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ROIS (LIVRES I ET II DES). DOCTRINES, LE MESSIE

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mais dans maintes autres circonstances pour décider par exemple d’une entreprise ou assurer le succès d’une campagne, I Reg., xxiv, 13-16, 22 ; xxvi, 9-11, etc. Parfois grandioses, comme celle qui est décrite II Reg., xxii, 8-12, ces manifestations de l’intervention divine sont généralement plus discrètes ; les songes, les sorts, l'éphod traduisent la volonté de .lahvé aux hommes qui en sollicitent et attendent l’impulsion.

De telles consultations de la divinité sont fréquentes au cours du règne de Saûl surtout et au début de celui de David, ordinairement à l’occasion d’une campagne à entreprendre. L'éphod-oracle répondait par les sorts sacrés ûrîm et tûmmlm à la demande du prêtre lévitique ayant seul qualité pour l’interroger. Un épisode de la guerre de Saùl contre les Philistins nous apprend comment on procédait pour faire parler les sorts ; dans le texte plus complet tics Septante on lit : « O Jahvé, dit Saiil, pourquoi n’as-tu pas répondu à ton serviteur aujourd’hui ? Si c’est en moi ou en mon fils Jonathan qu’est cette iniquité, ô Jahvé, Dieu d’Israël, donne ûrîm, mais si cette iniquité est en Israël, ton peuple, donne tûmmîm. » I Reg., xiv, 41. Le recours aux sorts sacrés ne semble pas avoir longtemps joui de l’estime qu’il eut alors : seuls quelques rares passages de la Bible y font allusion pour les époques suivantes : Os., iii, 4 ; I Esdr., n. 63 (II Esdr., vii, 65). Sans avoir été abandonné complètement, on peut supposer que d’autres moyens, surtout l’oracle prophétique, permirent à Jahvé de manifester ses volontés. Ne voit-on pas, en effet, les plus illustres représentants du prophétisme sollicités par les rois pour connaître les desseins de Jahvé?

A côté des moyens réguliers et légitimes de consulter Jahvé, les Livres de Samuel en connaissent d’autres que la loi réprouve ; tels sont les teraphim et l'évocation des morts. Au sujet des premiers, mentionnés à deux reprises, I Reg., xv, 23, pour les réprouver au même titre que l’idolâtrie, et I Reg., xix, 13, pour raconter le subterfuge de Michol, femme de David, les interprétations sont divergentes. « Il est incontestable qu’ils servaient à la divination, Ezech., xxi, 26 ; Zach., x, 2 ; il paraît également certain qu’ils représentaient des dieux qui n'étaient pas Jahvé, mais plutôt des dieux domestiques, gardés dans la maison ou sous la tente, Gen., xxxi, 19…, I Reg., xix, 13, 16 ; enfin qu’ils avaient la forme humaine (I Reg., xix). » Lagrangc, Le Livre des Juges, p. 272. La présence de teraphim dans la maison de David, si elle suggère l’idée de quelque pratique superstitieuse de la part de Michol, ne saurait être invoquée contre le monothéisme du narrateur non plus que contre celui de David luimême.

Le recours à l’esprit des morts, malgré toutes les prohibitions dont il avait été l’objet, était aussi parfois usité. Saûl, qui pointant l’avait sévèrement interdit, se résigne à l’employer en désespoir de cause, ne recevant par ailleurs aucune réponse de Jahvé à toutes ses demandes, ni par les songes, ni par l'ûrîm, ni par les prophètes. 1 Reg., xxviii, 6. L'évocation de Samuel par la nécromancienne d’Endor pose un certain nombre de problèmes. Il a déjà été question ci-dessus, col. 2703, du sens à retenir pour le terme éloliîm employé pour désigner l’esprit du prophète ; quant à savoir s’il y a eu supercherie du démon ou de la pythonisse ou au contraire apparition réelle permise par Dieu, Pères et exégètes sont partagés. Dompte tenu de l’addition des Septante dans f Par., , 13 : " el le prophète Samuel lui (à Saûl) répondit », el plus encore de ce que dit l’Ecclésiastique, xi.vi, 23 (20 de l’hébreu), dans l'éloge de Samuel : o Du sein de la terre il éleva la voix en prophétisant pour effacer l’iniquité de son peuple », on peut admettre que l'âme du prophète, par une per mission divine, est réellement intervenue pour avertir encore une fois Saiil, et cela sans l’aide d’aucun procédé magique, dont le texte d’ailleurs ne fait nulle mention. C'était déjà une des explications que proposait saint Augustin (De diversis quæsl. ad Siinplicianum, t. II, c. iii) et que saint Thomas faisait sienne : « Il n’est pas déraisonnable de croire, disait-il, que, par une permission de Dieu et par un ordre secret qui échappait à la pythonisse et à Saiil, l'âme d’un juste sans subir aucunement l’influence des artifices et de la puissance magiques, ait pu se montrer aux regards du roi, qu’il devait frapper du jugement de Dieu ; ou bien, ajoutait-il, toujours à la suite de saint Augustin qui préférait l’explication suivante, il faudrait penser que ce ne fut pas vraiment l’esprit de Samuel, arraché à son repos, mais un fantôme et une illusion imaginative produite par artifices diaboliques, l'Écriture lui donnant alors le nom de Samuel en suivant le procédé commun qui consiste à donner le nom des choses aux images qui les représentent. » II^-II®, q. xcv, a. 4, ad 2°m. Cf. de Hummelauer, Commentarius in Lib. Samuelis, p. 248252 ; Lesêtre, art. Évocation des morts, dans Vigouroux, Dict. de la Bible, t. ii, col. 2129-2131.

Le messianisme.

Si l’institution de la monarchie en Israël ne fut sans influence sur le monothéisme,

elle ne le fut pas non plus sur le messianisme, cet autre élément essentiel de la religion de l’Ancien Testament. Pour la période des trois premiers rois, le messianisme n’est pas tant à chercher dans les prophéties proprement dites, assez rares d’ailleurs, à n’envisager que les seuls Livres de Samuel, que dans les institutions, les personnes et certains événements.

La royauté, en effet, et ceux à qui en furent confiées les destinées, surtout les plus glorieux d’entre eux, David et Salomon, apparaissent déjà comme un commencement de réalisation des antiques promesses faites jadis au peuple hébreu, qui devait triompher de ses ennemis, jouir d’une prospérité extraordinaire et dominer sur les nations. C’est pourquoi « une ère de prospérité et de gloire comme le premier siècle de la royauté, un roi pieux et puissant comme David, un monarque sage et splendide comme Salomon n'étaient pas seulement une cause passagère d’orgueil national et d’enthousiasme religieux… Yahwé les avait promis, il les avait donnés et, par suite, la foi satisfaite dans ses exigences ouvrait l'âme aux espoirs les plus vastes, et convainquait les esprits que la suite des temps, manifestant cette progression constante dans le bienfait qui caractérisait l’action de Dieu à l'égard de son peuple, réservait à celui-ci la merveille encore plus grande d’une royauté sans ombre et d’un Roi sans faiblesse. » Desnoyers, op. cit., t. iii, p. 304. Les espérances alors éveillées se préciseront au cours des siècles, grâce aux oracles prophétiques qui, jusqu’au delà de la captivité de Babylone, entretiendront la foi d’Israël en une ère glorieuse, malgré les épreuves qu’elle aura à traverser ; mais toujours les traits qui essaieront une esquisse de la splendeur de cet avenir évoqueront le souvenir de la brillante période des origines, tandis que le héros qui doit en assurer le triomphe ne saurait être étranger à la dynastie davidique.

Sans entrevoir les grandioses perspectives incluses dans l’institution monarchique à laquelle il répugnait, Samuel n’en traçait pas moins les conditions qui devaient en faire une institution avant tout religieuse, capable de sauvegarder les droits de Jahvé et de concourir, malgré de trop nombreuses défections, à l'établissement du règne de Dieu dans le monde.

Le prophète Nathan d’abord, David ensuite, vont par leurs oracles préciser le sens et la portée des idées messianiques. Les plus importants de ces oracles sont cettes à rechercher dans le recueil des psaumes davi-