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REVIVISCENCE DES PÊCHES

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1234. Toutefois, dans la seconde partie de cette dissertation (IV a pars, col. 1232), Gratien envisage plus spécialement le cas d’une rémission complète du péché pardonné, qui permettrait au pénitent converti d’entrer au ciel s’il mourait en cet état de grâce recouvré, mais qui revivra secundum præscientiam, précisément parce que la mort ne se produira pas en de telles conditions, ("est plutôt la question de la persévérance finale et de la prédestination in libro vilee qui est ici agitée, c. ix-xii.

Enfin, dans la cinquième partie, Gratien envisage l’opinion négative : les péchés pardonnes ne revivent pas. En faveur de cette solution, il invoque l’autorité de saint Grégoire — en réalité il s’agit d’un texte de la Glose ordinaire sur Ex., c. xxxiv, 7, partiellement reproduit de saint Grégoire, Moralium, t. XV, C. xxii (lisez c. li, n. 57, P. L., t. lxxvi, col. 1110 C) — et de saint Prosper : Qui [enim ] recedil a Christo et alienus a gratia finit liane vitam, quid nisi in perditionem cadit ? Scd non in id quod remissum est recidit, nec in originali peccalo damnabitur, qui (amen propler postremacrimina, ea morle afjlcietur, quæ ei propler Ma quæ remissa sunt debebatur, Responsiones ad capitula objeetionum Gallorum, part. I, c. ii, P. L., t. li, col. 158 B. Gratien fait observer que la fin de ce texte semble contredire le début. Friedberg, col. 1230. La sixième partie renferme la conclusion de Gratien : l’opinion négative lui paraît favorabilior, tant en raison des autorités sur lesquelles elle s’appuie, que des arguments qui en démontrent le bien-fondé avec une raison « plus évidente ». Ici., c. c. Les autorités invoquées sont Ez., xviii, 24, avec le commentaire qu’en fait saint Grégoire, In Ezech., t. I, homil. xi, n. 21, P. L., t. lxxvi, col. 914 BC ; cf. homil. iv, n. 10, col. 820 D ; II Pet., ii, 20 ; Heb., vi, l ; Os., vii, 13 sq. Col. 1236-1237. La septième et dernière partie explique en quel sens les enfants sont parfois dits être punis pour les péchés de leurs pères, Osée, vii, 2, et utilise principalement le commentaire de saint Jérôme sur Osée, (ou plus exactement la Glose ordinaire). Col. 1237-1238. Cf. S. Jérôme, Comment, in Oseam prophelam, t. II, c. vii, P. L., t. xxv, col. 915-916.

c) Gandulphe de Bologne est partisan de l’opinion négative, mais d’une façon plus nette que Gratien et surtout que Pierre Lombard. Sur l’antériorité de Pierre Lombard par rapport à Gandulphe, voir J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, p. 191-213, et ici, t. vi, col. 1148. Voici l’analyse qu’en donne le même auteur, La reviviscence des péchés pardonnes, dans Nouvelle revue théologique, 1909, p. 406 : « Dans le chapitre de la reviviscence, [Gandulphe] commence par l'énoncé de la question : An peccata dimissa redeant ? Éd. J. von Waltcr, p. 497. Il expose d’abord la réponse affirmative qu’il nuance d’un videntur (redire) ; puis viennent à l’appui quelques autorités : un texte mis sur le compte cle Baban Maur, un de saint Grégoire, deux cle saint Augustin (voir ces textes ci-dessus dans l’exposé de Pierre Lombard). Deux lignes sont consacrées alors à l’interprétation de ces appuis patristiques, qu’il dérobe en conséquence à la thèse purement affirmative : « il ne peut être question de reviviscence que dans le sens d’ingratitude » ; un nouveau péché engendre une culpabilité d’ingratitude vis-à-vis de la rémission précédente : sed peccata redire dicunliir îdeo quia post remissionem peccando guis [il mis ingratitudinis remissionis peccatorum cuite dimissorum. Aussitôt il énonce l’avis : Quodpeccata non redevint plane Gregorius ostendit et, à la suite, s’alignent trois textes pour le prouver : Grégoire, Prosper et Grélase (voir ces textes ci dessus chez Gratien). Art. cit., p. 406.

d) Ognibene, évêque de Vérone († 1 157) se demande, lui aussi, si les péchés revivent, il hésite entre les

diverses solutions : Videndum est quid sit peccatum redire. Peccatum redit, id est, homo redil ad peccatum quod dimiseral ; vel peccatum redil, id est, pozna quæ dimissa erat, quæ debebatur pro peccalo Mo — non pro peccato Mo redit quod dimissum erat, sed pro eo quod postea commiltil — vel peccatum redit, id est, pro peccato quod dimissum erat puniatur, quia ad id vel consimile redil. Alii dicunl, quod nunquam redil in sensu Mo, quem dixi modo, nisi homo ad idem peccatum redeat, et si alia commiltil peccata, non propler hoc redil. Cité par Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 249, n. 13.

e) Boland Bandinelli, le futur Alexandre III, est moins dépendant du Décret que Gandulphe et Pierre Lombard. L’opinion favorable à la reviviscence s’appuie, d’après lui, sur la parabole du méchant serviteur, le Seigneur y déclarant : nunc autem quia non miserlus conservi tui, exigam a le universum debitum. S’il exige le débit intégral, il exigera donc aussi ce qui avait été remis. Elle s’appuie également sur Prov., xxvi, 11 (II Pet., ii, 22), commenté par saint Grégoire et sur Ps. xxxvii, 5, commenté par saint Augustin (?). Il semble que Roland se soit inspiré ici de Gratien, De pœnitentia, dist. IV, c. 24. L’opinion négative est surtout prouvée par un texte de Gélase, emprunté à Gratien, caus. XXIII, q. iv, c. 29 : semel in abolilione quæ dimissa sunt peccata, récidiva dolore non debent iterum reilerari, secundum imilationem divinæ clemenliæ quæ dimissa peccata non palitur in ullionem redire. Friedberg, col. 912. Dieu ne peut punir deux fois le même péché ; cf. Nahum, i, 9.

La solution de Roland est nette. Il faut distinguer dans le péché la coulpe et la peine. A aucun prix, il n’admet que le péché revive quant à la coulpe, hoc penitus inficimur. Mais une reviviscence quant à la peine, hoc manifeste concedimus. Toutefois cette peine, qui était due pour le péché remis, n’est due que pour le péché nouvellement commis. Et c’est en ce sens qu’il interprète la parabole du méchant serviteur, le texte de Prov., xxvi, 11 (II Pet., ii, 22) et le commentaire qu’en fait Grégoire, ainsi que le commentaire d’Augustin (?) sur Ps. xxxvii, 5. Cf. A.-M. Gietl, Die Sentenzen Rolands, Fribourg-en-B., 1891, p. 249-251.

/) La position catholique, à cette époque, semble bien résumée par Maître Bandin, Sententiarum, t. IV, dist. XXI : Solel eliam quæri ulrum peccata dimissa redeant iterum peccanti, qui pœniluit ? El dicimus quia ulrumque salva fide teneri potest. Utrique enim parti queestionis probali favent doctores, scilicel ut vel dimissa peccata redeanl, aliquo exislenle ingrato bmeficiis : quod evangetica parabola explicare videtur — vel ut non redeant : sed eorum loco toi sint ingratitudines, quoi peccata dimissa fueranl. Unde Augustinus : « Benedic, anima mea, Domino, et noli oblivisci omnes retribuliones ejus : quæ tôt sunt, quoi sunt remissiones ; lot ergo sunt et obliviones. » P. L., t. c.xcn, col. 1102 B. Cf. S. Augustin, In ps., en, n. 4, qui dit textuellement : Cogita ergo, anima, omnes retribuliones Dei, cogilando omnia mata facla tua ; quam mulla enim mala farta tua, tant multæ bonæ retribuliones ejus. P. L., t. xxxvii, col. 1318.

Appréciation.

Nous pouvons aujourd’hui nous

étonner de ces hésitations. Au xiie siècle, elles avaient leurs raisons d'être. La thèse de la reviviscence des péchés avait, en effet, un lien très intime avec le concept qu’on se faisait alors de la pénitence. Le P. de Ghellinck a bien résumé cet aspect de la question :

I.a définition de saint drégoire : Pœnitentia est pneterila muta jlerc et /tendit non commitlere ( In Evang., homil. xxxiv, n. 15, /'. L., t. lxxvi, col. 1256) et surtout la formule de saint Isidore de Séville : Inanis est pœnitentia quam sequens enlpn commaculat (Synonyma, i, n. 77, P. L., t. i.xxxiir, col. Sl.">i avaient traversé les siècles, détachées de l'œuvre qui les enchâssait et lisait leur portée. Au moment de la

codification plus systématique des donn-.cs patristiques ou