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RICHARD DISAINT-VICfOR. DOCTRINE


Richard termine son argumintation en disant que l’explication qu’il vient de donner doit suffire aux àmes pieuses, une pénétration plus profonde de ce mvstcre étant irréalisable durant la vie terrestre. Col. 943.

A la fin de ce quatrième livre, Richard expose quelques considérations concernant la définition de la personne. Celle que donne Boèce : Pcrsona rat ralionalis naturx individuel substantiel ne lui semble pas heureuse, la Trinité étant substance individuelle, mais non une personne. Pour notre Victorin, la personne divine doit être définie : naturæ divime incommunicabilis existentiel, la définition de Boèce ne pouvant valoir que pour la personne humaine. Col. 945. Il aurait mieux valu, pour la bonne marche de son exposé, que Richard plaçât ces considérations au début du t. IV, quand il discutait les rapports de la substance et de la personne. Du reste, le prieur de Saint-Victor eut peu de succès avec ses critiques et ses suggestions concernant la définition de la personne. Saint Thomas les note en passant, mais s’en tient à la définition de Roèce. Sum. iheoL, I a, q. xx, a. 3, ad 4um.

Livre V : Des processions divines. — Ayant établi au quatrième livre que les personnes divines ne diffèrent que par leur mode d’existence, Richard se propose au 1. V de préciser ce mode d’existence, c’est-à-dire le mode d’origine des personnes divines, afin que « sur ce point aussi, nous puissions saisir et démontrer par la raison la certitude de ce que nous tenons par la foi ». Col. 949.

D’après Richard, les arguments qui, au premier livre, ont démontré l’existence d’unesubstance a semetipsa, valent aussi pour prouver qu’une des personnes divines existe nécessairement par elle-même et non par une autre. Si aucune personne divine n’existait par elle-même, expose notre auteur, si chacune d’elle existait par une autre, leur nombre irait nécessairement à l’Infini, car, en ce cas, il n’y aurait dans la divinité aucun « principe d’origine ». Col. 950. Ce principe d’origine étant nécessaire dans la divinité comme dans le monde des êtres finis, une des personnes divines doit nécessairement exister par elle-même, d’où il suit qu’elle est l’essence suprême et la puissance suprême, et que tout être, toute puissance, toute existence, toute personne, humaine, angélique et divine, lui est redevable de son existence. Étant l’origine de toute chose, la personne divine existant par elle-même est nécessairement unique. Col. 951.

Si le mode d’existence a semetipso est incommunicable, celui d’existence ab edio peut être commun à plusieurs. Il n’est donc pas inconcevable qu’en Dieu une personne existe par elle-même, et deux par d’autres qu’elles et de toute éternité, la seconde tirant son origine de la première seule, et la troisième de la première et de la seconde. Col. 982.

Toutes les personnes humaines procèdent d’autres personnes humaines d’une manière immédiate, par rapport à ceux qui les ont procréées, et d’une manière médiate par rapport aux ascendants de leurs parents. Col. 952. Dans la divinité, la perfection de la personne qui est par elle même exige la procession d’une seconde personne divine et la perfection de chacune de ces deux personnes rend nécessaire la procession d’une troisième personne divine, ainsi qu’il fut démontré au 1. III. Col. 951..Mais en Dieu, aucune procession médiate n’est possible ; la seconde et la troisième personne divine, pour posséder la plénitude de la sagesse, doivent chacune voir sans intermédiaire la personne qui est par elle-même. Or. si l’une d’elle procédait de cette personne d’une manière médiate, il lui serait impossible de la voir directement, ce qui la mettrait dans l’impossibilité de posséder la plénitude de la sagesse, donc de posséder la substance divine elle même. Col. 956. Si en Dieu il existait une quatrième personne, elle devrait procéder des trois autres d’une manière immédiate, car si elle ne procédait de l’une ou de l’autre que d’une manière médiate, elle ne pourrait la voir sans intermédiaire, ce qui est incompatible avec la possession et la plénitude de la sagesse. Il en serait de même s’il existait en Dieu une cinquième ou une sixième personne et ainsi de suite in infinitum. Si la troisième personne divine procédait de la première sans procéder aussi de la seconde, elle ne pourrait voir cette dernière sans intermédiaire, ce qui est incompatible avec la possession de la plénitude de la sagesse, avec la possession de la substance suprême. Col. 956.

C’est ainsi qu’en Dieu une seule personne, la seconde, procède d’une seule autre ; une seule personne, la troisième, procède des deux autres ; une seule personne, la première, ne procède d’aucune autre. Col. 957.

Les personnes divines étant au nombre de trois, une seule d’entre elles, la troisième, ne possède pas la procession active, aucune autre personne divine ne procédant d’elle ; une seule, la première, de laquelle procèdent la seconde et la troisième, n’a pas la procession passive, car elle ne procède d’aucune autre. Une seule, la seconde, a la procession active comme la procession passive, la troisième personne procédant d’elle et elle-même procédant de la première. Col. 957. Il y a donc dans la trinité trois « distinctions de propriétés », qui sont incommunicables : la personne sans procession passive, existant par elle-même, étant nécessairement unique, de même celle de laquelle aucune autre ne procède, ce qui implique l’unicité de celle qui a la procession active comme la procession passive. Ces trois « distinctions de propriétés » établissent dans la Trinité une très belle proportion ; une seule personne donne sans recevoir, une seule personne reçoit sans donner, une seule personne donne et reçoit. La beauté de cette proportion serait irrémédiablement faussée si la Trinité devait être conçue d’une autre manière. Col. 959 sq. Richard termine son argumentation en remarquant qu’il faut être simple d’esprit, idiota, pour ne pas saisir le bien-fondé de son exposé. Col. 961.

Seule, une personne qui possède la substance souveraine peut jouir de la plénitude de l’amour. Or, l’amour est gratuit, quand il s’adresse à une personne de laquelle il n’a reçu aucun don ; il est dû, quand il répond à l’amour gratuit ; enfin il est mixte, quand il se donne gratuitement tout en répondant à l’amour gratuit. Col. 961. Dans la Trinité, la personne qui existe par elle-même pratique l’amour gratuit envers les deux autres, la personne qui n’a pas la procession active, rend aux deux autres la plénitude de l’amour dû ; mais comme nulle autre personne ne procède d’elle, elle ne peut exercer l’amour gratuit dans sa plénitude. Col. 962. En liii, la personne qui procède activement et passivement pratique l’amour gratuit comme l’amour dû ; elle possède donc l’amour mixte. Col. 963. C’est ainsi que l’amour suprême est possédé de trois manières différentes, par trois propriétés, tout en étant substantiellement une seule et même dilection. En Dieu, l’amour étant identique à la substance, chaque personne divine possède le même amour divin comme elle possède la même substance divine « selon la différence de sa propriété personnelle », c’est-à-dire selon la différence de son mode d’origine. Col. 963. Chaque personne divine peut donc être dite « l’amour suprême, distinct uniquement selon la différence des propriétés ». Les différcnces de propriétés ne pouvant être qu’au nombre de trois, trois personnes divines seulement peuvent posséder l’amour divin dans sa plénitude. Jbid.

L’amour du étant la plénitude de l’amour divin comme l’amour gratuit, la personne qui possède le pre-