale source d’information, dans la mention de la mort et de la sépulture du roi ainsi que du nom de son successeur, avec cette différence, selon qu’il s’agit d’Israël ou de Juda, que dans le premier cas sont régulièrement omis les mots : « Il fut enterré avec ses pères. » Omission facile à comprendre étant donnés les nombreux changements de dynastie survenus en Israël.

Ces formules, véritable cadre de la narration, ne constituent pas le seul travail du rédacteur. Non seulement il a fait un choix dans les annales, chroniques et autres sources qu’il avait à sa disposition, mais encore, en reproduisant ces matériaux qu’il jugeait conformes au dessein de son œuvre, il y a introduit des éléments personnels plus ou moins considérables, faciles à reconnaître, car ils sont marqués de l’esprit et du style de l’auteur des formules dont il vient d'être question. Cette élaboration plus personnelle est surtout sensible à la fin du livre, IV Reg., xviii-xxv ; on conçoit, en etîet, qu'à mesure que le récit s’approchait de l'époque même où vivait le rédacteur, il put devenir plus circonstancié, grâce à des informations directes et personnelles ; d’autre part, les détails plus abondants sur les réformes d'Ézéchias et de Josias s’expliquent encore par l’intérêt tout particulier qu’y attachait ! e rédacteur ; on a relevé comme étant de sa main plusieurs passages faisant partie de la relation des deux événements les plus importants survenus au temps de Josias : la découverte du Livre de la Loi et la réforme qui en fut la conséquence. Cf. IV Reg., xxii, 13-14, 16-20 ; xxiii, 3, 2128 ; xxv, 22-26.

Malgré ce caractère de compilation, les deux derniers Livres des Rois n’en constituent pas moins une œuvre une dans son plan et dans son esprit, habilement composée par l’heureuse adaptation à son objet. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse y relever quelques inégalités : divergences, par exemple, entre l’affirmation que le roi Salomon ne fit esclave aucun des enfants d’Israël, car ils étaient des hommes de guerre, ses serviteurs, ses chefs, ses officiers, les commandants de ses chars et de sa cavalerie et cette autre qu’il leva parmi tous les Israélites des hommes de corvée au nombre de trente mille, IV Reg., ix, 22 et III Reg., v, 27 ; inadvertances, comme l’emploi de deux noms différents pour désigner le même personnage, sans aucune indication pour faire comprendre qu’il s’agit bien d’un seul et même roi d’Assyrie, appelé Phul, IV Reg., xv, 19 et Téglatphalasarun peu plus loin, v. 29 ; répétitions, tel le double récit pas tout à fait concordant des expéditions maritimes à Ophir, III Reg., ix, 26 et x, 11, telle la double formule terminale du règne de Joas,

IV Reg., xiii, 12-13 et xiv, 15-16 ; cf. IV Reg., xvii, 3-6 et xviii, 9-12 ; IV Reg., xviii, 13-xix, 39. récit de la campagne de Sennachérib contre Jérusalem avec maints doublets.

Pour rendre compte de ces quelques particularités, le recours à l’emploi de sources différentes, dont le rédacteur n’a pas toujours le souci de concilier les divergences ou d'éviter les répétitions, suffira généralement, sans qu’il soit nécessaire d’imaginer toute une série de remaniements et de rédactions successives. Ainsi Stade et Schwally dans leur édition des Livres des Rois (Bible polychrome de Haupt) ont essayé de distinguer documents, remaniements, additions, etc. On assimilerait volontiers l'élaboration de ces livres à celles du Pentateuque, des Juges et de Samuel, en y retrouvant les mêmes documents et des remaniements analogues d’ordre surtout deutéronomistique. Cf. Ben-