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    1. REVELATION##


REVELATION. TRANSMISSION

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écho, avec peut-être un scepticisme plus souriant, le poète Horace qui se montre plus catégorique encore lorsqu’il écrit : Odi profanum vulgus et areco (Odes, III, i). Le prosélytisme n’était donc pas la préoccupation des esprits cultivés. Quand ceux-ci s’occupaient des conceptions religieuses de leurs contemporains, c’était le plus souvent pour eux une occasion de marquer leur respect pour les erreurs ou en tenter une adaptation, conforme à leur philosophie. Sur ces divers points voir G. Boissier, La religion romaine d’Auguste aux Antonins, Paris, 5e édit., 1900 ; du même, La fin du paganisme, 3e édit., Paris, 1898 ; F. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris, 1906 ; Martha, Les moralistes sous l’empire romain, Paris, 1900 ; Jacquier, Les mystères païens et saint Paul, dans le Diction, apol., t. iii, 1916, col. 964-1014 ; Pinard, L’étude comparée des religions, Paris, 1922 ; Génie t et Boulanger, Le génie grec dans la religion, Paris, 1932 ; S. "Wilde et Nilsson, Griechische und rômisclw Religion, Berlin, 1932 ; Allevi Lingi, Ellenismoe cristianesimo, Milan, 1934, etc.

b) L’influence des collectivités publiques s’exerçait dans le même sens. Les religions populaires ne pouvaient pas redresser la situation ambiante puisqu’elles aussi étaient corrompues. Il en était de même du pouvoir public.

En effet, le lien qui existait alors entre les idées religieuses et les pouvoirs établis était si intime qu’il était impossible que ceux-ci détruisissent les erreurs intellectuelles et morales dont celles-là étaient infectées. Étant donné que, dans l’empire romain par exemple, la religion était considérée comme une partie des fonctions civiques, quiconque ne reconnaissait pas les dieux de la patrie était compté au nombre des athées. Ce reproche, souvent adressé aux premiers chrétiens, fut le motif de bien des persécutions.

En présence de ces faits qui manifestent la dégénérescence religieuse et l’incapacité humaine d’y remédier on comprend mieux pourquoi Pie IX a réprouvé, dans le Sijllabus les propositions 3 et 4, qui donnaient un rôle trop avantageux à la raison humaine : Humana ratio, nullo prorsus Dei respeetu habito, unicus est veri et falsi, boni et mali arbiter, sibi ipsi est lex et naturalibus suis viribus ad liominum ac populorum bonum curandum sufficit. — Omnes religionis veritates ex nativa humante rationis vi dérivant, lune ratio est princeps norma, qua homo cognitionem omnium cujuscumque generis verilatum assequi possit atque debeat. Denz.-Bannw. , n. 1703-1704.

Les faits rapportés prouvent aussi que l’homme a le désir de connaître les rapports qui le relient à Dieu (Cont. gent., t. I, [c. iv) et qu’il a sans doute la possibilité physique d’en découvrir quelques-uns, mais l’ensemble des hommes est impuissant à parvenir par ses propres forces à une connaissance convenable et totale des vérités d’ordre naturel, requises pour mener une vie religieuse vraiment digne, et même à conserver ce qui a été acquis antérieurement par les lumières rationnelles. Développement dans Chr. Pesch, Preclect., t. ii, n. 21 sq. ; t. i, n. 173.

Granderath a essaye de dresser un tableau de ces vérités. Les unes offrent à la volonté des mol ifs d’action, c’est la connaissance de Dieu et de l’Immortalité de l’âme ; les autres constituent les nonnes générales de la vie morale de l’homme. Au nombre de ces vérités, il faut compter la défense de l’homicide sous tontes ses formes (homicide, suicide, duel, avortement, sacrifices humains), et quelles que soient les raisons qui seraient mises en avanl pour le mol i er ; la prohibition de la luxure (prostitution Sacrée, violation et abus du mariage) de manière à assurer le respect du corps ; l’interdiction du parjure et enfin le respect du droit de propriété et de l’autorité familiale et sociale.

Si, malgré les cvccpl ions, le plus grand nombre des hommes ne COnnatl pas ces vérités (l’une manière suffisant ment claire, il n’y a plus de vie possible. Voir Th. Granderath, Die Nolwendigkcit der Offenbarung, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, t. vi, 1882, p. 283-318.

Ce fait universel, résultant des circonstances au milieu desquelles le genre humain évolue, postule un secours divin. La révélation en laquelle il s’est réalisé est donc, au sens large, moralement nécessaire, selon l’acception que nous avons établie dans l’exposé de la preuve philosophique.

Actuellement, les erreurs religieuses et morales persistent. Les schismes, les hérésies, etc., qui ont surgi depuis le début du christianisme sont sans nombre. C’est vrai. Mais d’abord ces dissidences chrétiennes conservent à des degrés divers les vérités révélées, et celles-ci deviennent pour elles un principe de vie religieuse. D’autre part, ce manque relatif d’efficacité n’est pas un argument contre la nécessité morale de la révélation. Dieu, en effet, ne violente pas la créature. Du fait que la libre coopération de l’homme est requise pour prendre connaissance des vérités et pour mettre en pratique les devoirs religieux, les erreurs et les écarts moraux ne peuvent pas être évités. Chr. Pesch, Pru’Iectioncs, t. i, n. 173, 175 ; Dorsch, De religione revelata, p. 351-357.

La révélation publique, qui est la communication immédiate ou médiate de l’esprit divin aux hommes est donc non seulement possible, quelle que soit la nature de l’objet dévoilé, mais encore moralement nécessaire pour les vérités religieuses d’ordre naturel.

IV. Le fait de la révélation. Sa transmission.

Jusqu’à présent, nous sommes demeurés dans le domaine de l’abstraction. Nous avons, du moins en apparence, déduit des concepts les uns des autres. Ayant posé dans l’abstrait le concept de révélation, nous avons montré que cette intervention divine dans la conduite de l’humanité n’était pas une chimère irréalisable, que tout au contraire la postulait.

Mais au fond cette démonstration qui semblait se dérouler sur le plan de l’abstraction était, dès à l’avance, orientée par la constatation de faits, qui, pour être laissés dans l’ombre, n’en dirigeaient pas moins toute la suite de l’argumentation. Dans la réalité de l’histoire, plusieurs des grandes religions connues et qui, aujourd’hui encore, encadrent une bonne partie de l’humanité se donnent pour des religions révélées. Cf. l’art. Religion, col. 2293 sq. Le fait est particulièrement clair pour trois religions, de type nettement monothéiste et d’ailleurs apparentées : le judaïsme se réclame de la révélation faite à Moïse et continuée par les prophètes ; le christianisme est en dépendance totale du message divin transmis par Jésus-Christ ; l’islamisme se donne, quoi qu’il en soit de ses origines réelles, comme la révélation faite à Mahomet d’une religion nouvelle qui tranche, par tous ses caractères, sur le milieu polythéiste au sein duquel elle se manifeste.

Le rôle de la « démonstration chrétienne » est de mettre en lumière la « transcendance » de la révélation judéo-chrétienne, d’établir que la révélation faite à Moïse et aux prophètes était vraiment divine ; mais qu’elle n’était pourtant qu’une préparation, qu’elle ne prend tout son sens que par l’achèvement que lui donne la révélation faite par Jésus. En ce dernier éclatent tous les traits du messager divin, officiellement chargé par le Père céleste de donner à l’humanité la mesure de lumière dont elle a besoin. Quant à l’Islam — quoi qu’il en soit de la sincérité de son fondateur — il apparaît comme un démarquage, assez enfantin d’ailleurs, du christianisme et du judaïsme, avec une prépondérance marquée des cléments juifs. Son origine divine ne saurait laite question.

Reste donc que, des grandes religions monothéistes qui se donnent pour révélées, le seul christianisme est