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ROIS (LIVRES I ET II DES). VALEUR HISTORIQUE


prises, à l’un ou l’autre texte des Livres de Samuel, Jer., ii, 37 et II Reg., xiii, 19 ; Jer., xv, 1 et I Reg., vii, 5-9 ; xii, 19-23. L’antique tradition conservée dans les titres de quelques psaumes emprunte aux Livres de Samuel l’indication de la circonstance pour laquelle tel psaume a été composé ; ainsi en est-il pour les psaumes attribués au temps de la persécution de Saùl, vu ; xxxin (Vulg., et ainsi des autres) ; li ; lui ; lv ; lvi ; lviii : xcii ; pour celui qui marque l’apogée de David, xvii ; pour un autre rapporté à la guerre syro-édomite, lix ; pour celui du repentir du roi David, après son péché avec Bethsabée et le meurtre d’Urie, l ; pour deux autres enfin ayant trait à la fuite devant Absalom, iii, lxii. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlvi, 13xlvii, 11, dans son éloge de Samuel, Nathan et David, se réfère continuellement au texte de nos deux livres. NotreSeigneur lui-même, dans sa réponse aux Pharisiens reprochant à ses disciples de violer le sabbat, leur dit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David, pressé par la faim, lui et ses compagnons… ? » Matth., xii, 3, 4. L'épisode auquel il fait allusion rappelle la fuite de David devant Saiil. irrité contre lui, et son arrivée à Nobé, où, exténué de fatigue et de faim, il reçoit du grand-prêtre Achimélech du pain consacré que seuls les prêtres pouvaient consommer. I Reg., xxi, 2-7.

Le Livre des Juges qu’on oppose parfois à celui de Samuel non seulement ne le contredit pas, mais encore l'éclairé et le complète. Pas de contradiction, en effet, au sujet de II Reg., v, 6, qui nous apprend que Jérusalem était encore au pouvoir des Jébuséens au temps de David, alors que Jud., i, 8 laisserait entendre que Jérusalem aurait été prise par les Hébreux dès les débuts de la conquête de Canaan. Ce dernier verset, selon la juste remarque du P. Lagrange, est tellement en opposition avec le reste de l’histoire biblique qu’il faut nécessairement le considérer comme une glose. On voit, en effet, dans Jos., xv, 03 et Jud., i, 21, que les Jébuséens continuaient d’habiter la ville après l’installation en Canaan ; et l’histoire du Lévite, racontée Jud., xix, 10-12, suppose encore cette situation. Cf. Dhorme, Les Livres de Samuel, p. 307. Pour ce qui est de la situation religieuse, les quatre premiers chapitres du I er Livre des Rois la représentent d’une manière tout à fait concordante avec celle des derniers chapitres du Livre des Juges ; le centre de l’unité religieuse est toujours le sanctuaire de Silo, dans la tribu d'Éphraïm, déjà célèbre au temps de Josué. Jos., xviii, 1. C’est à Silo que chaque année a lieu le pèlerinage des Israélites vers Jahvé comme à l'époque des Juges. Jud., xxi, 19. De même toute une partie de l’histoire racontée aux livres de Samuel s’explique par la présence des Philistins sur les frontières d’Israël, comme ils l'étaient au temps de Samson, qui toute sa vie fut en lutte contre eux, Jud., xm-xvi ; comme lui, Samuel doit faire face aux incursions de ces mêmes ennemis, I Reg., vu ; c’est pour en triompher que Jahvé, sous le symbole de l’arche, doit descendre au camp d’Israël ; c’est pour les repousser que Saùl est choisi comme roi ; David, enfin, traqué par son adversaire, cherchera un asile chez ces mêmes Philistins et c’est dans un dernier combat contre eux que Saùl trouvera la mort. I Reg., xxxi. Contre ces perpétuels envahisseurs David aura encore à se défendre. II Reg., v, 17-25. Cf. Dhorme, op. cit., p. 53.

Rapports avec l’histoire générale.

 Si l’histoire

générale n’offre pas ici comme pour les IIIe et IVe Livres des récits parallèles, elle n’est pas cependant sans projeter quelque lumière sur la période des débuts de la monarchie en Israël et sans mettre en relief la valeur des informations que nous donnent à son sujet les Livres de Samuel.

Le rôle prépondérant des Philistins, dont il vient

d'être question, au début et durant une longue partie de la période qui nous occupe, cadre fort bien avec ce que nous savons par ailleurs, surtout par les documents égyptiens et les fouilles récentes. Les « Peuples de la mer », c’est-à-dire des îles de la mer Egée et de l'île de Crète, finirent, après plusieurs tentatives, par s'établir définitivement en Canaan, malgré la victoire remportée sur eux par Ramsès III (1201-1169) ; les Philistins qui étaient du nombre des envahisseurs s’installaient le long de la côte depuis le promontoire du Carmel jusqu'à Gaza. Étaient-ils vassaux de l’Egypte ou avaientils sauvegardé leur indépendance, on ne sait ; ce qui est certain, c’est qu’ils étaient si bien chez eux dans cette région que, par une bizarrerie de l’histoire, c’est des Philistins, de ces incirconcis détestés d’Israël, que viendra à la Terre promise le nom de Palestine ou Philistie, par lequel les voyageurs grecs la désignaient déjà du temps d’Hérodote. Cf. Desnoyers, op. cit., 1. 1, p. 42. La décadence qui marque les règnes des successeurs de Ramsès III. aussi bien ceux de la XXe dynastie (120 11100) que ceux de la XXIe (1100-947), permit aux Philistins et aux autres peuplades égéennes, Zakkalas, Cretois, Pléthis, de consolider leur établissement en Canaan et d’assurer ainsi pendant de longues années leur supériorité sur les nouveaux envahisseurs, les Hébreux.

Ce n’est pourtant pas par le nombre qu’ils l’emportaient sur leurs rivaux, obligés qu’ils étaient de recourir a des mercenaires hébreux pour renforcer leur armée, I Reg., xiv, 21, c'était bien plutôt par la supériorité de leur civilisation, qui depuis longtemps florissait aux pays égéens dont ils étaient originaires. Leur armement était fort en avance sur celui des Hébreux ; comme les Cananéens ils ont des chars de guerre ; certains de leurs guerriers sont revêtus d’armures de bronze ou de fer, alors que, du temps de Saul, il n’y avait encore, chez leurs adversaires, que le roi qui le fût. I Reg., xvii, 3839. Pour s’assurer sans doute la fabrication exclusive des armes de fer, ils obligeaient au xi° siècle les Hébreux de la montagne d'Éphraïm à recourir à leurs artisans pour remettre en état leurs instruments agricoles. I Reg., xiii, 19-21.

Des traces de cette civilisation égéo-crétoise ont été retrouvées à Beisàn, la Bethsan de I Reg., xxxi, 10, où les Philistins déposèrent, dans le temple d’Astarté, les armes de Saùl et attachèrent aux murailles le cadavre de celui-ci. Les jarres funéraires et quelques pièces artistiques, colliers de perles, scarabées, figurines, mises au jour par les fouilles américaines entreprises dès 1921, sont attribuées non sans vraisemblance à une race nouvelle à ce moment en Palestine et dont la culture amalgame des influences égéo-eréloises et égyptiennes, fondues au creusetd’une indéniable originalité. Or, précisément, cette époque du xire siècle (à laquelle on attribue ces objets) est celle de l’introduction des Philistins en Palestine, ou plutôt celle du mouvement envahissant des Peuples de la mer. » Leur installation à Bethsan s’expliquerait de la manière suivante. « Tandis que Pavant-garde philistine, écrasée par Ramsès III sur la côte méridionale de la Palestine, implante ses épaves dans la région d’Ascalon, le gros de la coalition s'égaille à travers le pays, dompte les Cananéens moins cohérents et moins avantageusement armés et s’installe par groupes où sa fortune l’a conduit. Par la voie très propice que la plaine d’Esdrelon ouvrait devant ses redoutables chars de guerre, un des dans dispersés put aisément se glisser jusqu'à la vallée du Jourdain et, séduit par la position avantageuse de Beth-San = Beisân, la conquérir et s’y fixer. » Vincent, Les fouilles américaines de Beisân, dans Revue biblique, l923, pA40441. Bien plus, on y a trouvé, parmi de nombreux objets en terre cuite d’un sanctuaire, une série de maquettes modelées en forme de maisonnettes avec des