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    1. QUIÉTISME##


QUIÉTISME. LES MESS ALI E N S

I 5 S

prière continuelle l’unique moyen de salut, à l’exclusion de toute autre ouvre, même de la réception des sacrements. On les appelait aussi messaliens ou massaliens, d’un mot syriaque qui signifie « ceux qui prient ». Ils étaient aussi connus aux v et vie siècles sous les noms d’enthousiastes, èv60uŒiotCTaC et de choreutes, yopsuTat « danseurs », parce que dans leurs frémissements mystiques, sorte de délire sacré, ils sautaient et dansaient.

Les origines de cette secte sont obscures. Cf. art. Euchites, t. v, col. 1454-1465. Nés en Mésopotamie, dans les environs d’Édesse, les euchites se répandirent, vers la (in du rve siècle, en Syrie et dans les provinces de l’Asie Mineure. Quelques moines subirent leur influence. Sous prétexte de prier sans discontinuer, ils s’avisèrent, contrairement aux traditions monastiques, de supprimer le travail des mains et de demander leur nourriture à la seule charité des fidèles. Cf. saint Nil, De paupertale, 21, P. C, t. lxxix, col. 997.

On trouvera les références aux ouvrages des historiens ecclésiastiques anciens, Théodoret de Cyr, Timothée de Constantinople et saint Jean Damascène, rapportant les erreurs des euchites, dans l’article cité, col. 1454-1456. Le P. de Guibert, S. J., a reproduit tous les textes de ces historiens, concernant les euchites, dans ses Documenta ccclesiastica christiame perfectionis sludium speclanlia, Rome, 1931, n. 78-88, p. 15 sq.

Dom L. Villecourt, La date et l’origine des Homélies spirituelles attribuées à Macaire, dans Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. i, 1920, p. 250-258, et dom A. Wilmart, L’origine véritable des homélies pneumatiques, dans la Revue d’ascétique et de mystique, t. i, 1920, 361-377, estiment que les cinquante Homélies spirituelles, attribuées à Macaire l’Égyptien, sont un ouvrage de provenance messalicnne. Voir ici l’art. Messaliens, t. x, col. 792-795.

Les euchites ont émis des erreurs sur l’Écriture sainte, l’immutabilité divine, la Trinité, Jésus-Christ, le péché originel, la prière, l’état d’impassibilité ou à7TOt8ei.a.

On ne parlera ici que de leurs tendances quiétistes. Elles procèdent de deux faux principes : la corruption foncière, substantielle de la nature humaine déchue et l’efficacité exagérée, attribuée à la prière perpétuelle, et qui jette l’âme dans Vapatheia.

Les euchites enseignent que le mal constitue la nature humaine, depuis le péché originel. A la naissance d’un enfant, disent-ils, un démon s’unit à lui substantiellement et le porte bientôt à commettre des actes obscènes. Timothée, prop. 1 ; Théodoret, prop. 3. Satan habite ainsi avec l’homme, uni en quelque sorte hy postât iquement à lui, èvu7ro<TT<xTa>< ;. Satan et les démons ont en leur possession la nature humaine ; celle-ci est en communauté étroite avec les esprits mauvais, xoivwvixy) èati tcov 7rv£Ufj.âTcov v ?)ç 7rov7)ptocç. Saint Jean Damascène, prop. 1, 2.

Comment délivrer l’homme de cette emprise essentielle du démon ? Cette délivrance ne s’opère pas par le baptême. Ce sacrement peut bien remettre les péchés, mais il est impuissant à chasser les démons de l’âme et à en arracher les racines du péché qui, depuis la chute originelle, « font partie de la substance de l’homme ». Théodoret, 1, 4 ; Timothée, 2 ; S. Jean I).. I, 5. Même après la réception du baptême, l’homme est dans une masse de péché. S. Jean D., 5. Seule la prière perpétuelle, èvSsXe/T.ç 7rpoæoy_Y), peut arracher les racines du péché qui demeurent dans le baptisé et chasser le démon qui s’est uni à lui dès sa naissance. Théodoret, 2, 1 ; Timothée, 3 ; S. Jean l>., I. 6.

Cette prière continuelle, que les messaliens comprennent mal d’ailleurs, est Incompatible avec le tra vail des mains. C’est pourquoi, celui-ci était considéré par ces hérétiques comme une chose honteuse, pSeXupov, tout a lait indigne tics hommes spirituels qu’ils prétendaient être. Théodoret, (> ; Timothée, 13. Toutes les aumônes devaient être pour eux, de préférence aux pauvres et aux malheureux. Eux seuls étaient les « vrais pauvres en esprit ». Timothée, 15. C’est contre ces prétentions si opposées a la tradition chrétienne que saint Nil fulminait du haut du mont Sinaï. Refuser ainsi de travailler et abuser de la charité des fidèles était un crime. De paupertale, 21, P. G., t. lxxix, col. 997. C’était aussi grave paresse, car les messaliens, sous prétexte de prier sans cesse, dormaient une grande partie du jour. Théodoret, 6.

Les erreurs les plus graves de ces hérétiques se rapportent à l’efficacité complètement anormale qu’ils attribuent à cette prière continuelle. Cette prière, et elle seule, arrache les racines du péché qui sont dans la substance de l’homme et expulse le démon qui habite en lui depuis sa naissance. Le démon est expulsé par le mucus des narines et par la salive de celui qui prie continuellement. Il s’enfuit sous forme de fumée ou de serpent. Théodoret, 2, 5 ; Timothée, 3. Mais ce n’est là que le côté négatif de la transformation opérée dans l’âme par la prière continuelle. Les effets positifs sont ceux du quiétisme le plus accentué ; c’est l’état d’impassibilité, àirâôeioc.

Le faux mysticisme est presque toujours à tendances panthéistes et sensuelles. Identifier l’âme humaine avec Dieu est en effet le meilleur moyen de lui enlever toute responsabilité morale quand elle suit ses passions. Les messaliens enseignaient que l’homme, délivré par la prière continuelle des racines du péché et du démon, arrive à l’impassibilité. Il est envahi par l’Esprit-Saint, qui s’unit à lui par des liens rappelant ceux des rapports conjugaux des époux. Timothée, 3, 4 ; S. Jean D., 7, 8. La personne même de l’Esprit-Saint est perçue par l’âme d’une manière sensible. L’âme ne peut douter de sa présence en elle. S. Jean D., 17. Bien plus, l’âme est transformée en la nature divine et immortelle, p.STa6àXXe-rca eîç tt)v 0e[av xo’.i. àxTjpa-rov çrja’.v. Timothée, 11. Dans cet état, l’homme voit la Trinité des yeux du corps, il connaît les pensées les plus secrètes des autres. Théodoret, 8 ; Timothée, 5. Il est parfois dans une sorte de délire sacré. Théodoret, 10, 11 ; Timothée, 10.

Les conséquences les plus immorales étaient déduites de cette fausse mystique. Arrivée à l’impassibi lité, telle que la comprennent les messaliens, l’âme a atteint la suprême perfection morale, c’est-à-dire l’impeccabilité. Elle n’a plus besoin de s’instruire ni de discipliner son corps. Celui-ci ne peut plus entraîner au mal. Il est délivré de la tyrannie des passions. Timothée, 9. Aussi, celui qui est arrive à l’impassibilité ainsi comprise peut se livrer aux actes sensuels et au libertinage sans commettre aucune faute. Il lui est permis désormais de s’laisser aller. Timothée, 16.

Cette impassibilité messalienne est en grande partie différente de celle des anciens stoïciens. L’impassibilité stoïcienne est un état où la racine des passions aurait été arrachée de l’âme humaine, afin que celle < i dcvînl insensible aux tentations. Conception chinic rique sans doute, mais qui ne conduit pas nécessai rement aux conséquences immorales de l’impassibilité des messaliens. BUepeut y conduire cependant et favoriser le quiétisme. Celui qui se croira arrivé a l’impassibilité, à cet état sans passion, estimera souvent inutile tout effort pour maintenir le corps dans le devoir. Nous voilà dans le quiétisme I C’est ainsi que les messaliens v sont tombés, l.a vraie spiritualité se tient dans un juste milieu : in medio stat Veritas. Si elle dévie à droite ou à gauche, on arrive aussitôt à des conséquences erronées et Funestes, les doctrines spirituelles ont