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    1. RÉVÉLATION##


RÉVÉLATION. LE MAGISTÈRE VIVANT

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en mesure, à l’heure présente, de justifier ses tilres à la créance de l’humanité. Le message de Jésus a été, de fait, la révélation totale de la vérité religieuse accordée par Dieu aux hommes. Quelle qu’ait été la part, dans l’établissement du christianisme, des premiers apôtres, compagnons du Christ, ou de Paul, appelé par une vocation extraordinaire à l’apostolat, c’est au Christ néanmoins qu’il faut rapporter tout l’essentiel de la révélation dont vivent encore aujourd’hui tous les chrétiens.

Nous n’avons pas à instituer une démonstration en règle de tout ceci. Cette démonstration, qui est surtout d’ordre historique, est faite à divers articles de ce dictionnaire.

Il nous reste pour achever l’étude théorique de la révélation à étudier le moyen par lequel le message du Christ atteint chacune des âmes qui se réclament de lui. L’enseignement du Christ et des premiers confidents de sa pensée se trouve consigné en des livres qui constituent la Bible, Ancien et Nouveau Testament, la première partie préparant la seconde. Ainsi la religion chrétienne, tout comme le judaïsme, tout comme l’Islam, est une » religion de livre ». Sutlit-il au fidèle qui se réclame du Christ de se mettre directement en contact avec cette Écriture pour y trouver la révélation, le message transmis au monde par le Seigneur ? Cette Écriture contient-elle le message intégral du Christ, en sorte que la transmission de la « révélation chrétienne » se ferait exclusivement par elle’? C’est ce qu’il nous reste à voir. Nous montrerons que l’Écriture est insuffisante à transmettre le dépôt révélé apporté p ir le Christ, qu’il faut à côté d’elle un magistère vivant, capable non seulement de transmettre, mais de taire fructifier le dépôt révélé.

I. INSUFFISANCE DE L’ÉCRITURE SAINTE A TRANSMETTRE TOUTE LA VÉRITÉ RÉVÉLÉE.

La Bible est une source extrêmement importante de la révélation, et il ne faudrait pas, sous prétexte d’éviter l’excès des « réformateurs », tomber dans l’excès inverse et faire fi de la sainte Écriture..Mais le rôle de la Bible est limité et elle ne saurait se suffire absolument à elle-même. Elle n’enseigne pas d’une manière complète ce qu’est l’inspiration, ni ce à quoi elle s’étend. Elle n’indique pas non plus quels sont les livres sacrés et se trouve dans l’impossibilité de fixer le « canon ». Sans doute parmi les livres de l’Ancien Testament, les protestants pourront considérer comme inspirés ceux qui ont été déclarés tels par le Christ ou ses apôtres et ils sont un certain nombre. Mais pour ceux de la Nouvelle Alliance, il n’y a plus de critère, si ce n’est les indications variables de la conscience individuelle. Et c’est pourquoi les essais réitérés tentés par les auteurs non catholiques pour établir le canon des Écritures n’ont abouti jusqu’à présent qu’à des résultats incohérents. Auraient-ils même établi un canon complet, il faudrait bien reconnaître qu’il n’est pas donné à tout le monde de lire et surtout de comprendre la Bible. vu les nombreuses difficultés d’ordre linguistique et autres qu’elle présente, même pour les savants, à plus forte raison pour les esprits qui ne sont pas cultivés.

Les livres saints, en effet, ont été composés en hébreu ou en grec, langues mortes depuis longtemps. Rares sont ceux qui les entendent toutes les deux. Dès lors, quiconque prend la Bible pour règle de foi doit s’assurer de la qualité de la version qu’il utilise. Les difficultés augmentent et sont pratiquement insurmontables quand il s’agit d’interpréter le texte biblique, qui est parfois bien obscur. La façon tout occasionnelle dont est exprimée la doctrine sur les mystères, les sacrements, la prédestination, la réprobation et tant d’autres points qui concernent la vie spirituelle, rend l’œuvre du commentateur plus ardue encore, car il doit tenir compte et du contexte très général ou s’insèrent les paroles relatives à ces vérités et du texte lui-même où se multiplient idiotismes, figures, métaphores, allégories, hyperboles, etc. C’est là qu’est la cause des contradictions nombreuses qui se relèvent dans les œuvres des protestants, même sur les points capitaux.

Par ailleurs, entre la mort du Christ et la rédaction des livres du Nouveau Testament il s’est passé un temps assez prolongé, durant lequel les fidèles n’auraient pas eu de règle de foi. Le Christ lui-même n’a rien écrit, mais a instruit ses apôtres par la prédication. A ceux-ci il n’a pas ordonné d’écrire, mais d’enseigner d’abord et surtout ; les apôtres y furent fidèles. Ceux d’entre eux qui ont écrit l’ont fait par occasion, à cause de circonstances particulières, pour répondre à des questions posées, réprimer des.scandales ou apaiser des discordes. Aussi leurs livres ne sont-ils pas composés d’une façon didactique et n’exposent-ils pas toute la doctrine. Des (pestions très importantes y sont parfois omises ou laissées dans l’ombre..Mais ils y font des allusions fréquentes à l’enseignement qu’ils ont donné et qui est supposé connu par leurs destinataires, l.a I lible qui ignore tout de cet enseignement oral n’est donc pas une source complète.

Silencieuse, elle n’est pas apte non plus à dirimer les controverses par elle-même, pas plus qu’un code ne supprime la nécessité de juges chargés d’interpréter et d’appliquer les lois. Kn l’absence d’une autorité Vivante, il faut s’en remettre au libre examen ou à l’illumination intérieure par le Saint-Esprit. Recourir à une inspiration immédiate, qui serait accordée à chaque individu, c’est négliger toutes les règles objectives de l’herméneutique et livrer la révélation contenue dans l’Écriture a toutes les faiblesses de l’humaine raison. Les caprices d’une nature dépravée, 1rs rêveries d’une folle imagination sont si facilement

on s i : l. ;  ; s -.01111111’les manifestations de 1 instinct divin

en lequel ils doivent trouver leur justification. Nous savons que, sur les questions les plus importantes, telles que le baptême, la présence réelle dans l’eucharistie, le péché originel, la rédemption, etc., il règne parmi les protestants les dissensions les plus profondes. La Bible n’est donc pas une règle de foi certaine, accommodée à l’intelligence très diverse des hommes de tous les temps, capable de procurer la tranquillité intellectuelle et d’assurer d’une manière satisfaisante l’unité et la fermeté de la foi. Bien qu’elle soil un dépôt très riche de vérités dogmatiques et morales, elle est incomplète et n’est pas la source unique de la révélation.

C’est la raison pour laquelle saint Paul, écrivant à Timothée, lui recommandait avec tant de chaleur : « Conserve le souvenir fidèle des saines instructions que tu as reçues de moi sur la foi et la charité, qui est en Jésus Christ. Garde le bon dépôt, par le Saint-Esprit, qui habite en nous. > II’fini., 1, Kl, 1 1. Il ne lui dil pas de considérer la lettre qu’il lui envoie comme une partie de la parole divine et d’en donner d( s transcriptions à ceux qu’il aura à instruire. Il insiste au contraire, en ajoutant : « Et les enseignements que tu as reçus de moi. en présence de nombreux témoins, COnfie-les à des hommes sûrs, qui soient capables d’en instruire d’autres. » lbiii., 11, 2. Les saintes Écritures sont donc complétées par la tradition.

II. LA TRADITION POSTULE L’EXISTENCE D’UN MAGISTÈRE VIVANT

La tradition, au sens passif, est constituée par les vérités divines transmises par l’Église, tandis qu’au sens actif, elle est l’organe authentique institué par Dieu et chargé de propager le dépôt de la révélation. Tout en relevant cette distinction, les théologiens ne paraissent pas toujours s’en soucier ; ils emploient souvent le mot tradition dans un sens complexe, car celle qui est passive suppose l’active et vice