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ROIS (LIVRES III ET IV DES). COMPOSITION


Jahvé, parce qu’il les avait choisis parmi toutes les nations pour en faire son peuple, et de ne lui ollrir de sacrifices qu’au seul sanctuaire qui serait établi par lui, c’est-à-dire au temple de Jérusalem. A ce compte, le règne de David est pour l’auteur le règne idéal qu’il voudrait retrouver pour chacun de ses successeurs. Ézéchiaset Josias sont loués pour avoir fait ce qui est droit aux yeux de Jahvé et avoir marché dans la voie de David leur père sans se détourner ni à droite ni à gauche. IV Reg., xviii, 3 ; xxii, 2. Ce ne fut malheureusement pas le cas de la plupart des autres rois, non seulement pour ceux d’Israël, mais encore pour beaucoup de ceux de Juda, selon la sentence trop souvent formulée : « Il fit ce qui est mal aux yeux de Jahvé. » Si pour quelques rois de Juda cependant, tels que Asa, Josaphat, Amasias, Ozias, la formule varie : « Il fit ce qui est droit aux yeux de Jahvé », la louange n’est pas sans réserve, car ce ne fut pas comme David ; les hautslieux ne disparurent pas, on continua d’y offrir des sacrifices et d’y brûler des parfums. III Reg., xv, 11, 14 ; xxii, 43-44 ; IV Reg., xiv, 3-4 ; xv, 3-4. Seuls Ézéchias et Josias sont loués sans restriction car tous deux firent ce que nul de leurs prédécesseurs ou de leurs successeurs n’avait fait, ils avaient fait disparaître les hauts-lieux. IV Reg., xviii, 5 ; xxiii, 25. Malgré l’importance qu’il attache au culte de ces hauts-lieux et la condamnation portée contre eux, l’auteur, tout en regrettant la tolérance dont usèrent envers eux certains rois, sait reconnaître que par ailleurs ils firent ce qui est droit aux yeux de Jahvé.

C’est à la lumière de ce même principe que s'éclaire toute l’histoire du royaume schismatique d’Israël. Jéroboam, son premier roi, n’en est pas plus tôt le maître qu’il en préparc la ruine par l’introduction du culte du veau d’or. III Reg., xii. C’est la faute originelle qui pèsera sur toute l’histoire de ce royaume d’Israël, non pas seulement parce qu’elle est un manquement grave à la défense de faire des images de la divinité, mais parce qu’elle va directement à l’encontrc de la centralisation du culte à Jérusalem. C’est parce que les différents rois d’Israël ont tour à tour maintenu le culte du veau d’or que tous ils sont sévèrement jugés ; Jéhu lui-même, malgré son zèle pour l’extirpation du culte du Haal phénicien, n'échappe pas au verdict de condamnation, car lui non plus « ne se détourna pas des péchés de Jéroboam qui avait fait pécher Israël, ni des veaux d’or qui étaient à Béthel et qui étaient à Dan. » IV Reg., x, 21.

Pour le royaume de Juda, malgré les fautes d’un trop grand nombre de ses rois, suivant la même voie que ceux de la maison d’Achab, l'échéance du châtiment est retardée ; c’est sans doute parce qu’il est l’héritage de David, mais aussi parce qu’il est le siège du sanctuaire de Jahvé dont Ézéchias et Josias ont essayé de sauvegarder les prérogatives contre l’envahissement du culte des hauts-lieux. Aussi Juda peut-il attendre et espérer une restauration après les épreuves, restauration déjà entrevue à la fin du livre par le rétablissement de Joachin dans sa dignité royale. IV Reg., xxv, 27-30. Cf. Burney, art. Kings I and II, dans Hastings, A Dictionary of the Bible, I. ii, p. « 57.

Il n’est pas jusqu’aux expressions les plus fréquentes sous la plume du rédacteur qui ne reproduisent les termes mêmes de la loi deutéronomique ou tout au moins n’en portent l’empreinte par l’esprit qui les anime. C’est ainsi que certaines phrases caractéristiques du Deutéronome se retrouvent dans les I.i res des Rois, dont elles deviennent également caractéristiques ; quelques exemples suffiront a le montrer : « Marcher dans les voies de Jahvé ». III Reg., ii, 3 ; iii, 1 I ; VIII, 58 ; xi, 33, 38… et Deut., VIII, 6 ; x, 12 ; xi, 22 ; xix, 6… observer les lois de.lahvé, ses commandements, ses ordonnances, ses préceptes. » III Reg., II, 3 ; m. M ;

vm, 58, fil ; xi, 33, 34, 38 ; xiv, 8 ; IV Reg., xvii, 13, 19 ; xviii, fi ; xxiii, 3 et Deut., iv, 14, 40, 45 ; v, 1, 28 ; vi, 2, 17… « De tout son cœur et de toute son âme. » III Reg., ii, 4 ; viii, 48 ; IV Reg., xxiii, 3, 25 et Deut., iv, 29 ; vi, 5 ; x, 12 ; xi, 13 ; xiii, 3, etc. Cf. liste détaillée de ces expressions dans Driver, Introduction to the litcrature of the Old Testament, 7e edit., p. 200-202.

IV. Composition.

Sources.

Ayant à raconter

l’histoire d’une longue période — quatre siècles — l’auteur des Livres des Rois avait naturellement à se servir de sources anciennes écrites. Celles-ci nous sont mieux connues que pour les Livres de Samuel, pour la raison bien simple que l’auteur lui-même les mentionne à plusieurs reprises, y renvoyant le lecteur désireux de plus ample information. L’utilisation de documents écrits dans la composition du livre apparaît nettement dans les différences nombreuses et frappantes de style et de vocabulaire, non moins que dans la comparaison avec les Livres des Paralipomènes qui renferment maints passages identiques, parfois mot pour mot, à ceux des Livres des Rois. Le caractère de compilation est ici plus fortement marqué que nulle part ailleurs peut-être dans l’Ancien Testament.

Les sources auxquelles renvoient les Livres des Rois sont au nombre de trois : le Livre des Actes de Salomon, III Reg., xi, 41 ; le Livre des Annales ou Clironiques des rois d’Israël, cité dix-huit fois. III Reg., xiv, 19 ; xv, 31… IV Reg., i, 18 ; x, 34… ; le Livre des Annales ou Chroniques des rois de Juda, cité quinze fois, III Reg., xiv, 29 ; xv, 7… IV Reg., viii, 23 ; XII, 19… Les Septante ajoutent au texte de la prière de Salomon après la dédicace du temple : « Est-ce qu’elle n’est pas écrite dans le Livre du Cantique, èv fkSÀîco tîjç wSrjç? » S’agit-il d’une quatrième source, le Livre du Cantique, ou plus probablement, d’après la correction proposée, du Livre du Juste (haijijâsâr au lieu de haSsir) dont il est déjà question dans Josué, x, 13? Si au contraire la leçon du grec était à conserver comme originale, on pourrait alors entendre le mot cantique au sens collectif ; il désignerait un recueil de poèmes religieux dont les psaumes de la dédicace auraient fait partie.

Quels sont ces documents ? Faut-il y voir des actes officiels rassemblés par ce fonctionnaire dont le nom, mazkir, figure dans les listes des personnages de la cour de David, de Salomon, d'Ézéchias et de Josias et figurait probablement aussi dans le personnel des autres rois ? II Reg., viii, 10 ; xx, 24 ; III Reg., iv. 3 ; IV Reg., xviii, 18, 37 ; II Par., xxxiv, 8. Ce n’est pas invraisemblable, car ce mazkîr, dont le nom signifie littéralemen t celui qui rappelle, ô Û7toji.i[i.vr)a> « ûv, disent les Septante, avait sans doute pour fonction de tenir une relation officielle des événements publics, gardée dans les archives royales. Pour d’autres, il s’agirait non d’un rédacteur de chroniques, d’un historiographe, mais plutôt d’une sorte de premier ministre ou de grand vizir, chargé de rappeler au roi ses devoirs et ses fonctions. Quoi qu’il en soit, la nature des événements relatés d’après ces Chroniques des rois d’Israël ou de Juda, constructions, guerres, en indique le caractère politique et répond bien au genre supposé de ces sortes de relations officielles. Il est plus probable toutefois. d’après l’opinion de la majorité des critiques modernes, que les sources utilisées pour la rédaction des Livres des Rois étaient une œuvre basée déjà sur ces textes officiels ; il importe assez peu d’ailleurs ; le document, qu’il soit de première ou de seconde main, ayant généralement gardé sa teneur primitive.

Une autre question se pose au sujet des sources citées dans les Livres des Rois. Quel rapport ont-elles avec celles des Livres des Paralipomènes ? Les passages communs aux deux ouvrages sont nombreux et importants et pourraient suggérer l’hypothèse de l’identité de sources, surtout d’après ce qui est dit IV Reg., xv,