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REVIVISCENCE DES MERITES


vue des Jeunes, appendice ii, p. 415-418. Cf. Th. Deman, (). P., L’accroissement des vertus dans sain ! Thomas et dtms l'école thomiste, dans le Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t. i, col. lf>.'i.

b) Jean de Saint-Thomas. — Cet auteur accepte le principe thomiste fondamental : reviviscence des mérites dans un degré proportionné au degré de grâce qui accompagne le retour à la vie surnaturelle. Mais il distingue une double causalité dans les dispositions du pénitent. Non seulement elles appellent un certain degré de charité nouvelle, mais, dans cet le même mesure, elles exigent, en outre, la reviviscence de la charité perdue par le péché. « Le pénitent reçoit donc d’abord, selon la mesure de sa contrition, un degré de grâce présente correspondant à la causalité essentielle de ses nouvelles dispositions, puis il lui est en plus rendu un degré de grâce correspondant à la causalité essentielle, en tant qu’elle n’est pas seulement disposition positive à la nouvelle grâce, mais cause écartant l’obstacle du péché. Si, en dehors de ce degré de grâce, il en est d’autres qui n’ont pu être rendus à cause de la tiédeur des dispositions du pénitent, ils seront rendus, quant â la récompense essentielle, aussitôt que le pénitent arrivera à une ferveur plus grande, à tout le moins au dernier instant de la vie. » Cursus Iheoloqicus, t. ix, disp. XXXVI, a. 2. « Ainsi seraient à la fois sauvegardées la correspondance de la récompense essentielle avec la charité et la restitution des mérites une fois acquis. » Et. Hugueny, op. cit., p. 288 ; cf. II. Noble, op. cit., p. 417. Pour prendre un terme de comparaison matériel, supposons que le pécheur rentre dans l’amitié de Dieu avec un coefficient de ferveur égal à 8, ce coefficient de ferveur lui donnera 8 degrés de grâce en tant qu’effet des dispositions présentes, auxquels s’ajouteront 8 autres degrés de grâce, en tant qu’effet des mérites précédents, qui désormais peuvent agir, l’obstacle du péché étant levé. Si ce coefficient est inférieur au degré de la ferveur antérieure, l’action des mérites antérieurs, mortifiés puis revivifiés, pourra se faire sentir dans une proportion supérieure au fur et à mesure que s’amélioreront les dispositions du pénitent : et, tout au moins au dernier moment de la vie, le degré primitif de ferveur sera récupéré et, par conséquent, récupérée également toute la récompense essentielle.

c) Gonet. - - Comment expliquer cette nécessité morale de revenir au degré primitif de ferveur, tout au moins au dernier moment de la vie ? C’est ici que Gonet tout en reprenant substantiellement la thèse de Jean de Saint-Thomas, y ajoute une légère nuance de précision, fondée sur l’idée de la persistance d’un droit moral à l’intégrité île la récompense essentielle. Nuance subtile qui transparaît si peu dans le texte de Gonet, Clypeus, t. iii, tract, v, De ptenitenlia, disp. Vf, a. 2, n. 18-33, que certains auteurs pensent pouvoir la négliger et identifier les deux opinions. Cf. Galtier, op. cit., n. 507. « Gonet, distinguant dans le mérite le droit moral à la récompense du ciel et l’augmentation réelle et immédiate de la grâce sanctifiante, enseigne que le mérite n’obtient jamais d’augmentation de grâce sanctifiante, que dans la mesure permise par la ferveur croissante des dispositions du pénitent. Mais, en pins du degré de ses bonnes dispositions et du droit â la récompense qui correspond â cette grâce, il recouvre aussi une partie du droit moral qu’il avail à la récompense du ciel avant son péché. Cette pari es1 proportionnelle

à son degré de contrition, en sorte que, s’il se relève avec une charité moit ié moindre que sa charité d’avant le péché, il ne recouvrera que la moitié de sou droit

pour ses lionnes aci ions d’avant le péché. 1 1 recouvrera

le tOUt quand il sera remonté â son premier degré de ferveur. S’il arrive qu’il ne remonte jamais au degré de

charité correspondant au degré du droit moral recouvré par sa pénitence, il recevra, soit à l’heure de la mort, soit à celle de son entrée au ciel, une impulsion de grâce qui lui permettra de faire l’acte de charité plus fervent requis pour le degré de récompense essentielle dû â ses mérites recouvrés. » fît. Hugueny, op. cit., p. 288-289. Parmi les anciens théologiens auxquels se réfère Gonet, il faut citer Soto, Nufio, Alvarez, Ledesma. Hugon, op. cit., p. 560, déclare adhérer à l’opinion thomiste représentée par D. Soto, Gonet, Billuart. Il est difficile de retrouver l’opinion de Gonet dans l’exposé d’Hugon, qui paraît se rapprocher beaucoup plus de saint Thomas interprété par Capréolus, Cajétan et Billot.

d) D. Solo. Billuart. — Quant à Dominique Soto et à Billuart, il semble bien — tout au moins Billuart le réclame — qu’on doive leur faire une place encore à part. Pour D. Soto les mérites revivifiés ne retrouvent leur valeur totale qu’en celui qui, par la pénitence, récupère toute la grâce perdue par le péché. Mais si la pénitence reste en deçà de ce qu’il faut pour recouvrer l’intégralité de la grâce perdue, la valeur des mérites n’est restituée que dans une mesure proportionnelle à la restitution même de la grâce. Il n’est pas question, chez D. Soto, d’une reviviscence totale à l’article de la mort. In /V'"> Sent., dist. XVI, q. ii, a. 2. — Billuart déclare que cette explication « lui plaît assez », salis arridet. De særamento pasnitentiæ, dissert. III, a. 5, § 2. Mais lui, du moins, accepte explicitement que les actes « rémittents » méritent une augmentation de grâce, de charité et de gloire, non certes physiquement, mais moralement et que cette augmentation sera accordée au moment de l’entrée dans la gloire, l'âme produisant alors un acte d’extraordinaire ferveur. De charitate, dissert. II, a. 3.

En réalité, toutes ces opinions se ressemblent comme des sœurs. Les Salmanticenses les ont accueillies. Tract, xvi, de merilo, disp. V. Elles sont un moyen terme adopté pour combiner l’opinion de saint Thomas avec l’opinion des théologiens postérieurs au concile de Trente, thomistes nouvelle formule. Au moment même de la justification, les mérites revivent tous, mais ils n’ont actuellement et physiquement qu’une valeur de gloire proportionnée au degré de grâce récupérée : ainsi le principe fondamental du thomisme demeure sauf. Mais lesdits mérites ont, pour l’heure de l’entrée au ciel tout au moins, une valeur morale de gloire répondant au degré de grâce perdue précédemment par le péché.

Est-il besoin de faire observer que cette deuxième assertion, dont Gonet semble le père légitime, est toute gratuite ?

2° En dehors de l'école thomiste. — Ici encore il est utile de distinguer les anciens et les modernes, postérieurs au concile de Trente.

1. Les anciens théologiens.

Tous se tiennent dans des affirmations assez générales ou présentent une explication qui s’apparente à celle que nous avons proposée comme expression authentique de la pensée de saint Thomas. Elle se trouve indiquée déjà chez Alexandre de I lalès, Summa. part. IV, q. XII, menib. iv, a. (3. Albert le Grand, In / V'"" Seul., dist. XIV, a. 21, édition Beugnet, t. xxix, Paris, PI04, p. 443, ne touche que d’un mot la présente question : Opéra morlificala co modo quo morlua fuerunl, omnia vivificantur per pwnitenliam sequentem. Il est donc difficile de lui attribuer unv explication divergente de celle de saint Thomas, ainsi que le fait Chr. Pesch. Saint Bonavenlure n’est guère plus explicite dans son commentaire In /V", ".dist. XIV, part. II, a.2, q. 3. Même observât ion pour Pierre de Tarentaise, In /Y'"", dist. XXII, q. i, a. 1, ad 4°'", le problème n'étant abordé par lui qu’incidemment à propos de la reviviscence des péchés. Voir