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IUIWLDA. THÉORIE DE L’ACTE H<>
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maiius accomplies avant ta foi. Ripalda lui-même présente sa théorie avec circonspection comme une nouveauté discutable et l'évêque d’Hipponc aurait anathémalisé ceux (le ses contemporains cpii n’auraient pas accepté <le s’y ranger ? N’est-ce pas de la plus haute invraisemblance ?

D’ailleurs ce cpie rejette Augustin, ce n’est pas seulement l’existence, mais le concept même cpie s'étaient forgé les pélagiens de l’acte sleriliter bonus. S’ils avaient déjà tort à ses yeux d’appeler bons des actes <|iii ne contribuent pas positivement au salut, à plus forte raison les jugeait-il i épréhensibles de faire passeces actes pour dignes de la vie éternelle. D’après l’enseignement de la foi, tout ce qui ne mène pas au royaume de Dieu est passible de condamnation au jugement dernier. Quelque louables qu’elles soient du point de vue humain, les vertus païennes, chrétiennement parlant, ne peuvent donc aboutir qu'à une réprobation et c’est une hérésie que de leur destiner pour récompense, comme le fait Julien, une béatitude plus ou moins semblable à celle des élus.

On le voit, la controverse entre l'évêque d’Hipponc et ses adversaires ne portait pas sur la légitimité du concept moderne d’acte moralement bon qui, lui, ne mérite pas le ciel et aboutit même à une damnation, mais sur l’orthodoxie du concept pélagien d’acte stérilement bon qui, sans être surnaturel, rendrait pourtant digne d’un sort équivalent à un salut, imparfait sans doute, mais réel. La doctrine opposée à Julien sur ce point par son contradicteur n’offre par suite aucun appui ni à la doctrine janséniste, ni à la thèse de Ripalda, Augustin n’exprimant ici sa pensée qu’au sujet des actions moralement bonnes, au sens pélagien de l’expression, essentiellement différent du nôtre, et ne le condamnant que pour la négation du péché originel qui y était impliquée.

Ces graves objections que suscite sa thèse n’ont pas complètement échappé à Ripalda. Deux surtout lui ont paru mériter discussion. La première provient d’une proposition de Baïus condamnée par l'Église. Pris à la lettre, l’enseignement qui résulte de cette condamnation semble prêter au pape Pie V une doctrine contradictoire de celle du concile d’Orange et fait ainsi ressortir à l'évidence combien le point de vue des théologiens du xvie siècle, dans la controverse des actes moralement bons, différait de celui des contemporains de saint Augustin. Sans la grâce, proclamait le magistère contre Cassien et ses disciples, tout est mensonge et péché. C’est une erreur, affirme contre Baïus le même magistère, de croire que sans la grâce la liberté est enchaînée au péché. Ripalda, nous l’avons vii, se réclame de la première de ces deux assertions dogmatiques et la commente ainsi : puisque la grâce intervient dans chacune de nos œuvres honnêtes, n’est-ce pas qu’en réalité Dieu élève à l’ordre surnaturel tous les actes conformes à la loi morale que, même déchues, nos facultés peuvent produire par leurs propres forces ? Mais cette paraphrase, difficile à mettre d’accord avec le sens général de la querelle pélagienne. n’est-elle pas plus inconciliable encore avec le second principe opposé plus tard par l'Église au baïanisme et qui semble reconnaître implicitement l’existence effective d’actions moralement bonnes non surnaturalisées'? Abandonnés aux seules ressources de leur libre arbitre, affirme-t-il, les lils d’Adam ne pèchent pas nécessairement en tout ce qu’ils font. Donc, est-il permis de conclure, il leur arrive portais de hien agir sans l’aide d’aucune grâce, c’est-à-dire de manière humainement honnête.

Toutefois la rigueur de cette dédud Lan es i plus apparente que réelle. Ripalda en fait 1res justement la remarque : dans le cas présent comme en tout autre du même genre, le magistère n’avait pour but que de

redresser une erreur. Or, le tort principal de Baïus n'élait-il pas de prétendre que le péché originel nous avait ôté le pouvoir de pratiquer la moindre vertu ? En sens opposé. Pie V affirme donc sans plus que même sans aucune aide gratuite de Dieu, le bien purement moral nous reste accessible. Se trouve-t-il en fait des vies où cette sorte de bien ait une place quelconque avant ou après la foi ? Il appartient aux théologiens d'élucider cette question étrangère aux controverses baïanistes, l’Kglise n’ayant, dans les circonstances données, aucune raison de la trancher. Voir disp. XX, sect. vi, n. 28 ; sect. xxi, n. 99.

La seconde objection soulevée au nom de la tradiI ion dogmatique contre Ripalda semble beaucoup plus embarrassante pour lui. Nous l’avons déjà signalée. L’enseignement commun des docteurs ayant toujours considéré la foi comme l’origine première du salut, n’est-ce pas y déroger que d’ouvrir aux âmes l’entrée du monde surnaturel avant que le message explicite du Christ ne leur soit parvenu ? Pour échapper à cette très sérieuse difficulté, l’auteur du De ente supernalnrali n’a le choix, semble-t-il, qu’entre l’une ou l’autre de ces deux voies : ou bien contester l’universalité et la rigueur du principe dont on s’arme contre lui ; ou bien en accepter matériellement la formule, mais lui chercher un sens qui mette l’accès de la foi à portée de tous les esprits et de toutes les bonnes volontés. C’est sur cette seconde route qu’il s’est engagé, en élaborant sa célèbre théorie de la fides late dicta.

Logiquement a-t-il été amené à sa doctrine de la foi large par son opinion sur le caractère surnaturel de tous les actes bons, adoptant celle-là pour défendre celle-ci contre une difficulté gênante ; ou est-ce au contraire sa conviction que la certitude rationnelle de l’existence d’un Dieu créateur et rémunérateur suffit à ouvrir à l’homme la porte du mérite et de la justification, qui l’a conduit à agréger à l’ordre surnaturel tout usage de la liberté conforme à la loi morale, il importe peu de le savoir et on aurait peine à en décider. En tout cas, c’est d’une même préoccupation de son esprit que sont nées ces deux thèses étroitement connexes, du souci que nous indiquions précédemment, de mettre d’accord la gratuité de la grâce et la volonté salvifique de Dieu. Dieu serait en défaut, assure-t-il, si, nous ayant fixé la vision béatifique pour fin exclusive et obligatoire, il permettait que, sans aucune faute de notre part, nous demeurions, ne fût-ce qu’un jour ou une heure de notre vie, complètement dépourvus des moyens de tendre à elle ; à plus forte raison si notre existence entière s'écoulait sans qu’ils aient jamais été mis à notre disposition. Or. au nombre de ces moyens se rangent en tout premier lieu la grâce et la foi. Mais la foi stricte, assentiment à la révélation fondé sur l’autorité divine, ne paraissant pas accessible à une portion considérable du genre humain, la Providence n’eût pas été équitable d’en faire la condition primordiale du salut. La foi faute de laquelle ici-bas, au dire de l'Écriture et des Pères, toute activité libre est vaine et toute vie vouée à la damnation, doit donc s’entendre d’une connaissance des perfections divines acquise par les seules lumières de la raison, quoique physiquement élevée à l’ordre surnaturel par une motion extraordinaire, dont le concours est incessamment offert à toute volonté bien disposée. Ainsi, d’après Ripalda, se résoudrait facilement l’angoissant problème du salut des infidèles qui perdraient dans ces conditions tout droit d’incriminer Dieu de leur imposer, sous menace de peine éternelle, un devoir qu’il ne les mettrait pas à même de remplir.

Que vaut cet le théorie ? Pour en juger en véritable connaissance de cause il faudrait l’exposer plus en détail, analyser et critique ! chacun des arguments d'Écriture et de Tradition dont son auteur l’a étayée.