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REVIVISCENCE DES MERITES


La controverse.

Le P. Hugueny a bien souligné

le côté faible de cette théorie, en apparence simple et facile. Premièrement, elle ne tient pas compte du caractère vital que doit présenter dans la vie surnaturelle de l’homme tout accroissement de grâce et de vertus : « Le progrès vital, surtout en fait de vie d’esprit, n’est pas une addition, et son résultat final ne s’estime pas comme un total, mais d’après l'état auquel, finalement, il a conduit le vivant. » La pénitence, t. t, p. 297 : cf. A. -A. Goupil, Les sacrements, t. iii, p. 67. Deuxièmement, cette théorie aboutirait, par son caractère quantitatif, à considérer « que la multitude des actes médiocres pût suppléer à leur infériorité en perfection. En ce cas, une vieille centenaire, qui aurait mené la vie la plus banale, avec pas mal de péchés mortels au cours de cette vie, pourrait être élevée en gloire au-dessus de sainte Agnès trop tôt martyrisée pour arriver à un aussi beau total de petits mérites. » Hugueny, op. cit., p. 296.

Suarez a répondu d’avance à cette seconde considération. La théorie de l’addition n’entraîne pas, comme conséquence, que la multitude des actes médiocres puisse suppléer à leur imperfection ; car si le chrétien, au lieu de pécher et de se relever sans cesse, avait perst tri dans la justke, sa vie spirituelle se serait Elevée à un niveau bien supérieur. Op. cit., disp. II, sect. ii, n. 21. A quoi l’on peut répondre que cette considération vaut sans doute pour le même sujet ; mais quille perd toute sa valeur si l’on compare deux sujets différents, l’un additionnant au cours d’une longue vie de multiples petits accroissements de vie surnaturelle, l’autre empêché d’en faire autant par une mort prématurée.

Ce qui différencie fondamentalement l’explication de saint Thomas et celle de Suarez, c’est donc ceci : dans la première, on pose comme condition de l’accroissement de grâce l’acte de charité plus intense ; dans la seconde, cette condition n’existe pas. Et c’est sur ce point précis que porte toute l’offensive des suaréziens. Trois arguments sont invoqués : 1. Preuve tirée du concile de Trente, sess. vi, c. xvi : » A la promesse de la vie éternelle, le concile ne pose que cette condition : 5*178 meurent dans la grâce de Dieu. Or. à l’augmentation de la grâce, il n’a posé ni cette condition, ni aucune autre : mais bien plutôt, au canon 2 1 (et 32) il a défini, que la grâce de Dieu est augmentée par les bonnes œuvres… 2. Preuve tirée du silence de l'Écriture, des Pères et des conciles… 3. On pourrait enfin demander en quoi consiste cette prétendue condition qui devrait être ajoutée à la promesse divine… > Suarez, De gratia, t. IX, e. xxiii, édit. Vives, t. i.. p. -17.">.

En ce qui concerne le concile de Trente — le seul argument qui mérite d'être ici retenu - on peut répondre avec Jannssens : « Le concile a voulu condamner l’erreur de Luther, sans entrer dans des précisions, ni indiquer quel acte est requis pour l’accroissement de grâce ou quand cet accroissement doit se produire. » De gratia, p. 497. Et Billot : Re enim vera, ex Tridentino nihil, neque pro, neque contra. De sacramentis, t. n (1922), p. 109-110. Voir aussi A. d’Alès, De sacramento pœnitentise, th.xii, p. 161 sq. ; Hugueny, La penitence, t. i, p. 285, etc.

La véritable raison pour laquelle les théologiens modernes ont, en grand nombre, adopté l’opinion suarézienne, c’est celle que nous avons déjà fait pressentir et qui deviendra plus évidente encore au paragraphe suivant : il semble à ces théologiens impossible de prouver le fait de la reviviscence des mérites sans aller jusqu'à ce qui leur paraît la conséquence logique de ce fait, la restitution totale de leur valeur au point de vue de la récompense. Or, cela implique qu'à chaque mérite nouveau correspond une valeur nouvelle de grâce et, dans l’autre vie, de gloire : « Mérite, grâce et

gloire se correspondent. Si les mérites revivent dans leur plénitude et conduisent à la gloire correspondante, il en résulte nécessairement que, dans la justification, la grâce méritée par les bonnes œuvres, mais perdue par le péché, est rendue au même degré qu’auparavant. » N. Gihr, Les sacrements, trad. franc., t. iii, p. 270-271. Nous verrons plus loin qu’une telle parité ne s’impose pas.

Au point de vue de la vie spirituelle, l’opinion de saint Thomas, plus sévère, semble plus sûre, la seule sûre : « Si nous considérons la chose pratiquement, écrit Hillot, le meilleur avis qu’on puisse donner est de diriger la vie spirituelle conformément aux principes de cette opinion qui sans aucun doute est encore la plus sûre, dans l’hypothèse où toutes les autres opinions pourraient être défendues… Il faut craindre, en elïet, que les richesses spirituelles que ces autres opinions nous distribuent si libéralement ne s'évanouissent en fin de compte au jour de la rétribution et que la parole du psalmiste n’ait alors son application : « Ils « ont dormi leur sommeil et tous les hommes de richesses « n’ont rien trouvé dans leurs mains, o De gratia, p. 280. Cf. De sacramentis, t. n (1922), p. 120-121.

4° L’autorité du pape Pic XL A l’occasion du

jubilé de 192.".. S. S. le pape Lie XI a publié la bulle Injinita Dei misericordia, dans laquelle les partisans de l’opinion de Suarez ont cru trouver un argument décisif en leur faveur. La controverse étant entrée dans nos manuels, cf. Hugon, Traclalus dogmalici, t. iii, ]). 564, il est nécessaire de la résumer. Le texte invoqué est ci lui-ci :

Çhiu unique cnini ps nitciuli apostclk.' Ssdis salutaiii jussa, jubilseo magno vertente, perficiunt, iidem, tum casu, quam peccando amiserant, meritorum donorumque copiam ex

in rEGRO REPARANT At ; RECIPIUNT, tu ni de asperrimo Sa fana 1 dominatu sic eximuntur ut libertatem répétant, * qua Christus nos liberavil, tum denique pœnis omnibus, quas pro culnis vitiisque suis lucre debuerant, ob cumulatissima Christi Jesu, beatæ Maria ; virginis sanctorumque mérita plene exsolvuntur.

Cette déclaration du souverain pontife peut très bien s’accommoder de la doctrine thomiste sur la mesure de la reviviscence de la grâce et des vertus : Outre les avantages de l’indulgence plénière dont la constitution souligne la richesse et l’ampleur…, Pie XI parle de la reddition intégrale des mérites et des dons perdus par le péché. » Les dons perdus par le péché mortel sont la grâce sanctifiante, les vertus surnaturelles, théologales et morales, les dons du Saint-Esprit. Dans quell nieure la justification fait-elle revivre ces trésors spirituels et quelle part y a le jubilé? » Nous pouvons répondre avec saint Thomas, le prince des théologiens, quèces dons nous sont rendus dans ta mesure de nus dispositions intérieures. Or le jufcll ; par ses pi itliS et ses sai riÉceS, ses cm r : K ; s i t ses prédications, par la vertu surnaturelle que leur ajoute la volonté de l'Église, est un moyen très ejj’eæe pour exciter la ferveur et préparer l’unie à recouvrer grâces et dons dans toute leur intensité… » Mgr Rousseau, évêque du Puv. Lettre pastorale à l’occasion du xxixgrand jubilé de N.-D. du Puy (1932), p. 22.

La question de la reviviscence de la grâce et des vertus étant abordée le plus souvent à l’occasion de la reviviscence des mérites et conjointement avec cette question, nous renvoyons pour la bibliographie à la bibliographie du paragraphe suivant.

III. Reviviscence des mérites.

I. doctrine

    1. CATHOLIQUE SDR I##


CATHOLIQUE SDR I.A REVIVISCENCE DES MÉRITES. — 1° Affirmation.

On a exposé ailleurs les conditions

requises pour qu’un acte bon soit méritoire de la vie éternelle. Voir Mérite, t. x, col. 780. Il convient de rappeler que, par rapport au salut éternel, les actes humains doivent être distingués en : 1. œuvres vives