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OUIÉTISME. LES AL U MB R A DOS


tées. « On ne doit jamais supposer la permission divine, dit Fénelon, que dans les fautes déjà eommises ; cette permission ne doit diminuer en rien alors notre haine du péché, ni la condamnation de nous-mêmes. » Correspondance de Fénelon, t. v, Paris, 1827, p. 369370. Jean Gerson, toujours si prudent quand il traite de la mystique, reconnaît sans doute la légitimité de notre adhésion à la volonté divine permissive du péché ; mais il ajoute qu’elle est un point délicat de la spiritualité qui peut facilement être mal compris. De discretione seu rectitudine cordis, consid. 9, dans Opéra omnia, t. iii, Anvers, 1706, p. 470.

La bulle de Jean XXII In agro dominico a été rééditée par Denifle, Akten zum Processe Meister Eckeharts, dans Archiv fur I.illeralurund Kirchengeschichte des Millelallcrs, t. ii, 1886, p. 636 sq., texte reproduit par DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 501-529, et par de Guibert, Documenta ecclesiaslica clirislianæ perfeclionis sludium spectanlia, n. 28-1-289, p. 162 sq. Sur le procès d’Iickart voir Daniels, Beilràge zur Geschichle der Philosophie des Millelallers, t. xxiii, fasc. 5, 192 : i, et G. Tiiéry. Édition critique des pièces relatives au procès d’Eckharl, dans Archives d’hisl. doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. i, 1926, p. 129-268. — Voir art. Eckart, t. iv, col. 2057-2081 ; S. M. Deutsch, Protestant. Realencyclopàdie, t. v, 1898, p. 142-151 ; G. Tiléry, Vie spirituelle, Suppl., 1924 p. 93 sq. ; 1925, p. 149 sq. ; 1926, p. 49 sq.

4° Les mystiques rhénans. - Trouve-t-on des traces de quiétisme dans les écrits des mystiques rhénans du xiv siècle, en particulier dans Taulcr ? La réponse est douteuse selon plusieurs historiens. Ce qui est certain, c’est que, dans la période du préquiétisme, au milieu du xviie siècle, beaucoup d’auteurs spirituels se sont inspirés de la mystique rhénane. La doctrine de la nudité de l’esprit, cette prétendue condition de la contemplation parfaite, qui occupe une si grande place dans cette mystique, séduisit entièrement les auteurs, nombreux alors, qui exagéraient l’importance des états passifs pour la sanctification de l'âme. Selon les mystiques rhénans, nous le savons, l'âme qui se prépare à l’union parfaite avec Dieu, doit se dépouiller de toute image et de toute idée, suspendre son activité, être presque totalement passive. Cette passivité, si elle est mal comprise, peut engendrer le quiétisme, la tendance à diminuer et même à supprimer les actes des vertus chrétiennes. C’est malheureusement ce qui eut lieu.

On trouve assez souvent dans les sermons de Tauler, des passages comme celui-ci : « Pour que Dieu opère vraiment en toi, tu dois être dans un état de pure passivité ; toutes tes puissantes doivent être complètement dépouillées de toute leur activité et de leurs habitudes, se tenir dans un pur renoncement à ellesmêmes, privées de leur propre force, se tenir dans leur néant pur et simple. Plus cet anéantissement est profond, plus essentielle et plus vraie est l’union. » Sermons de Tauler, trad. Hugueny, Théry et Corin, t. ii, Paris, 1931, p. 96. « Il s’est vu de nos jours, dira François Malaval, un grand philosophe (Descartes ] qui a cru que pour acquérir la véritable philosophie et pour la rétablir dans sa pureté, il fallait que l’esprit humain oubliât tout ce qu’il avait appris ; qu’alors… la vérité paraîtrait dans son vrai jour… Ce n’est pas ici le lieu de disputer si ce fondement de sa philosophie est raisonnable, mais dans le chemin dont nous parlons, il est certain que qui laisse tout recouvre ce qu’il laisse plus parfait et plus entier, ayant Dieu pour principe… « Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation, Paris, 1673, p. 333-331.

IL Le quiétisme luthérien au xvie siècle. — Je signale brièvement le quiétisme luthérien, car on trouve ici. t. ix, col. 1146 sq., un long et suggestif article sur Luther de.1. Paquier.

Le quiétisme de Luther est une conséquence de sa conception ultra-pessimiste de l’humanité déchue. Selon sa manière de voir, la concupiscence est le péché originel lui-même. Tous ses mouvements même involontaires sont toujours des péchés graves. Les passions sont donc insurmontables, aussi indomptables que Cerbère, aussi invincibles que le géant Antée. Le libre arbitre a d’ailleurs été détruit par la chute originelle. La volonté est donc irrémédiablement subjuguée par les passions.

Dès lors, il est inutile d’essayer de lutter. Nous sommes toujours vaincus d’avance. Inutile de prier au moment de la tentation, puisque la volonté est fatalement vouée au mal. Aucun acte intérieur tel que le repentir n’est possible. Les œuvres extérieures, comme la confession et la réception (les sacrements, sont de nul ell’et.

Si l’homme est incapable de tout bien et s’il reste en lui-même pécheur, sa justification ne peut être qu’extérieure à lui et purement « nominaliste » : il est juste parce que la justice du Christ le couvre et voile aux yeux de Dieu les iniquités de son âme. L’unique moyen d'être ainsi extérieurement justifié c’est la foi ou la confiance ferme que nous sommes justifiés, que la justice du Christ nous est imputée.

Nous trouvons dans la doctrine de Luther la division de l’homme en deux parties : la partie inférieure avec les passions qu’il faut laisser faire, à qui il faut tout permettre et la partie supérieure qui a la confiance inébranlable que la justice du Christ est imputée. Cette division est bien celle du quiétisme rigide.

III. LE QUIÉTISME ESPAGNOL AU XVIe SIÈCLE ET AU

début du XVIIe. Les alumbhados. — Vers 1509, on commença à parler en Espagne, en Andalousie surtout, de la secte des alumbrados ou illuminés, appelés aussi deiados ou anéantis. Les adeptes se faisaient remarquer par leur exaltation mystique suspecte. Leurs pratiques, inspirées par l’illuminisme, paraissaient extravagantes et dangereuses pour la morale. De fait, plusieurs villes, et principalement Llerena, en Estramadure, furent gâtées par ces faux mystiques. Leur doctrine se précisa peu à peu. Elle s’inspire, semble-t-il, du néo-platonisme, de l’averroïsme et surtout du quiétisme des béghards.

L’Inquisition espagnole poursuivit sans relâche les alumbrados. Elle publia contre eux des édits en 1568 et 1574. Elle sévit contre eux à Llerena dans les années suivantes. La principale condamnation fut celle de 1623. L'édit de 1623, le plus important, fut publié par l’archevêque grand inquisiteur André Pacheco. Il contient une liste de soixante-seize propositions qui résument toute la doctrine des alumbrados. Le texti espagnol se trouve dans V. Barrantes, . ; >arato biblioqraphico de la historia de Estremadura, Madrid, 1875, t. ii, p. 364-370. Le P. de Guibert, op. cit., n. 405-419, le reproduit avec une traduction latine. L/iie traduction française a été donnée dans le Mercure de France, t. ix, 1621, p. 357 sq.

Les erreurs des alumbrados paraissent découler de l’importance exagérée qu’ils donnent à l’oraison mentale et de l’efficacité tout à fait excessive qu’ils lui attribuent. Selon ces hérétiques, l’oraison mentale est obligatoire de droit divin ; par elle on accomplit par le fait même tous les autres préceptes : Menlalem orationem divino prseceplo imperatam esse et per eam c-rtera omnia impleri. Prop. 1. La prière vocale a peu de valeur. Prop. 2. Aussi, ni prélat, ni père, ni supérieur n’a droit à être obéi lorsqu’ils commandent quelque chose qui pourrait réduire les heures d’oraison mentale ou de contemplation. Prop. 1. Pour se livrer à l’oraison, il faut laisser toutes les autres obligations, même les devoirs d'état. L’oraison doit être préférée à l’audition de la messe, même un jour de fête. Prop.