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RICHARD UE SAI NTVICT OR. APPRÉCIATION

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les Pères proclament d’une seule voix, et qui soutient vrai ce que jamais aucun saint n’a énoncé ! — Mais, disent-ils encore, si la substance du Fils est engendrée, et celle du Père inengendrée, comment n’est-elle qu’une seule et même substance en l’un et l’autre ? — Oui, certes, la substance du Fils est engendrée, la substance du Père est inengendrée, la substance non engendrée n’est pas engendrée, la substance engendrée n’est pas non engendrée. Mais il ne s’ensuit pas qu’il y ait autre et autre substance ; il s’ensuit simplement qu’il y a autre et autre personne… Je ne saisis pas, dites-vous, je ne comprends pas. Eh bien ! ce que vous ne pouvez saisir par l’intelligence, vous pouvez ie croire par la foi… Comprenez-vous par l’intelligence ou démontrez-vous par des exemples qu’il peut y avoir unité de substance dans une pluralité de personnes, ou pluralité de personnes dans une unité de substance ? L’intelligence humaine est-elle plus dépassée par ce que vous niez opiniâtrement que par ce que vous affirmez dans la même foi que nous ?… Si vous êtes également incapables d’expliquer ces deux mystères, pourquoi croyez-vous l’un sur la parole des saints Pères et ne croyez-vous pas également l’autre sur leur parole ? Or, si à bon droit on croit aux saints Pères, la personne du Père n’est pas autre chose que la substance inengendrée et la personne du Fils n’est pas autre chose que la substance engendrée. » Col. 986 sq.

Nous avons cité ce passage, parce qu’il est caractéristique pour la position théologique et pour la manière de polémiser de Richard, mais aussi parce que vraisemblablement il vise Pierre Lombard.

Richard termine le De Trinilnte en donnant deux exemples qu’il estime susceptibles de jeter quelque lumière sur le mystère d’un seul Dieu en trois personnes. Premier exemple : Un homme, par son labeur intellectuel, acquiert la science et l’enseigne ensuite à un autre. Ces deux hommes possèdent essentiellement la même science, le premier l’a par lui-même, le second l’a reçue du premier. Il en est de même pour la sagesse divine, le Père l’a par lui-même, le Fils l’a du Père, tous deux possèdent la même sagesse qui est identique à la substance divine. Col. 988 sq. — Deuxième exemple : Un homme acquiert la science qu’il enseigne à un autre, lequel la fixe par écrit. Un troisième lit cet écrit du second et de ce chef acquiert la science. Ces trois hommes possèdent la même science, le premier l’a par lui-même ; le second l’a du premier et le troisième l' a du premier et du second. C’est ainsi que, dans la Trinité, le Père a la sagesse divine par lui-même, le Fils l’a du Père et le Saint-Esprit l’a du Père et du Fils. Chacune des trois personnes possède la même sagesse, identique à la substance divine, mais chacune la possède d’une manière différente. Col. 989 sq.

IV. Appréciation.

1° La démonstration de la Trinité. — L’ensemble du De Trinilale nous montre que Richard, comme Anselme de Cantorbéry, veut saisir et pénétrer par le raisonnement ce que l'Église nous propose de croire. Sa foi cherche à comprendre, elle peut être dite quærens intellecium. Richard est convaincu que, sans une foi ferme, il est impossible de parvenirà l’intelligence des vérités qui dépassent la raison et que cette intelligence n’esl pleinement réalisée que par la connaissance des « raisons nécessaires « des vérités révélées. La prêt eut ion de Richard de donner des raisons nécessaires de la trinité des personnes dans l’unité de la substance divine lui a valu bien des critiques. Pohle lui a reproché « de se vanter d’une manière suspecte en prétendant avoir trouvé des raisons de nécessité [jour la Trinité ». Dogmatik, t. i, 4° édit., p. 321. Pour Thiébaul Ileitz, Richard exagère la capacité de l’intelligence humaine en lui attribuant la faculté de scruter la raison d’clre du plus Ineffable des mystères. Il croit que notre Victorin a été entraîné à

cette exagération sous l’influence de l’Aréop agite, de Scol Érigène et d’Abélard. Thiébaut Heitz, Les rapports entre ta philosophie et la foi, de Bérenger de Tours, 't saint Thomas, Paris, 1909, p. 80 sq.

Pour arriver à une juste appréciation de la position théologique de Richard, on doit tenir compte du fait que tout son raisonnement spéculatif repose sur les données de la foi. A plusieurs reprises, il rappelle la parole du prophète : Nisi crediderilis, non intelligelis. Cf. Is., vii, 9. Ce n’est donc pas indépendamment de la foi qu’il veut trouver les raisons nécessaires de ce que nous devons croire. En outre il souligne à plusieurs reprises le caractère mystérieux de la Trinité « qui ne saurait être exposée par aucun homme en termes adéquats ». Il réprouve énergiquement ceux qui entreprennent de la définir sans recourir aux enseignements des Pères « qui ont été instruits par le Saint-Esprit et qui ont enseigné avec son assistance ». Col. 965, 921. Sans doute, à bien des reprises, Richard a répété que sa démonstration de la pluralité des personnes et de la compatibilité de cette pluralité avec l’unité de substance est tellement claire qu’il faut être faible d’esprit pour ne pas en être convaincu. Col. 918, 929, 951, 978, 993. Mais il n’en demeure pas moins convaincu que la trinité des personnes dans l’unité de substance est incompréhensible, tout comme l’unité de substance dans la trinité des personnes. Il l’a dit à plusieurs reprises et tout particulièrement dans le long passage que nous avons cité à la fin de l’analyse du De Trinilale. Col. 986 sq. Si Richard était si convaincu du caractère mystérieux de la Trinité, que voulait-il donc avec ses « démonstrations » ? Il nous l’apprend au début du traité : « Les vérités de foi, explique-t-il, sont au-dessus de la raison, mais semblent parfois lui être contraires. C’est pourquoi elles exigent une très profonde et très subtile pénétration. » Col. 891. De cette remarque il ressort que les démonstrations de Richard tendraient avant tout à nous faire voir que le dogme trinitaire, tout en dépassant la raison, ne lui est pas contraire, que l’article de foi enseignant un seul Dieu en trois personnes n’implique aucune contradiction. Sans doute Richard a été trop loin en essayant d'établir spéculativement la trinité des personnes divines, mais son but primordial qui était de montrer la concevabilité rationnelle de la Trinité était correct et dans la ligne de toute saine théologie. Il se peut, comme l’a noté Grabmann après le P. de Régnon, que ce soit le tempérament mystique de Richard qui parfois l’ait entraîné au delà des bornes d’un sage raisonnement. M. Grabmann, Gesehichle der scholastischen Méthode, Fribourg-cn-B., t. ii, p. 317 ; Th. de Régnon, Étude de théologie positive sur la Trinité, t. ii, p. 235 sq.

C’est encore un fait digne de remarque que la prétention de Richard de trouver des raisons nécessaires à la Trinité n’a provoqué aucun blâme formel de la part des grands scolastiques. Dans les questions disputées De veritate, q. xiv, a. 9, ad L »  », saint Thomas approuve Richard pour avoir dit (col. 894) que tout ce qui doit être cru doit avoir des raisons nécessaires, bien que celles-ci soient parfois inaccessibles à notre entendement. Dans la Somme théologique, Thomas d’Aquin cite le même passage de Richard sans le blâmer, tout en déclarant non recevable la preuve de l’existence de plusieurs personnes en Dieu ex plenitudine bonitatis et felicilalis, proposée par le Victorin. Sum. theol., I q. xxxii, a. 1, ad 2um. Mathieu d’Aquasparta cite lui aussi le passage de Richard concernant les raisons nécessaires des ait icles de la foi ; il fait sienne la distinction entre les vérités qui concernent Dieu dans son être — celles qui font l’objet du De Trinilale

— et celles qui se rapportent à son activité ad extra

— celles que Richard a exclues de son traité. Pour les premières, Mathieu admet l’existence de raisons néces-