Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/687

Cette page n’a pas encore été corrigée
2787
2788
ROIS (LIVRES I ET II DES). VALEUR HISTORIQUE


habileté, niais aussi sans chercher, sous la pression fie ces exigences critiques qui nous rendent si injustement sévères à l'égard des histoires anciennes, à éviter ou à faire disparaître les divergences qui marquaient la différence d’origine de leurs renseignements. » Desnoyers, Histoire du peuple hébreu, t. ii, p. 74-75.

Autant, d’après l’exposé qui précède, apparaît avec certitude l’utilisation de documents par l’auteur des Livres de Samuel, autant la mise en œuvre de ces documents et leur reconstitution demeure incertaine. Il semble, toutefois, que l’hypothèse de quelques sources principales, dont les éléments sont tour à tour utilisés, répond d’une façon plus satisfaisante aux multiples données du problème des origines du livre. A condition de ne pas compromettre la véracité historique d’un livre inspiré, qui ne saurait se concilier avec des divergences allant jusqu'à la contradiction, rien n’empêche de s’y rallier.

La détermination de la date de rédaction et surtout de l'époque des documents, particulièrement importante au point de vue de la valeur historique, dispose d'éléments d’information plus précis et aboutit à des résultats plus certains.

3. Date.

Quelques allusions à la séparation des royaumes d’Israël et de Juda, IReg., xviii, 10 ; II Reg., ii, 7-9 ; iii, 10, et surtout I Reg., xxvii, 6 : « La ville de Siceleg appartient jusqu'à ce jour aux rois de Juda », indiquent assez clairement que le livre a été composé après le schisme des dix tribus. D’autre part, l’absence de toute désapprobation à l’endroit de la pluralité des sanctuaires, d’autant plus significative quand on la compare à l’attitude du rédacteur de III et IV Reg. en pareille matière, suppose un auteur écrivant antérieurement à la réforme de Josias, 621 ; l’absence également de toute allusion à l’exil assyrien après la chute de Samarie en 722 fait reporter antérieurement à cette date la composition du livre, conclusion que confirme la pureté relative de la langue à travers tout l’ouvrage. Malgré ces raisons, nombre de critiques prétendent retrouver dans la rédaction du livre la marque de l'école deutéronomistique ; quelques passages mêmes appartiendraient à l'époque postexilique.

Plus que l'époque de rédaction, ce qui importe c’est l'âge des principaux documents utilisés par le rédacteur. Or ici, quelles que soient les opinions sur l’histoire de la composition du livre, l’accord tend à s'établir de plus en plus sur la très haute antiquité de ces documents, qui auraient été rédigés à une époque contemporaine ou du moins très proche des événements rapportés et qui, de ce fait, se présentent comme l'œuvre de témoins du règne de David, consignant par écrit leurs témoignages sous le règne de Salomon. En effet, la relation des événements survenus au temps de David prouve par son contenu et d’une manière irréfutable qu’elle provient de cette époque même, son auteur étant parfaitement au courant de tout ce qui se passe à la cour, aussi bien du caractère que des intrigues des différents personnages ; elle ne saurait être reportée au delà du règne de Salomon. Cf. Mever, Die Isræliten und ihre Nachbarstàmme, 1900, p. 185-180. De tels documents sont de toute première valeur, selon la remarque d’un autre critique, Kittel, constituant une littérature historique vraiment étonnante pour ces temps reculés d’Israël, et dépassant de beaucoup tout Ce que l’ancien Orient nous a donné en matière d’histoire, aussi bien les sèches annales officielles des 1 ! ahyloniens et des Assyriens, que les récits fabuleux de la

littéral lire populaire égyptienne ; c’est réellement de

l’histoire authentique. Cf. Meyer, ibid.

H ne saurait Être question, par contre, de dire quel

esl l’aiileur des Livres de Samuel, la divcrsil c des noms proposés et la longue période de I >avld à Bsdras durant laquelle s'échelonnent ces noms Indiquent assez le

manque de données solides pour résoudre le problème.

IV. Valeur historique.

Celle-ci s’impose tout d’abord comme la conséquence des remarques précédentes sur l'époque des documents qui sont à la base des Livres de Samuel ; elle s’impose non moins par la nature et le caractère de ces mêmes documents, par la comparaison avec d’autres livres de l’Ancien Testament et l’histoire des peuples voisins.

Nature et caractère des documents.

L’abondance

et la précision des détails, la finesse de touche dans la peinture des personnages, la sincérité dans l’aveu des fautes des héros mêmes de l’histoire sont autant de garanties de l’exactitude du récit. « La couleur locale y est très vive et le ton de la narration est d’une simplicité qui est un garant de véracité historique. Les auteurs n’ont pas cherché à atténuer la vérité pour faire l’apologie de leurs personnages : le péché d’Héli, les fautes de Saùl, les crimes de Joab, l’adultère de David, l’inceste d’Amnon, la révolte d’Absalom, tout est dépeint sans parti-pris de. flatter celui-ci ou celui-là. Aussi les critiques sont-ils d’accord à reconnaître une très haute portée historique à ces récits et il serait oiseux de chercher à réfuter des systèmes aussi exagérés que ceux de Winckler et de Jérémias qui voient partout l’influence des mythes astraux, ou de Jensen qui reconnaît dans les épisodes les plus naturels des succédanés de l'épopée de Gilgamès… Nous avons là des documents uniques pour la reconstitution des événements qui ont motivé et suivi l’un des faits les plus importants de l’histoire d’Israël, l'établissement de la royauté. » Dhorme, op. cit., p. 9.

Des difficultés soulevées contre lavéracité des Livres de Samuel, quelques-unes ont déjà été examinées à propos de l’origine des doubles récits comme ceux de la présentation de David à la cour royale, de l’institution de la monarchie, ou du rejet de Saùl ; d’autres ne compromettent pas davantage cette véracité ; le détail de leur exposé et de leur discussion relève du commentaire. Retenons seulement que plusieurs données numériques, certainement fausses ou tout au moins douteuses, proviennent, les unes d’altération du texte, comme c’est le cas pour les 50 000 hommes de Bethsamès frappés pour avoir porté leurs regards sur l’arche de Jahvé, I Reg., vi, 19, ou l'âge de Saûl, un an, lorsqu’il devint roi, 1 Reg., xiii, 1 ; d’autres, de quelque méprise ou surestimation que l’interprétation peut ramener à de plus justes proportions. Ainsi, à propos du recensement ordonné par David, il apparaît que le nombre total des guerriers, 1300 000, supposant une population globale de cinq à six millions d’habitants, déliasse la réalité ; on s’en rapprocherait peut-être, si, au lieu d’entendre le mot éléph dans le sens ordinaire de mille, on y voyait la désignation d’un contingent militaire n’ayant qu’un rapport plus ou moins étroit avec la valeur exacte de mille hommes. Ainsi, au lieu des 800 000 hommes de guerre pour Israël, faudrait-il lire 800 bataillons. On sait d’ailleurs combien l’exagération était de mise, de la part des gouvernements sémitiques anciens en pareille matière. Cf. Dcsnoycrs, Histoire du peuple hébreu, t. II, p. 250, n. 1.

Contre la vérité historique de tels documents rien à conclure non plus des traits miraculeux quc présentent certains récits, comme ceux de l’enfance de Samuel, de l’institut ion de la royauté ou de la vie dj David, dont la vérité est contestée pour des raisons étrangères à la critique.

2° Comparaison des Livres de Samuel avec d’autres livres de l’Ancien Testament et même du Nouveau, — Elle montre le crédil dont ces livres ou leurs sources jouissaient auprès (les ailleurs inspirés. Livres des Rois cl Livres des Paralipomènes surtout renferment des passages reproduits à peu près textuellement de ceux de Samuel. Déjà.lérémie fait allusion, à plusieurs re-