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REVIVISCENCE DE LA GRACE


qu’elle s’intensifie dans le sujet. » IIMI 110, q. xxiv, a. 5. Cet aecroissement en intensité, non en quantité, saint Thomas l’exprime d’un mot : c’est un enracinement plus parfait de la vertu dans l'âme, nihil est aliud ipsam secundum esseniiam augeri quant eam mugis inesse subjecto, quod est eam magis radicari in subjectn. Id., ([. xxiv, a. 4, ad 3um. Cf. [ a -II », q. lii, a. 2 ; In Ium Seul., dist. XVII, q. ii, a. 2 et a. 5 ; De virtutibus, q. t, a. 11. On trouve un excellent exposé de cette conception dans Billot, De virtutibus infusis, 1905, Prolegomenon, p. 25-28, et De sacramentis, t. ii, 1922, p. 10K sq.

2. Sous l’influence de préoccupations relatives à la reviviscence des mérites, voir plus loin, beaucoup d’auteurs modernes ont repris l’ancienne théorie combat t lie par saint Thomas ou tout au moins ont essayé de l’interpréter. L’accroissement de la grâce et des vertus se ferait non seulement intensivement mais par une sorte d’addil ion de degrés : recle (lierre licet virtutes augeri per additionem, non hoc sensu, quod caritas additur caritati ul nova forma, ut sint duse earilales in anima, sed hoc sensu, quod novus gradus accedit, qui priorem gradum SUpponit et eum eo nnnm formant ejjiiil. Chr. Pesch, Prselectiones dogmalicse, t. vin. De virtutibus, n. 69. C’est la doctrine exposée par Suarcz dans sa Métaphysique, disp. XLVI, et reprise, au point de vue théologique, dans le De gratia et la Releciio de reviviseentia meritorum ; de Lugo, De psenitentia, disp. XI, sect. iii, n. 40 sq. ; Vasquez, In /a™-// » Sum. theol. S. Thomæ, disp. 1. XXXII ; Tolet, In III aja part. Sum. Iheologicee, <(. lxxxix, a. f>, concl. 2 ; Coninck. De act. supern., disp. XXII, dub. m ; Ripalda, De ente supern., disp. CXXIX, sect. n ; Salas, In I*v-II », tract, x, disp. IV, sect. iv, et un grand nombre d’autres théologiens jésuites.

Applications.

Tous les théologiens acceptent

le même point de départ dans la vie surnaturelle du juste et se réfèrent à la vérité affirmée par le concile de Trente, sess. vi, c. vu : « Chacun de nous reçoit en lui sa justice, selon la mesure qu’il plaît à l’EspritSaint de départir à chacun et selon la disposition et la coopération propre à chacun. » Denz.-Bannw., n. 799. I.a mesure de la grâce et des vertus, au point de départ de la vie surnaturelle de chaque juste, sera donc, d’une part, le bon plaisir de Dieu, d’autre part, les dispositions de l’homme.

1. Les anciens théologiens et l'école thomiste. — Il est remarquable que tous les grands théologiens antinominalistes acceptaient l’opinion qui a prévalu ensuite dans l'école thomiste : la grâce et les vertus sont rendues â l’homme justifié dans la proportion de ses bonnes dispositions au moment même de la justification. Voir Alexandre de Haïes, Summa, part. IV, q.xii, memb. 1 : q. i.vii, memb. 5 ; Albert le Grand, In l' nm Sent.. dist. XIV, a. 30 ; Pierre de Tarenlaise, //( ///""', dist. XXXI, q. i, a. 3, et In M'"" 1, dist. XIV. a..S, qu. 1 : Richard de Médiavilla, In ///'"", dist. XXXI, a. I, q. ii ; S. Bonaventure, In I V"" 1, dist. XIV, part. II, a. 2, q. i, et même Duns Scot, lu IV'"", dist. XXII, q. un., a. 2, n. 8-9, et Durand de Saint-Pourçain, In ///"", dist. XXXI, q. ii, a. 3. On retrouve évidemment cette doctrine chez les grands commentateurs ou disciples de saint Thomas, lierre de La l’allu, In I Vum, dist. XIV, q.i, c. ii, concl. 3 ; Capréolus, dist. XIV, q. ii, a. I. concl. I ; Cajétan, In 1 1 ! ""' part. Sum. theol., q. lxxxix, auxquels il faut ajouter Grégoire de Valencia, Commentarii in ///"" part. Sum. S. Thomse, t. iv, disp. VII, q. vi, punct. i ; Pierre Solo, De psenitentia, sect. vi ; Silvius, In III"" part. Sum. theol., q lxxxix, a. 2 ; Estius, In I V" 1 " Sent., dist. XIV, § 12 et, plus près de nous, le continuateur de Tournely, De psenitentia, part. ii, n. 216-217.

Saint Thomas expose celle doctrine dans la Somme

théologique, III », q. lxxxix, a. 2 (cf. In III" m Sent., dist. XXXI, q. t, a. 4) : « Le mouvement du libre arbitre qui se trouve dans la justification de l’impie est l’ultime, disposition h la réception de la grâce. (Test pourquoi ce mouvement du libre arbitre se produit au même instant que l’infusion de la grâce… Dans ce mouvement est inclus l’acte de pénitence. Or, il est manifeste que les formes susceptibles de recevoir un degré plus ou moins élevé d’activité, le reçoivent en proportion des divers degrés de disposition du sujet… En conséquence, selon que, dans la pénitence, le mouvement du libre arbitre est plus intense ou plus faible, ]c pénitent reçoit une grâce plus grande ou moins grande. Mais il arrive que la grâce à laquelle est proportionnée l’intensité du mouvement ilu pénitent est parfois égale, parfois supérieure ou inférieure au degré de grâce d’où il était tombé. Il s’ensuit que le pénitent se relève quelquefois avec une grâce plus grande et d’autres fois avec une grâce égale ou même inférieure, et il en va de même des vertus qui suivent la grâce. » III >, q. i.xxxix, a. 2 (trad. du P. Hugueny). cf. a. i, ad l" m.

La conclusion immédiate de ce principe — manifeste, dit saint Thomas — c’est que l’accroissement de la grâce sanctifiante et des vertus et dons qui en découlent est procuré seulement, soit ex opère, operalo, soit ex opère operanlis, en raison d’une disposition plus parfaite du sujet. Dans l’accroissement c.r opère operalo, la réception valide et fructueuse du sacrement apporte toujours au juste, tout au moins par l’influence du sacrement, une disposition subjective qui constitue par elle-même un progrès spirituel, si minime soit-il, sur l'état spirituel qui précédait la réception du sacrement. Dans l’accroissement ex opère operanlis, l’augmentai ion de grâce serait procurée par les seuls actes méritoires intenses, c’est-à-dire dont le principe, la charité, dépasse en ferveur le degré précédent de charité. Cf. C. Ncveut, Des conditions de la plus grande valeur de nos actes méritoires, dans Divus Thomas de Plaisance, 1931, fasc. 4. Quant au pécheur qui ressuscite à la vie de la grâce, sa résurrection aura pour mesure, dans l’opinion thomiste, le degré de ses dispositions. Ce qui est vrai, unanimement accepté, consacré par le concile de Trente, pour la première acquisition de la grâce, ne le serait-il donc plus pour sa récupération ?

2. Les lltc’ologiens modernes non thomistes.

Préoccupés de justifier leur thèse sur la reviviscence des mérites, ces théologiens négligent de considérer ce que le concile de Trente affirme de l’influence des dispositions subjectives sur le degré de la grâce infusée à l'âme, sess. vi, c. vu : juslilium in nobis recipienles unusquisque suam… secundum propriam cujusque dispositionem et cooperationem. Denz.-Bannw., n. 799. Ils ne veulent retenir que l’affirmation des canons 2 1 et 32 ; juslilium acceplam… augeri… per bona opéra, et hominem jusliflcalum …bonis operibus… vere mereri augnten/nm gratise. Id., n. 834, 842. Ils en déduisent que l’accroissement de grâce et de vertus s’opère pour ainsi dire mathématiquement par tout acte méritoire, même rémittent, c’est-à-dired’une ferveur inférieure au degré précédent de charité. Et, dans le cas du pécheur pénitent, récupérant la grâce et les vertus perdues par le péché, ils n’hésitent pas à affirmer qu’en toute hypothèse ce pécheur ressuscite avec une grâce et des vertus supérieures ; Chaque fois qu’un homme, qui a été juste, puis a péché, est juslilié, il ressuscite avec un trésor augmenté de grâces ; car tout d’abord il reçoit une nouvelle grâce proportionnée à ses dispositions, puis tout le trésor de grâces qu’il avait avant son péché. Il ressuscitera donc toujours avec une grâce plus grande. » Suarez. Relectio de reviviseentia meritorum, disp. ii, sect. iii, n. 58, edit. Vives, t. xi, p. 518.

Nous avons ici l’applical ion de la théorie général ? de l’accroissement pur addition : la conversion du pécheur étant un nouveau mérite, elle ajoute quelque chose au degré de grâce antérieure.