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ROIS (LIVRES I ET II DES. LE CULTE


premier plan comme ceux dont les oracles nous sont parvenus dans les recueils prophétiques de la Bible, et aussi d’autres hommes, groupés le plus souvent en corporations ou confréries et qui, sous l’action de l’esprit de Jahvé, manifestaient leur enthousiasme religieux par des gestes, des paroles, des actes plus ou moins désordonnés.

On les rencontre pour la première fois aux Livres de Samuel, lorsque le prophète prédit à Saûl qu’il va trouver sur son chemin « une bande de prophètes descendant du haut-lieu et précédés de la harpe, du tambourin, de la flûte et de la cithare, qui seront en train de prophétiser ». Lui-même, saisi par l’Esprit de Jahvé, prophétisera avec eux et sera changé en un autre homme. I Reg., x, 5-6. C’est, en fait, ce qui arriva, à l’entrée du futur roi d’Israël à Gabaa. I Reg., x, 10. Dans une autre circonstance, à Naioth, I Reg., xix, '20-24, les messagers de Saùl rencontrèrent une troupe de prophètes avec.Samuel au milieu d’eux et ils se mirent eux-mêmes à « prophétiser », si bien qu’ils ne purent s’emparer de David comme ils en avaient reçu l’ordre. A trois reprises différentes il en arriva de même ; Saûl se rendit de sa personne à Naioth, mais l’Esprit de Dieu fut aussi sur lui et il marchait en prophétisant et se dépouillant de ses vêtements il resta nu tout le jour et toute la nuit.

De ce double épisode se dégagent les traits distinctifs des manifestations auxquelles se livraient certains hommes, réunis en groupements assez nombreux. Ces manifestations de transport et d’enthousiasme religieux consistaient en danses, discours enflammés, chants sacrés, stimulés par le son d’instruments de musique ; elles ne laissaient pas que d'être contagieuses, ainsi qu’il apparaît dans l’histoire des messagers de Saûl et de Saûl lui-même à la poursuite de David.

En quoi, peut-on se demander, de telles manifestations pouvaient-elles bien contribuer au maintien et au développement de la vie religieuse en Israël ? Sans trop s’attarder à l’aspect extérieurdeccsmanifestations.qui ne sont pas sans analogie avec des phénomènes d’ordre religieux observés chez d’autres peuples de l’ancien Orient, il faut tout d’abord noter que leur origine est due à l’Esprit de Jahvé, par quoi il faut entendre non pas nécessairement une influence d’ordre tout à fait surnaturel, mais peut-être « un brusque saisissement d’enthousiasme religieux, naturel dans son origine, mais rattaché cependant par l'écrivain sacré à l’esprit de Dieu comme à sa cause. » E. Tobac, Les Prophètes d’Israël, t. i, p. 21. Samuel, d’autre part, qui n’est pas présenté comme l’un de ces prophètes, en proie aux mêmes transports, se joint parfois à leur troupe, I Reg., xix, 20 ; n’est-ce pas à eux qu’il envoie Saûl pour qu’il participe à leur inspiration, s’associe aux manifestations enthousiastes du groupe et par ce moyen reçoive un cœur nouveau qui le changera en un autre homme et le disposera à la mission que Jahvé lui destine. I Reg.) x, 6, '.). Enfin, de ces jahvéistes ardents la foi et le zèle pour le l Heu d’Israël, que tant de leurs compatriotes pouvaient être tentés d’abandonner sous l’influence cananéenne et la menace philistine, n’allaient pas sans provoquer un réveil d’une foi endormie, ou inquiète en rappelant que l’Esprit de Jahvé était toujours vivant au milieu de son peuple et capable de renouveler les prodiges de jadis pour le sauver de la main de ses ennemis. Non sans raison on a établi un rapprochement entre de telles manifestations aux origines de la royauté en Israël et les charismes aux premiers temps de l'Église ; Dieu a pu vouloir multiplier ces signes à cette époque où son « aille élaii particulièrement menacé, de même qu’il a multiplié les charismes dans l'Église naissante, où la présence sensible de son Esprit était particulièrement nécessaire. ».1. Nikel, dans Christus, 1916, p. SKI.

(Test par ce caractère moral et religieux que le prophétisme d’Israël se distingue des manifestations similaires d’autres religions anciennes. Qu’importe, en clîet, l’analogie des formes extérieures : chants, musique, danses, transports, si l’esprit qui les anime est celui non de vaines divinités, mais du Dieu unique, se communiquant à des privilégiés pour soutenir leur foi et leur vie morale, et les faire ainsi rayonner au milieu d’un peuple toujours attiré par des cultes et des mœurs moins austères.

Si tel est réellement le rôle des groupements de prophètes, comment rendre compte du jugement sévère sinon du mépris, dont ils sont parfois l’objet, non seulement dans la suite de leur histoire, mais déjà même du temps de Samuel ? IV Reg., ix, 11 ; Jer., xxix, 26 ; Os., ix, 7 ; Amos, vii, 14. L'étonnement ironique des Hébreux, voyant Saûl se joindre à la troupe des nabis et so livrer à leurs transports, s’exprime en une formule devenue proverbiale et qui n’implique pas grand respect pour les inspirés et leurs exercices prophétiques ; « Est-ce que Saûl est aussi parmi les nabis ? » I Reg., x, 12 ; xix, 24. Sans doute l’ironie vise-t-elle Saûl plutôt que les prophètes eux-mêmes, mais on conçoit aisément que beaucoup de leurs contemporains n’aient été que trop portés à juger défavorablement des hommes qui, par leur genre de vie et leurs manifestations même étranges, condamnaient leur propre attitude de défiance ou d’indifférence à l'égard du Dieu d’Israël. Cf. Desnoyers, op. cit., t. iii, p. 165-183.

Le culte.

Les croyances religieuses d’Israël à

l'époque de la monarchie naissante trouvent leur expression dans un culte, avec ses sanctuaires, ses ministres et ses sacrifices, dont l’examen permettra de constater ce qu'était devenu, à travers les vicissitudes de la conquête et de l'établissement en Canaan, l’idéal religieux tracé jadis par Moïse dans la législation du Sinaï. Il y a lieu d’observer que cet examen, pour être complet, devrait faire entrer en ligne de compte les renseignements bien plus nombreux et détaillés que fournissent les Livres des Paralipomènes sur l’organisation liturgique elïectuée par David. Mais, à nous en tenir aux seuls Livres de Samuel, dont le témoignage, nous l’avons vii, ne saurait guère être contesté, nous y trouvons des éléments d’information suffisants pour une reconstitution de l’organisation cultuelle dans ses pratiques essentielles.

1. Sanctuaires.

- Nombreux étaient les lieux saints durant la période des Juges ; leur multiplicité, favorisée par le morcellement politique, ne disparut pas avec Samuel, non plus qu’avec la centralisation politique instaurée par la monarchie ; la construction même du temple de Jérusalem ne parvint pas davantage à la faire disparaître.

L’arche d’alliance, par la présence de Jahvé qu’elle impliquai !, avait durant les migrations du désert et de la conquête de Canaan efficacement contribué à l’unité religieuse, mais, depuis l'établissement des tribus dans les territoires conquis et la dispersion qui en était résultée, son rôle était allé s’amoindrissant. Le sanctuaire de Silo qui la possédait jouissait de ce fait, et par suite de la présence du sacerdoce lévitique attaché à son service, d’une situation privilégiée que supposent encore les événements relatés au début du Livre de Samuel ; mais, lorsque l’arche tombera lamentablement au pouvoir des Philistins, son prestige et partant son rôle déjà diminués seront sans efficacité dans l’organisation et la centralisation du culte, jusqu’au jour du moins où David la fera solennellement transporter sur la colline de Sion.

Nobé.à pin « le distance de Gabaa, la capitale de Saul, avait recueilli, après la capture de l’arche, les descendants du prêtre Héli, et ainsi s'était constitué un centre lévitique important, un sanctuaire avec l'éphod