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    1. RÉVÉLATION##


RÉVÉLATION. NÉCESSITÉ

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La volonté tire également avantage de la révélation. Elle y est tout entière orientée vers le Seigneur. Du fait que celui-ci est la règle absolue de la vie bonne et honnête, la fin poursuivie est véritablement sublime. Pour que l’homme, sur cette terre, prenne Dieu comme guide de sa vie, les motifs d’action les plus efficaces, tels que la miséricorde et la bonté divines, lui sont dévoilées.

Tous ces arguments de convenance de la révélation immédiate témoignent donc en faveur de sa possibilité. En est-il de même de la révélation médiate ?

II. POSSIBILITÉ DE LA RÉVÉLATION MÉDIATE.

Il s’agit, on se le rappelle, de cette communication des vérités révélées qui se fait, non plus directement — Dieu parlant aux grands inspirés — mais par ceux-ci à la masse de l’humanité. C’est le cas général. De cette manière d’instruire, tout comme de la précédente, l’on peut dire que loin de « répugner » à la nature de l’homme elle lui convient tout au contraire.

Elle ne répugne pas.


Pour que la révélation médiate soit possible, il suffit que Dieu veuille utiliser le procédé courant parmi les hommes de l’enseignement mutuel, qu’il donne à ceux qu’il choisit pour ministres les secours nécessaires, tels que l’inspiration pour le prophète et l’infaillibilité pour l’Église, afin que les vérités dévoilées soient annoncées et propagées fidèlement dans leur substance sans oubli, enfin qu’il confirme leur mission auprès de ceux auxquels ils sont envoyés. La révélation médiate n’est pas humaine, mais divine, car le légat n’agit pas de sa propre autorité : des signes indubitables établissent d’ailleurs qu’il parle, non point en son nom, mais au nom de Dieu, dont il n’est que l’instrument : operatio autem inslrumenti attribuitur principali agenti, in cujus virtute instrtimentum agit. Snm. theol., II a -II®, q. clxxii, a. 2, ad 3um. C’est pourquoi le nombre des envoyés authentiques par lesquels nous parvient la révélation divine importe peu, vu que Dieu, cause principale, dispose des moyens nécessaires pour que les vérités révélées nous soient communiquées sans corruption. La révélation médiate ne répugne donc pas. Elle convient même à la sagesse divine et à la nature sociale de l’homme et cela confirme sa possibilité.

Elle est au contraire d’une suprême convenance.


Pour être conforme à l’action de la providence, qui gouverne généralement les inférieurs par les supérieurs, remarque saint Thomas, la révélation devait être transmise aux hommes par des ministres : Quantum autem ad secundum (c’est-à-dire l’ordre d’exécution du plan divin) sunt aliqua média divins providentise, quia injeriora gubernat per superiora, non proplcr defectum suse virtutis, sed proplcr abundantiam suse bonitatis, ut dignitatem causalitalis etiam creaturis communicet… haberc minislros exécutons suie providentiæ pertinct ad dignitatem regis. Sum. theol., I a, q. xxii, a. 3 ; cf. Ia-II », q. exi, a. 1 et 4 ; III a, q. lv, a. 1.

Il ne convenait pas non plus que la révélation fût faite immédiatement à tous, à cause des dispositions requises chez celui qui la reçoit : Nom ad prophetiam requiritur maxima mentis elevatio ad spirilnaliiim contemplai ionem ; quæ quidem impeditur per vehementiam passionum, et per inordinatam occupalionem rerum exteriorum. II ft -II », q. clxxii, a. 1. Au fait, les grands inspirés, tout comme les génies, sont rares dans le monde ; c’est par eux que se fait l’ascension de l’humanité ; ils sont, au point <le vue moral et religieux, le levain qui fait fermenter la masse lourde et froide de leurs contemporains.

L’homme est aussi un être social qui doil beaucoup de son éducation et de son instruction à l’activité de ses semblables. Les progrès de l’humanité, les plus matériels comme ceux d’un ordre supérieur, ne s’obtiennent d’ordinaire que par l’union entre les hommes et leur subordination intellectuelle. C’est un trait de nature très général, que les uns communiquent aux autres ce qu’ils savent et qu’il est nécessaire ou utile de connaître : les parents le font vis-à-vis de leurs enfants, comme les maîtres à l’égard de leurs élèves, et ceux qui sont riches en expériences de tout ordre par rapport à ceux qui le sont moins. Puisque l’ordre surnaturel ne détruit pas l’ordre naturel, mais au contraire le perfectionne, il était normal que la révélation nous fût également communiquée par nos semblables. L’homme est ainsi appelé à coopérer à l’œuvre religieuse et à reconnaître qu’il demeure, en ce domaine plus qu’en tout autre, soumis à l’autorité de Dieu.

Sans doute la révélation aurait pu être faite à chaque individu. Dans cette hypothèse, qui n’a même pas le mérite de la vraisemblance, on se serait trouvé en face non d’une société religieuse, mais d’une multitude confuse de croyants. A part le lien de la même foi qui les aurait unis, chacun d’eux aurait été pour tout le reste indépendant. De telles conceptions pouvaient se produire à une époque où la philosophie considérait la société comme une juxtaposition d’hommes abstraits ayant tous, en théorie, mêmes facultés, mêmes besoins. L’école sociologique — rendons-lui cette justice — a définitivement exorcisé ces concepts créés par le rationalisme classique. Que la religion soit essentiellement chose sociale, c’est ce qu’elle met en pleine lumière, et de ce chef la voici qui s’accorde avec les théologiens les plus conservateurs ; cf. Ottiger, Theolog. fundamenl., t. i, p. 80-85 ; G. Wilmers, De religione revelata, p. 5256 ; Muncunill, Tract, de vera relig., p. 48-52 ; Garrigou-Lagrange, De revelatione, t. i, p. 332-336.

La révélation médiate, plus que celle qui est faite directement, laisse à l’homme une plus grande latitude pour donner ou refuser son adhésion ; elle lui fournit ainsi une occasion d’exercer les vertus d’humilité et d’obéissance, à l’égard de ceux qui lui annoncent la vérité. La convenance de la révélation médiate avec la nature sociale de l’homme et les habitudes ordinaires de la vie du progrès intellectuel de l’humanité milite donc fortement en faveur de la possibilité et met celle-ci hors de doute aussi bien que celle qui est faite immédiatement par Dieu.

III. La nécessité de la. révélation.

Nous dirons : ce qu’il faut entendre par nécessité ; quelles sont au sujet du problème de la nécessité de la révélation les opinions hétérodoxes ; quelle est enfin la position catholique.

I. qu’est-ce que la NÉCESSITÉ ? —

Selon la doctrine aristotélicienne, est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être. Un moyen l’est, par rapport à une fin, quand il est exclusif et unique et que sans lui il est impossible d’atteindre la fin en question.

La nécessité est absolue ou hypothétique ; voir S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lxxxii, a. 1. Elle est absolue si elle dérive des causes intrinsèques d’une chose : elle correspond alors à une impossibilité métaphysique ou mathématique. Il est nécessaire qu’un triangle soit composé de trois angles égaux à deux droits. La nécessité est hypothétique quand elle dépend des causes extrinsèques, à savoir de l’agent d’exécution ou de la fin poursuivie. Si elle est en dépendance du premier, il y a nécessité hypothétique de coaction, si elle l’est du second, la nécessité est stricte ou morale.

La nécessité hypothétique stricte qui est souvent appelée par certains auteurs nécessité physique, correspond à une impossibilité physique. La nourriture est une chose absolument nécessaire, car sans elle l’être ne peut vivre. La vue est incapable de percevoir un objel sans l’intermédiaire nécessaire de la lumière. Si un moyen ne présente qu’une très grande utilité pour l’obtention d’une fin et pare à une impuissance morale, qui n’est rien d’autre qu’un grand obstacle, de fait