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RÉ VÉL ATI N. N É CESSITÉ

2003

a. 10 ; Cont. (jent., I. I, c. iv ; voir aussi Suarez, De gratta, 1. 1, c. i, n. 9. Se reporter aussi à l’article Religion, ci-dessus, col. 2288 sq.

Sans doute l’homme, puisqu’il a la connaissance naturelle des premiers principes (S. Thomas, Cont. (/eut., t. II, c. lxxxiii ; I », q. cxvii, a. 1 ; De veritate, q. xi, a. 1), peut arriver, dans la théorie, à acquérir par le raisonnement un certain nombre de données religieuses sur l’existence d’une cause première et d’un suprême législateur (I a -H æ, q. xciv, a. 2, primum principium rationis practicæ : bonum est faciendum, malum vitandum) ; il peut arriver à des certitudes sur le libre arbitre et même sur l’immortalité de l’âme (intellcetus differt a sensu prout apprehendit esse, non solum sub hic. et non, sed esse absoluic et secundum omne tempus. Unde omne habens intcllectum naturaliter desiderat esse semper, I », q. lxxv, a. fi), sans d’ailleurs connaître les conditions de la vie future. Mais ceci est le fait d’une minorité, car peu d’hommes ont des dispositions pour le savoir ; d’autres sont retenus par les obligations de la vie privée familiale ou sociale et manquent de temps pour réfléchir.

Par ailleurs, la profondeur de ces vérités, qui exige une longue préparation et l’acquisition de nombreuses notions, suppose chez l’homme un effort sérieux et persévérant que la paresse vient souvent entraver. Il faut tenir compte aussi, ajoute saint Thomas, du temps de la jeunesse pendant lequel l’âme est en butte aux luttes violentes des passions et préfère s’abstenir de la discussion des problèmes ardus.

Enfin, l’intelligence humaine, incapable de surmonter tous les préjugés extérieurs et les troubles qu’ils apportent dans l’imagination, risque facilement de mêler l’erreur à ses jugements. Bien des questions restent sans solution nette, ou bien la réponse qui leur est faite n’atteint pas à la certitude requise en ces matières de première importance : Homo discursu suo naturali pauca cognoscit evidenter et quarn plurima probabiliter seu verisimiliter, et rc.gulariter per solatn rationem probabilem et auctoritatem humunam profert definitum judicium ; ergo laie judicium est expositum de se falsitati, ergo naturaliter fteri non potest, quin in ttmttt multitudine judic.iorum non s : rpe errel, nisi superiori auxilio custodiatur, maxime quia swpe /al sa sunt probabiliora veris. Suarez, De gratia, I. I, c. i, n. 9.

Pour toutes ces raisons, la connaissance des vérités religieuses d’ordre naturel est difficile, Certains individus y atteignent, mais pratiquement elle ne peut pas être acquise par l’ensemble dcl’luimanité. Par ailleurs, comme aucune discipline d’ordre naturel ne permet d’y parer, cette imposibilité de fait où se trouve le genre humain de parvenir à une connaissance d’ensemble, postule comme moralement nécessaire l’intervention d’un moyen supérieur. Sans doute en quelques catégories d’individus tels que les enfants, les faibles d’esprit, les fous, il y a une véritable impossibilité physique, transitoire ou définitive, mais ceux-ci ne constituent qu’une minorité, un accident par rapport à l’humanité entière, insullisanle pour dire que la révélation est physiquement nécessaire. Le schème primitif de la constitution Dti Filins du Vatican marquait rie la manière qui suit la nécessité morale de la révélation :

Per se possunt ex naturali quoque Del manifestatione cognosci. At tamen pro génère liumano in prresenti conditione ad lias veritate* debtto tempoi-e. sullicienti c-.laritate et plena certttudine, sine admixtione errorum assequendas, eæ sunt difficultates, ut potentia plivsica generatim non perdurai ur ad ac.tuui sine spécial ! adjutorio. DifQcultates iia comparâtes constituunt Impotentlam moralem cul respondet inoialis nécessitas adjutorll. Hoc autem adjutorium spéciale in commun) providentla proeæntia onlinis natura ; élevais consistil in Ipsa supernaturall revelatlone. Ergo hœc nxciatio tpioad Qlas quoque verltatei per se rationales in prsesenti ordine censeri dehet humano geneii moralité ! necessaria… Videlicet per ipsam revelationem tollitur moralis Impotentia atque adeo redditur luimano geneii cognitio moraliter possibilis, Coll. Laçons., t. vii, col. 524.

Dieu, dans sa toute-puissance, était à même d’aider l’homme de bien des manières. Il aurait pu éclairer et fortifier chaque intelligence en particulier, ou susciter quelques hommes de génie qui auraient été les maîtres de leurs semblables. En fait, voulant que le genre humain, dans son ensemble, parvînt à une connaissance certaine, facile et large, des vérités religieuses et morales, il a librement choisi la révélation. C’est pourquoi celle-ci est moralement nécessaire, au sens large ; selon la terminologie thomiste, elle n’est qu’hypothétique, c’est-à-dire qu’elle est conditionnelle, vu qu’elle dépend entièrement de la volonté de Dieu. Sans doute dans l’état de nature pure il est dû à l’homme qu’il ait tous les moyens pour parvenir à sa fin dernière naturelle. Mais dans la situation actuelle du genre humain, à cause de l’influence du péché originel, ceci n’apparaît plus aussi clairement. Chr. Pesch, Prsel., t. i, n. 174177 ; Garrigou-Lagrange, De revelalione, cf. S. Thomas, De veritate, q. xviii, a. 2. Sur ce point le schème du concile du Vatican est également suggestif :

l’A quo tamen non sequitur… in statu naturse purse tulurum fuisse ut liomines revelatione indiguissent, etiamsi eorum vires naturales non superassent nostras. Alia enim [uisset providentia ordinis natura ; pur » - qua non quidem rcvelatio exstitisset, sed alia tamen subsidia oblata essent, quibus cognitio rcrum divinarum etiam moraliter esset possibilis. lbid.

Démonstration par l’histoire.


1. Les faits. —

Toutes les difficultés rapportées dans l’énoncé de la preuve philosophique se concrétisent dans les faits. Ceux-ci d’abord montrent d’une manière tangible les obstacles pratiques rencontrés par les hommes dans l’acquisition des vérités religieuses et des préceptes moraux d’ordre naturel, ils montrent dès lors la nécessité morale, au moins au sens large, de la révélation divine. Loin d’attester le progrès régulier et continu des idées religieuses, l’histoire nous fait assister, sur trop de points, à de pénibles régressions qui font évoluer celles-ci du bien au médiocre et au mal. Cette dégénérescence pourrait presque être considérée comme une loi universelle qui se manifeste même chez les peuples dont la culture est la plus évoluée. La Grèce antique en oll’re un exemple marquant. Elle l’emportait certainement sur les autres par la puissance de la science et des arts ; or, contrairement à ce que l’on pourrait attendre, la culture hellénique fut fort en défaut dans le domaine de la religion.

Nous n’entendons pas discuter ici la question, déjà soulevée à l’art. Religion, de savoir si les peuples dits « primitifs » ont eu, en fait de religion, des concepts supérieurs à ceux qui se rencontrent en des civilisations plus évoluées. L’exemple de ce que l’on a nommé le « miracle grec » montre assez que le genre humain, même lorsqu’il s’applique avec intérêt et grand soin aux ques t ions cultuelles, est incapable de parvenir à une connaissance suffisante. Les écrits, les œuvres d’art, les travaux de la vie quotidienne, privée, familiale et sociale, permettent de se rendre compte des erreurs profondes dans lesquelles sont tombés les peuples qui vivaient de cette civilisation grecque, admirable par tant de traits, il en est de même des autres cultures antiques moins développées. Sans entrer dans le détail, il importe cependant de faire quelques constatations qui marquent l’indigence de la raison humaine.

Les ailleurs sacrés ont eux-mêmes déjà insisté sur Les divagations religieuses de l’esprit humain. Au ii c siècle avant le Christ, l’auteur de la Sagesse insiste en particulier sur certaines erreurs. Sa])., xm-xiv. Les Romains rendent des hommages aux forces de la