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REVIVISCENCE DES SACREMENTS


sacrement trois choses : l’une, sacramentum lantum, le rite extérieur, composé de la matière et de la forme, qui signifie et n’est pas signifié par autre chose ; l’autre, res lantum, l’effet intérieur produit par le sacrement fructueusement reçu, c’est-à-dire la grâce que le sacrement signifie, mais qui, elle, n’est pas le signe d’une autre réalité ; enfin, la troisième réalité, pour ainsi dire intermédiaire, qui participe de ces deux premières, étant à la fois signe par rapport à la grâce et cfjet par rapport au sacrement extérieur : res et sacramentum. C’est le res et sacramentum qui, demeurant dans l'âme après l’application valide du sacrement, expliquerait la reviviscence de la grâce.

Les auteurs exploitent cette théorie générale en la faisant rentrer dans les cadres particuliers de leurs opinions divergentes sur la causalité des sacrements. Voir Sacrements.

1. Les partisans d’une causalité disposilive des sacrements (d’ordre physique ou intentionnel, peu importe dans la présente question) pensent trouver dans le fait de la reviviscence des sacrements l’argument convaincant en faveur de leur opinion. Pour eux le res et sacramentum est une disposition dans l'âme, un titre permanent qui demeure, signifié par le sacrement extérieur, signe par rapport à la grâce qu’il exige. Tant que ce titre subsiste, même s’il y a quelque obstacle à la grâce, il l’appelle néanmoins et. dès que l’obstacle est levé, le titre exerce son action et la grâce est produite. Or trois sacrements, le baptême, la confirmation et l’ordre, impriment dans l'âme un caractère indélébile. Le titre à la grâce se confond ici avec le caractère ; il dure toujours comme lui : aussi la grâce de ces sacrements peut toujours revivre. Dans le mariage, le titre se confond avec le lien conjugal : tant que ce lien subsiste, c’est-à-dire tant que l’un des deux conjoints n’est pas mort, la grâce du sacrement peut revivre. Dans l’extrême-onction, le titre est la recommandation à Dieu du malade en danger : tant que dure le danger, le sacrement peut revivre. Mais si le malade revient à la santé et, de nouveau, tombe en danger de mort, on doit lui réitérer l' extrême-onction. Cf. Billo*, De sacramentis, th. vii, § 2, édition de 1924, p. 127.

2. Les partisans de la causalité morale en disent autant. Voir De Augustinis, De re sacramentaria, t. i, th. xviii, et surtout C.hr. Pesch, De sacramentis, pars l'.n. 165. Par le fait (pue le sacrement est validement administré, la dignité, la valeur intrinsèque du rite sacramentel persévèrent devant Dieu et dans son acceptation. Aussi, dès que l’obstacle disparaît, Dieu, en vertu du sacrement déjà reçu, confère la grâce au sujet. Une remarque ici s’impose, indépendante de celles qui pourront être formulées à l’art. Sacrement, sur le système de la causalité morale : on peut se demander comment il se fait que la dignité du sacrement de baptême demeure dans l’acceptation divine et non pas cille de l’eucharistie ?

3. Les partisans de la causalité physique sont plus embarrassés, et P. Pourrat n’hésite pas à dire que ce système « paraît être en opposition avec la doctrine théologique de la reviviscence des sacrements ». La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 172. « La théorie de la causalité physique, continue le même auteur, est radicalement impuissante à expliquer ce fait, car la causalité physique exige rigoureusement la coexistence de la cause et de l’effet et, dans la reviviscence, le sacrement opère la grâce, lorsqu’il n’existe plus depuis longtemps. Vasquez, disp. CXXXII, c. iv, n. 41-44, expose triomphalement cette dilliculté dans sa vigoureuse critique du thomisme. » Ibid.

Généralement les thomistes, partisans de la causalité physique, ont une réponse toute prête en ce qui concerne les sacrements comportant l’impression d’un caractère indélébile. « Pour les sacrements qui impri ment un caractère, la difficulté semble écartée, puisque le caractère peut concourir physiquement à la production de la grâce. Il est bien vrai que, selon le mode ordinaire (c’est un partisan de la causalité perfective qui parle), la grâce sacramentelle n’a pas besoin de passer par cet intermédiaire, mais quand les sacrements n’existent plus, ils peuvent encore agir par la vertu qu’ils ont laissée dans le caractère indélébile, comme la cause survit dans l’influence qui reste d’elle. Telle est la solution de saint Thomas. » Ed. Hugon, O. P., La causalité instrumentale en théologie, Paris, 1907, p. 147. Voir S. Thomas, In JVum Sent., dist. IV, q. ni, a. 2, qu. 3, et Sum. theol, IID, q. lxix, a. 10, ad lum.

L’embarras commence avec les autres sacrements. Certains thomistes s’en tirent en niant la possibilité de la reviviscence dans les sacrements n’imprimant pas de caractère. Salmanticenses, De sacramentis, disp. IV, n. 91 sq. D’autres admettent que, pour expliquer ces cas exceptionnels, il faut, pour les trois sacrements de pénitence, d’extrême-onction et de mariage, recourir à la causalité purement morale, le mode d’opérer devant varier si les circonstances sont changées : quand les sacrements existent physiquement, leur causalité est toujours physique ; quand ils n’existent que moralement, leur causalité n’est que morale. Gonet, Clgpeus, De sacramentis, disp. III, a. 3, § 2, n. 81 ; cf. Hugon, op. cit., p. 148. D’autres, tels que Didace Nuno, Jean de Saint-Thomas. Billuart recourent à l’hypothèse d’une modification dans la volonté : « Pour les autres sacrements, déclare Ilugon, on répond qu’ils ont déposé dans la volonté, qui s'était déterminée à les recevoir, des impressions et des vestiges, et que Dieu peut encore s’en servir pour produire la grâce. » Op. cit., p. 148 ; cf. Billuart, De sacramentis, dissert. 111, a. 2, obj. Dccsf exisienlia.

Dans une courte étude, mais trop solide' pour ne pas avoir ici une place de choix, le P. Marin-Sola, O. P., a proposé une nouvelle solution pour concilier la causalité physique des sacrements avec leur reviviscence. Proponitur noua solulio ad conciliandum causalitalem physicam sacramentorum cum eorum reviviscentia élans Divus Thomas de janvier 1925. La solution qui consiste à éliminer toute possibilité de reviviscence dans les sacrements autres que le baptême, la confirmation et l’ordre est une véritable défaite. En recourant à la causalité morale pour expliquer la reviviscence des sacrements qui ne confèrent pas de caractère, Gonet apporte un remède pire que le mal ; il installe la contradiction au cœur même du système et donne au surplus satisfaction aux adversaires, trop heureux d’avoir arraché à la théorie ce premier lambeau pour se tenir tranquilles. Quant à l’hypothèse d’une modification physique dans la volonté, le P..Marin-Sola ne la trouve guère heureuse : il faudrait, en ce cas, admettre la reviviscence de tous les sacrements, y compris l’eucharistie et la considérer, en chacun d’eux, comme pouvant être perpétuelle. On est ici d’ailleurs acculé à cette contradiction que, pour les sacrements qui impriment un caractère, la reviviscence s’explique par une modification de l’intelligence (le caractère) et, pour les autres sacrements, par une modification de la volonté.

Aussi le P. Marin-Sola propose-t-il une solution nouvelle (que d’autres auteurs ont présentée depuis avec ferveur ; cf. Fr. Connell, De sacramentis Ecclesiæ, Bruges 1933, p. 87 ; Mac Kenna, dans Irish Eccles. Record, août 192(5, p. G5 ; Haynal, O. P., art. cité). Le caractère baptismal doit être considéré comme une puissance passive à recevoir les autres sacrements. Toute puissance passive étant modifiée par la réception de son acte, le caractère baptismal sera modifié physiquement par la réception valide d’un sacrement. C’est, d’après le P. Marin-Sola, cette modification physique du carac-