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    1. REVELATION##


REVELATION. NECESSITE

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nature, les Égyptiens, aux animaux, les Perses et plus tard les Romains, aux astres. Les œuvres humaines, les figures des animaux et même les pierres sont divinisées et reçoivent parfois un culte véritable. On passe ainsi du fétichisme à l’idolâtrie proprement dite. L’homme lui-même est élevé aux honneurs divins ou quasi divins. De fait, on vénère les mânes ou les lares et les génies (il est difficile de dire si l’on voyait en eux une entité divine ou simplement surhumaine, distincte de l’homtnj). Ce culte servit de moyen intermédiaire pour introduire celui des héros et des princes, dans le monde gréco-oriental, en Syrie, en Asie Mineure, en Egypte et finalement par une progression logique celui des empereurs. Ce dernier était déjà en plein développement dans l’empire au moment du règne d’Auguste. Les notions intellectuelles sur la divinité sont donc honteusemînt déformées. Par ailleurs, on attribue souvent aux dieux les plus grandes turpitudes et les crimes les plus abjects tout aussi bien que les bonnes actions. Thèim facile, déjà exploité par l’evhémérisme et que tous les apologistes du christianisme ont repris. Qu’il suffise de citer ici Arnobe, Adversus génies, t. IV, < :. xviii sq., P. L., t. v, col. 1037 sq. ; et saint Augustin en qui se résume cette apologétique un peu trop simpliste. Voir en particulier De civ. Dei, t. VI, c. ix, P. L., t. xli, col. 187.

La dépravation religieuse se marque encore plus dans les mystères. C’étaient des rites sacrés qui, pratiqués avec des formules et des symboles sous le sceau du secret et du silence, permettaient l’entrée dans les collèges d’initiés. Ceux-ci recevaient la promesse de biens religieux, comme la libération du péché et l’espérance d’une autre vie. Les mystères étaient répandus en Syrie (Atargatis-Astarté, Adonis-Hadad), en Egypte (Isis-Sérapis), en Phrygie (Cybèle-Attis) et en Thrace (Dionysos, Zagreus, Bacchus). Les plus célèbres, encore qu’ils fussent locaux, étaient ceux que l’on célébrait à Eleusis. Le culte de Mithra, au iiie siècle, envahit l’empire et surtout l’année romaine, mais il est déjà modéré par son syncrétisme. Par l’adaptation et l’assimilation des diverses formes religieuses, d’origine et de caractère variés, le mithriacisms en arrive à un concept vague et confus de Dieu, amalgame de panthéisme, de polythéisme et de monothéisme. Sur ces Teligions de mystères, voir ci-dessus, col. 2301, et pour la bibliographie, col. 2306.

Les cérémonies enfin de beaucoup de ces cultes étaient bien souvent scélérates et indignes de Dieu, puisque les sacrifices humains n’y étaient pas interdits, même chez les Romains. Parfois aussi elles donnaient lieu à de véritables scènes de luxure et de prostitution. L’astrologie et la magie s’y donnaient libre cours.

L’auteur de la Sagesse brosse un tableau saisissant de ces immoralités. « Célébrant des cérémonies homicides de leurs enfants ou des mystères clandestins, et se livrant aux débauches effrénées de rites étranges, ils n’ont plus gardé de pudeur ni dans leur vie, ni dans leurs mariages. C’est partout un mélange de sang et de meurtre… de corruption et d’infidélité, de souillure des amas, de crime contre nature… » Sap., xiv, 23-27.

Les erreurs morales sont en corrélation avec celles qui viennent d’être rappelées. Le travail manuel est méprisé et réservé aux esclaves dont la condition est souvent pitoyable. Le vice s’étale avec facilité et largement. Le suicide est considéré comme un acte de courage, propre à ceux qui font partie de l’élite de la société. Des philosophes permettent le concubinage et l’exposition des enfants, quand ils ne sont pas bien conformés ; s’ils condamnent l’ivrognerie, ils la tolèrent aux solennités de Bacchus. Aristote admet dans les temples des peintures immorales sur les dieux et ne compte pas la fornication parmi les vices. Le péché contre nature est si commun qu’il ne révolte pas. S’il est condamné par la « diatribe » cynique, celle-ci ne laisse pas d’autoriser, même en public, les vices les plus répugnants.

Saint Paul, dans l’épître aux Romains, insiste sur la méconnaissance coupable du vrai Dieu et en signale les funestes conséquences : « Aussi Dieu les a-t-il livrés (les gentils), au milieu des convoitises de leurs cœurs, à l’impureté, en sorte qu’ils déshonorent entre eux leurs propres corps… C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions d’ignominie : leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature, de même aussi les hommes, au lieu d’user de la femme, selon l’ordre de la nature, ont dans leurs désirs brûlé les uns poulies autres, ayant hommes avec hommes un commerce infâme… » Saint Paul continue longuement l’énumération des désastres d’ordre moral qui proviennent de la méconnaissance de Dieu. Rom., i, 21 sq.

Les erreurs sur les vérités religieuses intellectuelles et morales dont on vient de lire une brève esquisse, peuvent-elles être humainement redressées ou par des hommes de génie ou par l’action des collectivités publiques.

2. Les remèdes. —

a) L’action des particuliers.

Il ne semble pas que cette action ait eu quelque efficacité. S’il se rencontre à divers moments, soit dans l’Inde avec le bouddha, soit dans la civilisation grecque primitive, avec l’orphisme, soit en Perse, avec Zoroastre, soit dans le monde gréco-romain à l’époque des Sévères, de vraies tentatives de réforme religieuse, ces efforts demeurèrent sans grand résultat, à cause des obstacles beaucoup plus forts qui s’opposaient à leur épanouissement. D’autre part les prêtres et les philosophes de l’antiquité les plus illustres par leur génie et leur autorité ne pouvaient pas et ne voulaient pas remédier à la situation de dépravation générale.

Ce leur était impossible parce qu’il leur manquait la science suffisante de toutes les vérités religieuses naturelles et qu’ils tombaient parfois eux-mêmes dans les erreurs pratiques les plus graves. Cf. S. Augustin, De civ. Dei, t. XVIII, c. xli, P. L., t. xli, col. 001. Par ailleurs, si quelques-uns sont parvenus à découvrir le monothéisme, aucune école, dans son ensemble, n’a enseigné un monothéisme pratique, religieux.

Les systèmes philosophiques qui ont propagé les idées les plus élevées et les plus parfaites, comme le stoïcisme et le néoplatonisme, ont eux-mêmes subi, au cours des temps, l’influence des religions à mystères et ont abouti à des synthèses mystico-philosophiques. Impuissants à vaincre les difficultés qui s’opposaient à la conservation des conceptions religieuses qu’ils avaient élaborées, comment auraient-ils pu guider les hommes et permettre à ceux-ci de redresser leurs erreurs ?

Ceci apparaît encore davantage quand on songe aux désaccords qui existaient entre les philosophes sur les points capitaux, et à leur passion de discuter de tout sur la place publique, sans arguments capables d’être saisis rapidement par la foule. Même s’ils se trouvaient du même avis, le désaccord de leur vie avec leur doctrine ruinait leur crédit et leur autorité. Lactance, Instit. divinæ t. III, c. xvi, P. L., t. vi, col. 395 ; S. Augustin, De civ. Dei, t. XVIII, c. xi.i. P. L.. t. xli, col. 601.

Même s’ils l’avaient pu, ils n’auraient pas voulu enseigner aux autres. Les prêtres païens, en bien des pays, avaient des doctrines secrètes qu’ils ne révélaient jamais aux profanes et imparfaitement aux seuls initiés. Souvent même les philosophes haïssaient la foule et se contentaient de quelques disciples, estimant que le peuple devait rester dans l’ignorance. Cicéron n’écrivait-il pas : Est enim philosophia paueis contenta judicibus, multitudinem consulta ipsa fugiens, eique ipsi et suspecta et invisa. TuscuL, 1. II. c. i. A quoi fait