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    1. RICHARD DE SAINT-VICTOR##


RICHARD DE SAINT-VICTOR. DOCTRINE

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mier ne peut être en aucune manière inférieure à celle qui possède le second. Cette conclusion est encore corroborée par le fait qu’en Dieu la communication de l’amour est opération de nature et non de grâce. Col. 965. Il n’y a donc en Dieu qu’un seul amour substantiel, qui diffère uniquement par les propriétés de personnes. Col. 966. Sur cette doctrine des processions, cf. T.-L. Penido, Gloses sur la procession d’amour dans Ephem. iheol. Loran., 1937, p. 48 sq.

Livre VI. — Le 1. VI est consacré à l'étude des différences des processions du Fils et du Saint-Esprit.

La nature de l’homme créé à l’image de Dieu peut nous fournir quelques indications sur la nature divine et sur les différences des processions. Col. 967. La procréation d’un homme par son père ressemble à la procession de la seconde personne divine, car dans les deux cas nous avons « une personne procédant immédiatement d’une autre personne par l’opération de la nature ». Col. 968. Pour des raisons inhérentes à sa nature, la première personne divine a voulu produire de soi un consubstantiel ; elle a donc voulu engendrer. Bien qu’en Dieu il n’y ait pas de sexe, les termes de Père et de Fils désignent convenablement les deux termes de la génération divine. Col. 970. La troisième personne divine procède, elle aussi, de la première, mais si le Père a engendré le Fils, c’est pour communiquer à un égal la plénitude de son amour ; il a voulu un condignus, tandis que, si le Père a voulu une troisième personne qui lui soit égale, c’est pour la faire participer aux trésors de l’amour qui lui est témoigné par le Fils. C’est donc un condileclus que le Père a voulu avoir par la procession de la troisième personne. Il est clair que, dans l’ordre logique (non dans l’ordre temporel qui n’existe pas en Dieu), la procession du condignus est antérieure à celle du condileclus. C’est donc la procession du condignus qui a le premier rang ; c’est pourquoi celui-ci est appelé le Fils. La procession du condileclus ne venant qu’en deuxième ligne, celui-ci ne saurait être appelé le Fils de la première personne. Le condileclus n’est pas le Fils de la seconde personne, bien qu’il procède d’elle d’une manière immédiate, car il procède du Père de la même manière. Le Fils procède du Père immédiate et principaliler ; le Saint-Esprit procède du Père immédiate mais non principaliter. Dans la nature humaine, il n’y a aucune analogie à la procession du Saint-Esprit ; c’est pour cette raison qu’elle ne peut être désignée par aucun terme qui lui soit propre. Le Père et le Fils sont tous deux « esprits » et « saints » ; si le vocable Saint-Esprit est réservé à la troisième personne, c’est parce que celle-ci étant le commun amour du Père et du Fils rend saints les esprits des hommes en les faisant participer à cet amour. Col. 974.

Dans la Trinité, le Fils, tout comme le Père, possède la plénitude de la divinité et la communique, tandis que le Saint-Esprit reçoit cette plénitude sans la communiquer. Possédant chacune la plénitude de la divinité, les trois personnes sont intérieurement égales, mais extérieurement différentes : le Père et le Fils donnant la divinité, le Saint-Esprit la recevant sans la donner. Or comme le terme Image se dit d’une ressemblance plutôt extérieure, le Fils seul, parce qu’il donne la divinité comme le Père, est l' Image de celui-ci ; ne donnant pas la divinité, le Saint-Esprit ne saurait être l’image du Père. Col. 975.

Le Fils est appelé le Verbe de Dieu, parce que c’est par lui que la sagesse divine est manifestée. Existant par lui-même, le Père ne saurait être le Verbe d’un autre. Le Verbe ne pouvant être verbe (parole) que d’un seul, le Saint-Esprit qui procède de deux personnes ne peut être appelé le Verbe. Col. 976. Toutefois, comme personne divine, le Saint-Esprit perçoit la parole interne de Dieu et peut contribuer à la faire

connaître aux hommes, selon la parole de l'Évangile : quæcumque audiet, loquetur. Joa., xvi, 13.

Étant la plénitude de l’amour, le Saint-Esprit, quand il est donné aux hommes, les remplit de l’amour qu’ils doivent à Dieu. Par cet amour, les hommes deviennent semblables au Saint-Esprit, qui n’a que l’amour dû. Ils ne deviennent pas semblables au Père qui n’a que l’amour gratuit, ni au Fils qui a l’amour gratuit comme l’amour dû. C’est parce qu’il se rend les hommes semblables en les remplissant de l’amour dû à Dieu quand il leur est donné, que le Saint-Esprit est appelé le Don. Col. 978.

La puissance, la sagesse et la bonté qui se trouvent dans le monde, sont une image de la Trinité. La puissance, au sens ontologique du terme, c’est-à-dire la puissance d'être, existe partout où il y a un être ; la sagesse, par contre, n’existe que là où il y a la puissance d'être, et la bonté ne saurait être que là où la puissance et la sagesse se trouvent. Ne dépendant de rien d’autre, la puissance désigne la première personne divine, qui n’existe par aucune autre ; la sagesse, qui suppose la puissance, représente la seconde personne divine, qui tire son origine de la première ; enfin la bonté, qui ne saurait exister sans la puissance et la sagesse, représente la troisième personne divine qui procède des deux autres. Il convient donc pour ces raisons d’attribuer dans la Trinité au Père la puissance, au Fils la sagesse, au Saint-Esprit la bonté. Col. 979 sq.'

Dans ce qui suit, Richard donne d’autres arguments pour démontrer que seul le Fils est l’image du Père. Si le Fils est l’image du Père, explique-t-il, ce n’est pas parce qu’il possède la même substance divine que lui : il ne saurait y avoir d’image « sans mutuelle convenance, jointe à quelques différences ». Or, la substance divine, qui est numériquement une, exclut la convenance qui est impossible sans une dualité ; sa simplicité rend aussi toute différence impossible. Dans la Trinité, la raison d’image ne peut donc se trouver que dans les propriétés des personnes : « il est commun aux trois personnes, note Richard, de posséder la plénitude de la divinité ; c’est le propre du Père de ne pas recevoir et de donner ; c’est le propre du Fils de recevoir et de donner ; il y a donc convenance par rapport à donner et différence par rapport à recevoir. » Col. 984.

C’est du fait de la similitude de volonté que le Fils peut être dit figure de la substance du Père : « de même que le Père veut avoir une personne qui procède de lui pour pouvoir lui communiquer les délices de l’amour qui lui revient, ainsi le Fils veut en tout de même. » Col. 986. Mais comment le Fils peut-il être la figure de la substance du Père, puisqu’ils possèdent tous deux une seule et même substance ? A cette objection, Richard répond que le terme « figure de la substance du Père » équivaut à celui de « figure de la substance inengendrée », ou encore à celui de « figure de la personne inengendrée », la personne du Père étant la substance inengendrée, celle du Fils la substance engendrée. « Mais, de notre temps, continue Richard, beaucoup ont surgi qui n’osent pas dire cela… qui osent le nier contre l’autorité des Pères, contre de si nombreux témoignages de la tradition. Ils s’efforcent même de le réfuter. D’aucune façon ils ne concèdent que la substance engendre la substance ou que la sagesse engendre la sagesse ; ils nient opiniâtrement ce que les saints affirment et, en faveur de leur propre position, ils ne peuvent alléguer aucune autorité. Qu’ils citent, s’ils le peuvent, je ne dis pas plusieurs, mais une seule autorité qui nie que la substance engendre la substance. Mais, disent-ils, il faut interpréter les Pères. Les Pères affirment bien que la substance engendre la substance, mais nous les expliquons dans le sens que la substance n’engendre pas la substance. Explication vraiment fidèle et digne de respect, qui prétend faux ce que tous