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    1. RÉVÉLATION##


RÉVÉLATION. POSSIBILITE

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diate à Dieu est le fondement même de notre autonomie relative, car, de la sorte, l’intelligence n’est pas enfermée dans l’ordre des phénomènes et notre volonté demeure indifférente et libre en face des biens particuliers, qui ne sont pas à même de la satisfaire. I », q. lxxxiii, a. 1 ; I a -II « , q. x.

Nous saisissons dès maintenant combien est fausse l’opinion de plusieurs défenseurs de l’immanence selon lesquels aucune vérité ne peut enrichir notre esprit, si elle n’est pas postulée par une autre que nous avons perçue auparavant. Toute adhésion aux mystères proprement dits devrait en conséquence être considérée comme une abdication de la raison. C’est la pensée que E. Le Roy exprime en ces termes : « Ainsi, aucune vérité n’entre jamais en nous que postulée par ce qui la précède à titre de complément plus ou moins nécessaire, comme un aliment qui, pour devenir nourriture effective, suppose chez celui qui le reçoit des dispositions et préparations préalables, à savoir l’appel de la faim et l’aptitude à digérer. » Le Roy, Dogme et critique, Paris, 1907, p. 9-10. Cette attitude intellectuelle est gravement erronée, car le mot « postuler » prête à très grande équivoque. Sans doute il est impossible qu’une vérité nous soit proposée extrinsèquement, si nous n’avons pas déjà dans l’esprit des idées par lesquelles nous soyons à même d’en concevoir le sens, au moins d’une manière analogique. Mais il n’est nullement requis qu’elle soit en stricte et étroite connexion avec nos connaissances antérieures, ou exigée par ces dernières. Il suffit qu’entre celles-ci et celle-là, qui est nouvellement manifestée, il n’y ait pas de contradiction. Cela apparaîtra mieux encore quand nous aurons établi que la révélation ne répugne pas du côté de l’objet.

3. La révélation est possible du côté de l’objet, même s’il s’agit de mystères.

Tant que l’on envisage seulement les vérités d’ordre naturel, il n’y a aucune difficulté sérieuse à admettre la possibilité de la révélation. En est-il de même quand il s’agit des mystères ? Pour répondre à cette question nous dirons d’abord ce qu’est un mystère proprement dit ; et nous montrerons ensuite que sa manifestation ne répugne pas. Pour plus de détails se reporter à l’article Mystère.

a) Ce qu’est un mystère.

Au sens où le prend la théologie, un mystère est une vérité cachée et secrète, dont la connaissance dépasse, soit absolument, soit relativement les forces de la raison.

Par accident, certaines choses outrepassent notre puissance intellectuelle, non parce que celle-ci est déficiente mais à cause des difficultés externes : la distance s’oppose, par exemple, à ce que nous saisissions les éléments qui se trouvent dans les étoiles, ainsi que leur nombre. Parmi les vérités d’ordre naturel, aucune n’est absolument et de soi au-dessus de l’intelligence humaine, puisque celle-ci est capable d’en connaître l’existence et les effets, tout au moins leur possibilité, bien qu’elle n’atteigne pas parfaitement leur nature intime ; c’est le cas, entre autres, des attributs divins. C’est pourquoi dans l’ordre naturel, il n’est question de mystères que dans une acception large.

Au sens propre, il n’y a de vérités mystérieuses qui dépassent entièrement la raison que dans le domaine surnaturel. Encore faut-il préciser. Ne sont déclarées telles, en théologie, que celles-là seulement dont l’homme ne peut démontrer l’existence, ni même la possibilité, soit avant, soif après la révélation (voir Franzelin, Trac tutus de sacramentis in génère, 1868, p. 131), dont, il est incapable d’appréhender, par les lumières naturelles et d’une manière positive, la nature intime, dont il ne peut expliquer, comme disent les logiciens, pourquoi et comment tel prédicat convient nécessairement à tel sujet et enfin qu’il n’est à même d’exprimer qu’à l’aide de concepts analogiques, (’.'est ce qu’Ottiger décrit ainsi : Ralioncm ejus indolis internée habendo, ita ut dicatur veritas, cujus subjectum quidem et prædicatum mens humana naturali sua vi partim saltem analogice coqnoscere possit, utriusque tamen nexum intemum, ejus scilicet et necessitatem et modum, non intelligat. Ottiger, Theologia fundamentalis, t. i, p. 54.

Le mystère exprime une chose incompréhensible ; mais il n’est pas obscur au point qu’une fois révélé nous ne saisissions absolument rien de sa raison et de son mode. La proposition qui l’énonce doit être suffisamment claire, pour que l’homme la distingue d’une affirmation contraire ou contradictoire et discerne que la notion du sujet et du prédicat, bien qu’analogique, est vraie cependant.

b) La manifestation de mystères ne répugne pas.

La révélation de mystères ne devrait être rejetée comme impossible que si elle répugnait à la nature de Dieu, si nos concepts n’étaient pas aptes à les exprimer analogiquement et proprement ou, enfin, s’il était irraisonnable d’admettre une lumière, surnaturelle quant à la substance, qui élèverait la vitalité de notre intelligence pour lui permettre d’y adhérer surnaturellement.

a. La manifestation de mystères ne répugne pas à Dieu. —

Pour Dieu, il n’y a pas de mystères, car il connaît tout. Quand il agit ad extra, c’est librement et selon sa vie intime : il a donc la puissance absolue de nous communiquer une participation de ses connaissances. Rien ne s’oppose à ce qu’il nous déifie, en quelque sorte, communicando consortium divinæ naturæ, per quamdam simililudinis participationem. Sum. theol., I a -II^, q. r.xii, a. 1.

L’homme, en effet, propose à son semblable bien des vérités dont la compréhension est parfois très obscure, et dont l’existence est admise pourtant sur sa seule autorité. Or Dieu, qui a donné à la créature ce pouvoir qui s’exerce sans difficulté excessive, le possède donc aussi lui-même a fortiori.

Par ailleurs, de très sages raisons motivent la révélation des mystères. Tout en montrant par là sa petitesse à l’intelligence humaine, Dieu apporte des solutions à de nombreux problèmes d’ordre philosophique et, loin d’annihiler notre faculté intellectuelle, il la perfectionne par l’amplitude et la certitude des connaissances dévoilées.

b. Les mystères peuvent être exprimés analogiquement. —

Du côté de l’objet aucune difficulté ne s’oppose à la révélation des mystères et ne la rend impossible. Assurément notre raison, avec ses notions naturelles et ses principes, est incapable de démontrer les mystères de la vie intime de Dieu, mais ne l’est pas pour les exprimer analogiquement et proprement (non pas par manière de symbole ou de métaphore) comme croyables, du fait que nous savons ce que sont le prédicat et le sujet et que nous avons quelque raison de joindre les deux termes de l’affirmation. L’adhésion repose non sur l’évidence intrinsèque, mais sur le témoignage divin. Ainsi les notions de procession, de paternité, de filiation, de spiration et de relations, par lesquelles nous exprimons, obscurément sans doute mais raisonnablement, le mystère de la sainte Trinité, n’entraînent aucune imperfection en Dieu même. Ce qui répugnerait serait d’affirmer qu’une idée créée, même infuse, représente l’Être lui-même, comme il e, st en soi, et que nous sommes à même de démontrer les mystères, alors que ceux-ci sont au-dessus de la virtualité de nos principes et de nos notions.

Sans doute une vérité n’est connue parfaitement que lorsque l’intelligence en saisit non seulement l’existence mais aussi l’essence et qu’elle l’exprime non en concepts analogiques, mais en idées claires. Toutefois, de même que le savant ne rejette pas comme irrationnelles les vérités physiques ou chimiques dont il n’appréhende pas la nature intime, mais dont l’exis-