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ROHRBACHER (RENÉ-FRANÇOIS]
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anglais, par l’abbé Brown-Barris, anglican converti, à Londres ; en italien, par G. Tcglio.

Deux grandes idées on', dirigé l’auteur dans la composition de son Histoire : elles sont indiquées dans l'épigraphe placée en tête, de l’ouvrage et sont empruntées, l’une à saint Épiphane, Adv. Ivrr.. I. I, t. i, n. 5, P. G., t. xi.i, col. 181 : 'Ap/7] Tcàvffov èrmv yj xaOoXixv) xal àylot 'ExxXvjaîa. « Le commencement de toutes choses est l'Église catholique », et l’autre à saint Ambroise, lnps.xL, n. 30, P. L., t. xiv, col. 1082 : Ubi Pelrus, ibi Ecclesia.

Hohrbacher avait d’abord pensé commencer son récit en partant de Jésus-Christ, avec l’intention de montrer dans une introduction que cette histoire remontait à l’origine du monde. Cependant l’abus que Lamennais faisait du terme vague d'Église primitive lui fit modifier son plan, et ce qui devait être seulement indiqué dans une introduction devint l’objet capital. « Comme l'Église catholique elle-même, je crus devoir embrasser tous les siècles dans son histoire, à partir de la création du monde. » C’est le trait distinctif de cette Histoire : « Le monde et l’homme créés dans le Verbe ; l’homme placé dans l'état surnaturel, déclru, mais racheté et rendu à sa destination béatifique ; Adam et les patriarches, Moïse, les prophètes, Jésus-Christ et les apôtres, les papes, les saints et les docteurs ; le Christ promis, figuré, préparé, incarné, crucifié, continué dans une société qui existait d’ailleurs dès l’origine du monde et qui ne finira qu’au dernier jugement ; toutes les nations ayant leur rôle terrestre subordonné à la mission catholique de cette Église ; toutes les doctrines, toutes les vertus, toutes les grandeurs trouvant dans cette société leur principe, leur modèle, leur préparation ou leur sanction ; l’humanité enfin sous tous ses aspects surnaturels, allant d’une éternité à l’autre. » Hist. univ., éd. Fèvre, t. i, p. 61.

La seconde idée directrice de l’Histoire universelle est apologétique : l’exaltation de l'Église et des papes. L. Veuillot l’a exprimée dans cette phrase typique : « Il nous a restitué le pape dans l’histoire », et ce point de vue a été accentué dans son édition par Mgr Fèvre qui a trouvé l’auteur trop timide encore malgré sa hardiesse dans ses efforts pour « nous rendre le pape ». Hist. univ., éd. Fèvre, t. i, Avant-propos, p. vi. Cet ultramontanisme est celui de Lacordaire, de Lamennais, de Montalembert, du cardinal Gousset, de l’Avenir. Il est né d’une réaction contre le gallicanisme qu’une union trop étroite entre le trône et l’autel, sous la Restauration, avait revigoré. L'Église était retombée sous la tutelle dont l’avait affranchie la Révolution. Mais le danger d’une réaction est souvent de dépasser les bornes. Rohrbacher rejette le droit divin du pouvoir royal et son absolutisme, son caractère d’inamissiblité ; par contre, il exalte la papauté, surtout les grands papes du Moyen Age méconnus par l’histoire officielle. « Comment voulez-vous, disaient Rohrbacher et ses illustres amis, que nous croyions à l’immutabilité du pouvoir dans un pays qui fait une révolution chaque quinze ans, et que nous nous enchaînions à cette doctrine quand personne n’y croit plus, pas même les rois qui, presque tous, ont. accepté des charles restrictives ? Mais nous serions dans le monde les seuls tenants de l’absolut is nie, avec quelques Russes arriérés de Moscou, les ulémas de Conslaulinoplc. H cinq ou six vieux abonnés de la Quotidienne ! Laissez donc l'Église se mouvoir au grand soleil de la liberté, sous l’autorité affranchie du seul chef qui ail mission de Dieu pour la gouverner. » Card. Mathieu, Discours de réception à l’Académie Stanislas, Nancꝟ. 188 :, , p, 26. Aussi Rohrbacher s’en prend-il avec une incroyable dureté non seulement aux idées, mais à leurs représen tanis. Bossuel ne trouve pas grâce devanl lui. Fleury esi sa bêle noire : Il l’attaque i oui au long de son Histoire.

Ces deux idées maîtresses ont largement influencé toute la composition de l’Histoire universelle. Il ne faut pas y voir une étude critique, comme on la ferait de nos jours : une telle œuvre serait d’ailleurs au-dessus des forces d’un seul homme. Rohrbacher a peu recouru aux sources ; il a utilisé, et largement, les travaux de ses devanciers ; il a épuisé l’historien allemand Stolberg ; « il se borne souvent à coudre bout à bout des fragments d’auteurs contemporains ». Introduction de Mgr Fèvre, p. x. Cela explique les inégalités du style, qui se montre trop souvent âpre et parfois sauvage, incorrect, à côté de pages éloquentes ; souvent aussi l’originalité des expressions était voulue.

On peut lui reprocher en outre sa manie de prophétiser, sa franchise trop rude, sa sévérité outrée contre certains grands personnages (Bossuet), ses rapprochements bizarres et artificiels entre le passé et le présent. Ces défauts laissent subsister un certain nombre de qualités : l’unité du plan qui développe la destinée de la cité de Dieu sur la terre ; sa thèse de la primauté de Pierre s’exerçant à travers les âges ; l’exposé du dogme et la réfutation des hérésies ; l’analyse et la critique des auteurs, jugés d’après les principes de ses précédents ouvrages. Ce sont ces qualités qui expliquent son succès dans le monde ecclésiastique du xixe siècle et spécia’ement dans les chaires des réfectoires des grands séminaires.

Files ne peuvent cependant suppléer au manque complet de critique et faire de l’Histoire universelle un ouvrage historique auquel on puisse se reporter en toute sécurité. Dans sa brochure sur l’Enseignement de l’histoire ecclésiastique, Mgr Douais signalait 1' « insuffisance des histoires générales de Rohrbacher et de Darras, qui, parce qu’elles furent écrites dans un sens anti-gallican, parurent combler toutes les lacunes, mais dont le succès a été considéré à l'étranger comme la preuve la plus significative de la décadence des études historiques au sein du clergé français. » Cité par de Smedt, Principes de la critique historique, 1883, p. 286.

Les critiques des contemporains portèrent particulièrement sur les doctrines contenues dans l’Histoire universelle, reflet de celles qui se trouvaient exposées dans les premiers ouvrages de Rohrbacher. Elles se firent jour dès la publication des premiers volumes. Le 24 juin 1845, l’Ami de la religion, qui avait d’abord été favorable à l’Histoire universelle, reproduisaitun article de sévère critique paru l’année précédente dans le Journal historique et littéraire de Liège ; l’abbé Justarnond publiait des Observations critiques sur l’Histoire universelle de l'Église catholique de M. l’abbé Rohrbacher, Orange, 1817 ; l’abbé Caillau s'élevait contre Rohrbacher dans la Bibliographie catholique ; l’abbé de La Couture donnait un volume d’Observations sur le décret de la Congrégation de l’Index du 27 septembre 1851 et sur les doctrines de quelques écrivains ; un Mémoire, clandestin adressé à l'épiscopat français renouvelait les attaques de Caillau.

On reprochait notamment à l’auteur d’accorder aux genlils une connaissance du vrai Dieu plus grande que ni leur en accordent les Pères et les théologiens, de faire remonter l'Église catholique aux origines de l’humanité, de voir dans cette Église plus de démocratie quc n’y en voit Bellarmin, de supposer à la souveraine ! é temporelle une origine démocratique, contrairement à l’enseignement traditionnel, et de la subordonner à l'Église sur d’autres points que celui de la conscience, de ne reconnaître pour la certitude rationnel le que le sens commun à l’exclusion des autres moyens de certitude.

Rohrbacher répondit à ces diverses attaques : dans une lettre à l’Ami de. ta religion du 1 I juin 1815 (Hist. univ., I. i. p. 110-1 16), où il revient sur les questions de la certitude, « le la nature et de la grâce, (Us limites