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    1. RÉVÉLATION##


RÉVÉLATION. NÉCESSITÉ

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insurmontable dans les conditions ordinaires de la vie, on parle de nécessité morale.

Bien que des auteurs s’en tiennent là, il est bon de distinguer encore. Un moyen est moralement nécessaire au sens strict, quand les difficultés externes ou internes qui s’opposent à ce qu’une fin soit atteinte sont telles qu’aucun homme n’y parvient jamais, bien qu’il en possède les moyens physiques. Si, au contraire, les obstacles ne sont pas trop grands et que quelques-uns au moins, ne serait-ce qu’une minorité, arrivent à les surmonter, il n’y a plus que nécessité morale au sens large. Dieckmann, De revelatione christiana traclatus philosophico-historici, n. 318 ; Ottiger, Theologia fundamentalis, t. i, p. 92.

Après l’exposé de ces notions préliminaires, il est plus facile d’aborder l’étude du nouveau problème : la révélation, qui est possible, est-elle nécessaire ? A cette question les réponses sont diverses. Celle des rationalistes est négative : cette attitude est conforme à leur conception sur la possibilité. D’autres répondent affirmativement, mais parfois en exagérant, c’est le cas des immanentistes qui en font une exigence de la nature et des fidéistes traditionalistes, qui diminuent à l’excès la capacité intellectuelle de l’homme. La doctrine catholique est beaucoup plus nuancée.

II. LES OPINIONS HETERODOXES. —

Les partisans de l’immanence.

L’encyclique Pascendi dominici gregis, du 18 septembre 1907, fait à certains partisans de la méthode d’immanence le reproche de paraître admettre dans la nature humaine non seulement une capacité et une convenance à l’ordre surnaturel, mais une véritable exigence de celui-ci.

Ce faisant, les immanentistes accordent trop, dit l’encyclique, à l’indigence de la nature humaine : Hic autem queri vehementer nos ilernm opurlet, non desiderari e catholicis hominibus, qui quamvis immanentiæ doctrinam ut doctrinam rejiciunt, eu tamen pro apologesi utuntur, idque adeo incauti faciunt, ut in natura Illumina non capacilatem solum et convenientiam videuntur admittere ad ordinem supernaturalem, quod quidem apologetie catholici opportunis adhibilis temperationibas demonstrarunt semper, sed germanam verique nominis exigentiam. Denz-Bannw., n. 2108. Voir aussi les propositions 7 et 8 condamnées le 1 er décembre 1924 par le Saint-Office, prop. 7 : Non possumus adipisci ullam veritatem proprii nominis quin admittamus existentiam Dei, immo et revelationem ; prop. 8 : Valor quem habere possunt hujusmodi argumenta (logica, pro existentia Dei, credibilitate religionis christianœ) non provenit ex eorum evidentia seu vi dialectica sed ex exigentiis subjectivis vitæ vel actionis, quie ut recle evolvantur sibique cohæreant, his veritalibus indigent. Semaine religieuse de Quimper, 27 février 1925.

Les fidéistes et traditionalistes.

Leur erreur, chronologiquement antérieure à celle des partisans de l’immanence, ne retiendra pas davantage notre attention, mais nous acheminera à la thèse catholique. Les partisans du fidéisme, tels que Lamennais, Bautain et Bonnetty, prétendent, avec plus ou moins de nuances et réserves, que, sans la foi divine, la raison est incapable d’avoir une certitude sur l’existence de Dieu et les vérités religieuses d’ordre naturel. Cf. A. Vacant, Études sur le concile du Vatican, t. i, p. 139 sq. Les fidéistes ont été appelés traditionalistes, parce que, d’après eux, la révélation primitive a été transmise à divers peuples et conservée par la tradition.

Bautain dut reconnaître les capacités de la raison et souscrire, le 8 septembre 1810, aux propositions qui condamnaient le fidéisme : Ratiocinatio potest cum certitudine probare existentiam Dei et infinitatem perfeclionum ejus. Filles, donum en-leste, posterior est revelatione ; hinc non potest allegari contra atheum ad probandam Dei existentiam. Denz.-Bannw., n. 1022 sq.

Par un décret de la S. C. de l’Index, en date du Il juin 1855, le traditionalisme de Bonnetty fut également réprouvé. De ce document nous ne retiendrons que ce texte positif : Rationis usus fidem preecedit et ad eam ope revelationis et gratise conducit. Denz.-Bannw., n. 1651.

Sous une forme plus mitigée, le fidéisme enseigne que l’homme n’est pas à même de parvenir à une connaissance certaine de Dieu par la raison, sans le secours de l’idée de Dieu, qui existe dans la société humaine et sans la réception de la foi, au moins humaine, (irandcrath, Constitutiones dogmaticæ s. œcum. concilii Vaticani, Fribourg, 1892, p. 37. La révélation parait ici être estimée comme un complément nécessaire de la raison, et c’est ainsi que quelques auteurs qui ont partagé cette opinion en sont venus à confondre les ordres naturel et surnaturel. Granderath, ibid., p. 30. Voir pour plus de détails l’art. Foi, vi, t. vi, col. 171-236.

III. LA POSITION CATHOLIQUE. —

Le traditionalisme a été condamné par le concile du Vatican. Celui-ci enseigne, en effet, que la raison humaine, considérée en général et même dans l’état de déchéance auquel l’a réduite le péché, peut certainement connaître Dieu : Deum… naturali humaine rationis lumine a rébus creatis certo eognosci posse ; « invisibilia enim ipsius, a « creatura mundi, per ea quæ facta sunt, ùitellecta, conspitciuntur » (Rom., i, 20) ; attamen placuisse ejus sapientise et bonitati, alia eaque supernaturali via se ipsum ac eeterna voluntatis suæ décréta humano generi revelare… Sess. m. De fuie. Denz.-Bannw., n. 1785.

En second lieu, il détermine quelle est la nécessité de la révélation dans la connaissance des vérités religieuses d’ordre naturel : Huic divins revelationi tribuendum quidem est, ut ea quæ in rébus divinis luimanarationi per se impervia non sunt, in prsesenti quoque generis liumani conditione ab omnibus expedite, firma certitudine et nullo admixto errore eognosci possinl. Non bac tamen de causa revelatio absolute necessaria dicenda est, sed (plia Deus ex in/inita bonitate sua ordùiavit hominem ad jinem supernaturalem, ad participanda scilicet bona divina, quæ humante mentis intelligentiam omnino superant… Denz.-Bannw., n. 1786.

Étant supposé et admis que Dieu veut l’élévation de l’homme à l’état surnaturel, la révélation des mystères et des vérités ou préceptes moraux de cet ordre est hypothétiquement, mais strictement nécessaire. Laissé, en effet, aux propres lumières de sa raison, l’homme est incapable d’atteindre ce qui le dépasse. C’est pourquoi la révélation est indispensable pour lui faire connaître non seulement qu’il existe un ordre surnaturel et qu’il est lui-même destiné à y être élevé, mais aussi que tels moyens déterminés lui permettront d’atteindre librement et avec certitude la nouvelle fin proposée à son activité. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 1} II a -Ilæ, q. ii, a. 3.

La révélation des mystères et des vérités d’ordre surnaturel est donc hypothétiquement mais strictement nécessaire. Celle des vérités religieuses d’ordre naturel, du fait que celles-ci sont accessibles à la raison humaine, ne saurait être de nécessité physique. Elle est seulement nécessaire moralement et encore dans un sens assez large. Nous l’établirons par la preuve philosophique et par la démonstration historique.

Preuve philosophique.


Bien des obstacles s’opposent, en fait, à ce que le genre humain parvienne à connaître l’ensemble des vérités religieuses et les préceptes moraux d’ordre naturel ; tout au moins ces obstacles en retardent-ils l’acquisition. Celle-ci pour être convenable, exige, à coup sûr, du temps et du loisir, des. études approfondies et un talent suffisant. S. Thomas, Sum. theol., l a, q. i, a. 1 ; IIa-IIæ, q. ii, a. 4, qui apporte un développement au premier texte ; De veritate, q. xiv,