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    1. RÉVÉLATION##


RÉVÉLATION. POSSIBILITÉ

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tence lui est imposée par les faits, de même nous pouvons affirmer à la suite de saint Thomas, que la connaissance imparfaite des mystères est supérieure à une ignorance totale : De rébus nobilissimis quantumcumque imperfecta cognitio maximam perfectionem animée confert ; et ideo quamvis ea, quæ supra ralionem sunt, ratio humana plene capere non possit, tamen muttum sibi perfectionis acquirit, si saltem ea qualitercumque, teneat fide. Cont. gent., t. I, c. xv.

c. L’homme est capable d’être élevé et illuminé surnaturellement. —

Pour que l’adhésion aux mystères soit surnaturelle et donnée avec certitude, sans crainte d’erreur, il faut que l’intelligence créée soit éclairée par une lumière surnaturelle. Celle-ci ne peut pas actuellement se représenter Dieu comme il est en soi, ce qui répugnerait, mais y tend essentiellement.

La nature humaine est capable d’être élevée à l’ordre surnaturel, c’est ce que les théologiens appellent sa puissance obédientielle. Rien ne permet de rejeter cette puissance. Sur ce sujet saint Thomas s’exprime en ces termes : Sensus quidem, quia omnino materialis est, nullo modo elevari potest ad aliquid immuteriale, sed intellectus noster, vel angelicus, quia secundum naturam a maleria aliqualiter elevatus est, potest ultra suam naturam per gratiam ad aliquid altius elevari. Et hujus signum est, quia visus nullo modo potest in abstractione cognoscere id quod in concrelione cognoscit ; nullo enim modo potest percipere naturam, nisi ut hanc. Sed intellectus noster potest in abstractione considerare id quod in concretione cognoscit…, considérât enim ipsam rerum formam per se, imo… ipsum esse secernit per abstractionem. Et ideo cum intellectus creatus per suam naturam natus sit apprekendere formam concretam et esse concretum in abstractione per modum resolutionis cujusdam, potest per gratiam elevari ut cognoscat esse separatum subsistais. Sum. theol., 1^, q.xii, a. 4, ad 3um.

La puissance obédientielle n’est pas immédiatement et naturellement ordonnée à un acte ou à un objet, mais elle exprime la relation possible d’un être déterminé avec un agent d’une nature supérieure à qui il obéit. Remarquons-le enfin, en l’homme il n’y a pas d’ordination positive aux actes surnaturels ; sinon ladite ordination serait à la fois naturelle, comme propriété de la nature, et essentiellement surnaturelle en tant qu’elle serait spécifiée par l’objet surnaturel et il y aurait confusion des deux ordres.

La révélation des mystères proprement dits, qui s’énoncent en concepts analogiques, est donc possible, car elle ne répugne ni à la nature de Dieu, ni à la raison humaine, élevée et éclairée surnaturellement. Cela apparaît plus nettement encore quand il est tenu compte de sa convenance.

2° La convenance de la révélation est un argument en laveur de sa possibilité. —

Les rationalistes estiment que la révélation, même si elle est possible, ne convient pas pour plusieurs raisons. Si elle existait, elle serait un obstacle au progrès des connaissances scientifiques, étant donné qu’elle impose un ensemble de doctrines qui doit demeurer sans changement. Pour ce qui concerne les vérités d’ordre naturel, elle est superflue, attendu que la raison y parvient par elle-même. Quant à la révélation de vérités d’ordre surnaturel, elle détruirait l’autonomie de la raison, en exigeant la foi à des mystères qui demeurent incompréhensibles.

Pas plus que la création du monde, la révélation n’est un acte nécessaire. Elle procède de la libre volonté de Dieu et lui convient, car elle est non seulement une manifestation des perfections divines, que les vérités dévoilées permettent de mieux entrevoir, mais aussi une nouvelle communication de biens, faite à la créature humaine. La révélation convient aussi à l’homme, car elle lui est utile par l’avantage intellectuel et moral qu’elle lui apporte. L’intelligence, qui est avide de savoir, est perfectionnée par l’acquisition des vérités qui lui sont apprises. Celles-ci concernent la religion, c’est-à-dire l’ensemble des rapports à établir entre la créature raisonnable et Dieu. Cet enrichissement réel et manifeste dans un domaine où l’homme, malgré ses efforts, a des connaissances naturelles si limitées, est d’autant plus apprécié que l’acte de foi, par lequel on y adhère, écarte tout doute, toute erreur. Pie IX a marqué cette utilité universelle de la révélation quand, dans le Syllabus, il a réprouvé la proposition suivante : Christi fuies human.se refragatur rationi, divinaque revelatio non solum nihil prodest, verum etium nocei iwminis perfectioni. Prop. G, Denz.-Rannw., n. 1706.

La révélation éclaire l’homme sur le culte privé, familial et public qu’il doit rendre au Seigneur. Le concile du Vatican l’a rappelé en prononçant l’anathème contre ceux qui le nieraient : Si quis dixerit fierinon posse aut non expedire, ut per revelationem divinam homo de Deo eultuque ei exhibendo cdoceatur, anathema sit. Sess. iii, De révélât., can. 2, Denz.-Rannw., n. 1807.

Enfin sa dernière utilité dans la pratique de l’action religieuse est de favoriser l’intimité de l’homme avec Dieu, car, ainsi que l’a déclaré le Christ, la communication des secrets se fait largement entre lui et les apôtres qu’il déclare élevés par là même au rang de ses amis : « Je ne vous appellerai plus, désormais, des serviteurs ; le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous appelle mes amis parce que tout ce que j’ai appris de mon Père je vous l’ai fait connaître. » Joa., xv, 15.

D’une certaine manière l’homme y trouve aussi son bonheur et une légitime satisfaction : puisque, dit saint Thomas, ce que nous percevons des êtres supérieurs est peu de chose, sans doute, mais est beaucoup plus aimé et désiré que toute connaissance sur les êtres inférieurs. Cont. gent., t. I, c. v : De rébus nobilissimis quantumeumque imperfecta cognitio maximam perfectionem animas conferi.

Ce qui est vrai des vérités surtout religieuses d’ordre naturel, révélées par Dieu, l’est aussi à plus forte raison de celles qui dépassent les capacités de la raison. Leur connaissance, même imparfaite, nous donne d’abord l’occasion d’exercer bien des vertus comme celles d’humilité, de foi et de religion en particulier. "Par le Christ Jésus, dit saint Pierre, les plus grandes, les plus magnifiques promesses nous ont été faites, afin que, par elles, devenus participants à la nature divine, vous échappiez à la corruption de ce monde. » II Pet., i, 4.

Par la révélation divine s’éclairent ainsi mutuellement les diverses vérités religieuses ; bien des problèmes de première importance, à coup sûr, tels que ceux de la prédestination, de la providence, de l’origine du mal. de l’immortalité, de la fin de l’homme, etc., sur lesquels la raison fournit sans doute quelques lumières, ne trouvent une solution complète et indubitable que grâce à la révélation des vérités d’ordre surnaturel. Le domaine des croyances religieuses se trouve ainsi amplifié.

Par suite enfin de la connexion qui existe entre les don nées de certains mystères etles nombreux problèmes de l’ontologie ou de la cosmologie — c’est le cas par exemple des concepts d’essence, de nature, de personne qui commandent le mystère de la trinité, des concepts de substance et d’accident qui se trouvent impliqués dans le mystère eucharistique — la révélation excite l’esprit à travailler pour saisir l’harmonie des nouvelles connaissances fournies avec celles du monde créé et profite ainsi indirectement aux autres disciplines humaines, tout spécialement à celles d’ordre spéculatif. Gutberlet. Lehrbuch der Apologetik, t. ii, p. 31.