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REVIVISCENCE DES SACREMENTS


des dispositions et leur degré de perfection et, dans le degré de perfection, le degré suffisant pour la validité, insuffisant pour la « fructuosité », et le degré suffisant pour l’une et pour l’autre. Dieu seul peut connaître quand l’attrition, extérieurement manifestée, existe dans le pénitent à un degré et avec des qualités suffisantes pour rendre fructueux le sacrement. Mais, le sacrement étant signe sensible, la manifestation extérieure de l’attrition est essentielle au sacrement ; toutefois, la manifestation du degré et des qualités étant impossible, il semble qu’on doive conclure que la manifestation extérieure d’une contrition intérieure, insuffisante ou suffisante, est seule de l’essence du sacrement. « Une chose surtout milite en faveur de [cette] manière de voir ; c’est que, seule, elle explique scientifiquement la pratique de l'Église dans l’administration du sacrement de la pénitence, sans qu’il soit besoin de recourir à une exception quand il s’agit de juger la matière. De même que, dans les autres sacrements, la matière doit être certaine, de même, ici, le confesseur peut et doit être certain de la douleur et du propos du pénitent — mais seulement en tant que douleur et propos contribuent à constituer le signe sensible du sacrement, et non pas en tant qu’ils sont une disposition intérieure. Le confesseur ne peut point, à son gré, absoudre ou retenir les péchés : il doit s’assurer (vidrat diliijenter, dit le Rituel romain) si le pénitent est disposé, s’il est digne de l’absolution. < L’homme voit bien ce qui est visible, mais le Seigneur lit dans les cœurs. » (I Reg., xvi, 7.) C’est seulement d’après les marques extérieures que le confesseur peut juger prudemment si la disposition, qui est une chose intérieure, existe en réalité ; et, d’ordinaire, il doit se contenter d’une probabilité prudente. Il a donc raison d’absoudre lorsqu’il juge avec motif que le pénitent soumet sincèrement et avec douleur ses péchés au pouvoir des clefs, en d’autres termes, il absout sans avoir en même temps la certitude morale que l’attrition du pénitent est absolument efficace, ce qu’il faudrait pourtant si ce degré d’attrition était non seulement la disposition prochaine, mais encore une partie essentielle de la matière sacramentelle.

En demandant poui la validité de notre sacrement une attrition moins parfaite sous le rapport du degré que pour recueillir le fruit sacramentel, Jésus-Christ a grandement facilité la tâche si délicate du confesseur. L’administration du sacrement de la pénitence serait moralement impossible si, pour donner licitement l’absolution, le confesseur devait être absolument certain mie l’attrition du pénitent est souveraine. » N. Gihr, Les sacrements, trad. fr., t. iii, p. 102-103.

Pratiquement, les partisans des autres opinions sont bien obligés d’accepter cette quatrième solution, puisque tous reconnaissent qu’il ne faut pas inquiéter un pénitent de bonne foi qui peut-être n’a pas eu l’attrition souveraine ou universelle.

Spéculai ivement ils ne manquent pas d’opposer des arguments de quelque poids, Galtier et, après lui, Cappello ont bien présenté ces arguments. Galtier, De psenitenlia, n. 405 ; Cappello, De psenitenlia, n. 151. On trouvera une vigoureuse défense de la thèse dans Billot, Desacramentis, t. ii, th. xvi. Cet auteur prétend s’abriter derrière plus de trente autorités théologiques : pour quelques-unes, c’est inexact ; d’autres, Gonet et SuareZ, par exemple, n’admettent le sacrement valide et informe qu’en un cas très spécial. Voir ci-dessus. On doil cependant reconnaître que Billot est fidèle à la pensée de saint Thomas, In IV 1 "" Sent., dist. XVII, q. iii, a. 4, sol. 1 (Suppl., q. i, a. 1 1, vraisemblablement d’Alberl le Grand, In M'"'", dist. XVII, a. 6 (édition de Paris, 1890, t. xix, p. 665) ; à coup sûr de saint Antonin, Sum. theol., pari. III, tit. xiv, c. xix (édition de Vérone, 1740, p. 77.")) ; de Cajétan, Qutèstiones de confessione, quæsitum ">, opuscule publié dans l'édition léonine de la Somme théologique, après la pars III », t. xii, p. 353 ; de Capréolus, In IV'"". dist. XVII, q. ii, concl. 3, et de Jean de Sain i Thomas, Cursus iheologicus, l. ix, Desacramentis, disp. XXX 1 1 1, a. 6. Jean de Saint Thomas († 1643), étant postérieur

au concile de Trente, on ne peut donc pas dire que cette opinion ait été abandonnée après le concile. Il est vrai que la plupart des auteurs qui l’ont enseignée depuis la deuxième moitié du xvie siècle l’ont restreinte au seul cas de « non-universalité » de la contrition. Voir cidessus, 3e solution. Billot lui a rendu une vogue incontestable. Après lui, en effet, on peut citer Vermeersch, Theol. moralis, t. iii, n. 569 ; Van NoortVerhaar, De sacramentis, t. ii, n. 68 sq. ; Gihr, op. cit., p. 1 61-103 ; Lépieïcr, De pxiiilenlia, Rome, 1924, p. 412 ; Paquet, De sacramentis, part. II a, disp. III, Québec, 1903, p. 156 sq. ; A. d’Alès, De sacramento pœnitenliæ, Paris, 1926, p. 156-158 ; Hugueny, La pénitence, édition de la Somme théologique de la Revue des Jeunes, t. ii, p. 401-464. Voir une bonne dissertation en ce sens dans l’Ami du clergé, 1920, p. 675 sq. Lépicier, op. cit., p. 414-415, montre bien qu’on ne peut raisonner sur le sacrement de pénitence comme sur les autres sacrements. En ceux-ci, une fiction, même volontaire et consciente, n’empêche pas la validité du sacrement. Dans la pénitence, la fiction consciente et volontaire deviendrait coupable et, par conséquent, constituerait un obex non seulement à la « fructuosité », mais à la validité.

5. Eucharistie.

La question se pose à peine pour l’eucharistie, ce sacrement ne laissant dans l'âme aucune trace de son application. On ne voit pas, en effet, comment la grâce pourrait revivre. La seule supposition qu’on puisse faire, c’est qu’un pécheur, communiant d’une manière nulle ou sacrilège, se repente au moment où il possède encore en lui-même la présence eucharistique. Hypothèse bien fragile, mais qui n’est pas absolument invraisemblable. Cajétan qui avait d’abord enseigné la reviviscence de l’eucharistie, Opusc. v, tr. v, q. v, s’est rétracté dans le Commentaire sur la Somme, III a, q. lxxix, a. 1.

/II. explications. — 1° Ex opère operanlis. — Il faut signaler d’un mot cette explication bizarre qui, en réalité, détruit le concept même de « reviviscence du sacrement ». La grâce apparaîtrait dans l'âme, non en vertu du sacrement précédemment reçu, mais précisément en raison de la pénitence — acte de vertu ou sacrement — éloignant l’obstacle de la fiction. Vasquez attribue cette explication à Duns Scot et la considère comme probable. In IIl &m part. Sum. theol. S. Tlwmæ, disp. CLIX, sect. i, n. 38. Que Scot ait enseigné cette doctrine, c’est là une assertion gratuite. Cf. J. Bosco, Theologia sacramentalis, sect. VI, n. 5 sq. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que Duns Scot ne s’est rallié à l’explication ex opère operalo qu’après quelques hésitations. Voir ici, t. IV, col. 1911.

Ex opère operalo.

Si l’on veut maintenir le

concept de « reviviscence », ou plus exactement cette « efficacité à retardement » des sacrements, il faut admettre que la grâce est produite, au moment où l’obstacle est enlevé, ex opère operalo, conformément au mode d’efficacité des sacrements. Voir Opus opebatum, t. xi, col. 1085-1087.

Mais une difficulté se présente immédiatement à l’esprit : comment un sacrement peut-il produire la grâce c.v opère operalo alors qu’il n’existe plus ? La solution générale, par tous admise, et que nous avons déjà laissé pressentir, voir col. 2618, c’est que « le sacrement, après l’instant où il est appliqué validement, laisse dans l'âme un effet permanent qui de soi appelle la grâce ». C’est cet effet permanent qui, tant qu’il persévère, est susceptible de produire la grâce que le sacrement, en raison de la » fiction » apportée par le sujet n’a pu produire au moment où il était appliqué. L’effet durable, permanent, est ce que les théologiens appellent res et sacramentum. A la suite des anciens, ci plus spécialement de saint Thomas, Sum. theol., 111°, q. î.xvi, a. 1, ils distinguent dans tout