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ROIS (LIVRES I ET II DES ORIGINE

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mann sur la théorie des deux sources (cf. supra), non moins que l’ouvrage de P. Volz et W. Rudolph, Der Elohist als Erzâhler, ein Irrweg der Penlalcuchkritik, 1933, invitent à la réserve et en donnent le droit. Die Bûcher Samuel, 1936, p. 4-16.

c) Discussion de certains arguments. — L’exégèse traditionnelle n’accepte pas d’ailleurs comme doublets tous les passages invoqués à l’appui de la thèse de la pluralité des sources, surtout quand la véracité historique risque de n'être pas suffisamment sauvegardée.

Au sujet, par exemple, des deux récits de la présentation de David au roi Saiil, d’abord comme joueur de harpe, I Reg., xvi, 14-23, puis comme vainqueur de Goliath, xvii, nombreuses ont été les explications proposées pour échapper à la difficulté que pose l’ignorance de Saiil au sujet de la personne de David après sa victoire sur le géant philistin, xvii, 55-56, alors qu’il avait pris en affection ce même David venu à sa cour et qu’il en avait fait son écuyer. xvi, 21. « Le roi, remarquet-on, connaissait suffisamment le berger de Bethléem pour l’attacher à sa personne en qualité d'écuyer et de musicien ; mais le courage de David l'étonné et fait qu’il s’intéresse davantage à lui ; de plus, ayant promis sa fille au vainqueur de Goliath, il désire des informations plus précises sur la parenté de celui qui peut devenir son gendre, et c’est pour ce motif qu’il charge Abner de s’en occuper… Nous n’avons donc ici aucune contradiction réelle. » Vigoureux, Les Livres saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. iv, 1902, p. 490-498. D’autres cherchent la solution de la difficulté dans la reconstitution du texte primitif qui serait représenté non pas par l’hébreu massorétique mais par le grec des Septante, tel du moins qu’il figure dans le Vaticanus où manquent précisément les versets qui font difficulté, xvii, 12-31 et xvii, 55-xvin, 5. Cf. Peters, Beilrâge zur Text-und Literarkritik sowie zur Erklârung der Bûcher Samuel, 1899, p. 58. A noter que VAlexandrinus et la recension de Lucien ont un texte conforme à celui de l’hébreu. Pour le P. de Hummelauer, autre encore est la solution du problème : xvi, 23, marque la fin de l’histoire de Saiil, tandis que xvii, 1, est le commencement d’un nouveau récit, l’histoire de David ; la juxtaposition de deux récits originairement indépendants explique l’incohérence du texte actuel. Op. cit., p. 13, 184-185. Schlôgl, op. cit., p. 113, se rallie à une solution analogue. Il est certain que l’explication la plus naturelle est celle qui suppose deux sources juxtaposées et non coordonnées. Que ces deux sources se retrouvent dans tout le cours du livre, c’est ce qui n’apparaît pas aussi nettement.

Pour un autre exemple non moins discuté, les explications proposées sans le recours à l’hypothèse des doublets sont plus satisfaisantes. Il s’agit de l'établissement de la royauté en Israël. Les causes qui sont à l’origine de cet établissement ne s’excluent pas ; elles sont exposées dans deux récits, d’une part, I Reg., vin ; x, 17 ; xii ; et d’autre part, ix, 1-10, 16 ; xi ; xiii ; xiv ; xv : âge de Samuel, indignité de ses fils, jalousie à l’endroit des peuples voisins qui ont un roi à leur tête, danger philistin ont été tour à tour envisagés pour répondre à la complexité de la situation historique.

Il n’y aurait pas davantage de contradiction dans la double attitude observée vis-à-vis de la royauté. Son établissement rentrait, en effet, dans le plan divin et désirer un roi n’avait en soi rien de coupable ; seuls les motifs qui étaient à l’origine de ce désir étaient répréhensibles : mépris de Jahvé, le roi invisible de son peuple, ingratitude envers la providence divine, manque de confiance en Jahvé ; ce sont ces motifs qui encourent la réprobation divine ; mais, puisque la royauté avait sa place marquée dans le plan divin, Dieu ordonne d’accéder au désir du peuple, tout en laissant entendre que cette institution de la royauté

pourrait bien tourner au détriment de ce peuple au cou raide. Schlôgl, in hoc loco.

Les deux récits du rejet de Saiil, I Reg., xiii, 8-14, et xv, 10-26, n’imposent pas non plus l’hypothèse de deux sources différentes. La première désobéissance de Saiil n'était pas sans excuse, la crainte de voir son armée s'évanouir le pressait d’offrir l’holocauste avant la rencontre avec les Philistins sans attendre Samuel qui n'était pas arrivé au terme fixé ; aussi la sentence de condamnation n’est en somme qu’une menace dont l’exécution peut être plus ou moins différée. La seconde désobéissance au contraire est impardonnable, aussi la sentence est cette fois sans appel et définitive : « Parce que tu as rejeté l’ordre de Jahvé, il te rejette aussi comme roi sur Israël. » I Reg., xv, 23. D’autres voient dans l'épisode du c. xiii le rejet de la famille et dans celui du c. xv le rejet de la personne même de Saùl. Leimbach, op. cit., p. 14-15.

Parmi les auteurs catholiques modernes, historiens ou exégètes de l’Ancien Testament, il ne manque pas cependant de partisans d’hypothèses qui admettent l’existence de deux ou trois sources principales et continues dans les Livres de Samuel. Sans parler de P. Dhorme, déjà cité, on peut mentionner J. Schàfers dans une étude sur les quinze premiers chapitres du 1. I de Samuel, Biblische Zeilschrift, 1907, p. 1, 126, 235, 359 ; Sehulz dans son commentaire, Die Bûcher Samuel, 1919-1920, et surtout dans son étude intitulée Erzâhlungskunst in den Samuelbûchcrn (Biblische Zeitfragen) 1923, où il distingue plusieurs séries de récits, deux entre autres, M (Mizpa) et Gi (Gilgal) qu’il placerait volontiers, l’un dans les derniers temps de David, l’autre à l'époque de Salomon. « A la base des Livres des Juges et de Samuel, note un récent historien de la religion d’Israël, sont deux documents de peu de temps postérieurs aux événements qu’ils racontent, remontant peut-être au temps de David pour ce qui concerne la période des Juges, au ixe ou à la fin du Xe siècle pour ce qui regarde les origines de la royauté. De bonne heure es documents ont été fondus par de premiers rédacteurs en une histoire plus suivie de chaque période. Après la découverte du Deutéronome et avant la fin du viie siècle, de nouveaux rédacteurs ont repris ce travail et interprété l’histoire ancienne d’après les principes posés dans le Code nouvellement divulgué. » Touzard, dans J. Bricout, Où en est l’histoire dea religions ? t. ii, 1911, p. 38, n. 1. Un des récents historiens catholiques de David croit également trouver dans la pluralité des sources dont les traces se discernent tout au long des Livres de Samuel la meilleure explication de leur origine. La vie et les aventures du roi d’Israël, suppose-t-il, auraient donné lieu à toute une littérature, qui dut être très vaste, à en juger par le nombre des fragments que la Bible nous en a conserves. « Dans la mesure où la réalité en matière si difficile peut encore être découverte, on ne se tromperait sans doute guère en supposant que les documents originaux de cette littérature se répartissent en quatre groupes : un prophétique et un sacerdotal, où l’aspect religieux prédomine avec les nuances particulières aux deux grandes écoles des prophètes et des prêtres ; un judéen et un israélite où les auteurs, sans perdre de vue non plus la grande part prise par Yahwè dans la destinée de David, se sont davantage appliqués à raconter par le détail les origines, les aventures, l'œuvre militaire et la vie privée de leur héros… Quand les rédacteurs inspirés de nos Livres de Samuel et des Chroniques entreprirent de raconter à leur tour l’histoire du fils de Jessé, ils puisèrent abondamment dans ces diverses sources, et d’autant plus que la vie tout entière de ce roi très saint et très aimé portait en elle-même les leçons les plus salutaires. Ce qu’ils en tirèrent, en puisant tantôt d’un côté et tantôt de l’autre, ils le combinèrent non sans