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    1. REVELATION##


REVELATION. POSSIBILITE

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b) Elle est moralement possible. — En d’autres termes elle ne va pas contre ce que l’on nomme les attributs moraux de Dieu.

La révélation ne répugne pas à la sagesse divine, car l’homme y reçoit une aide précieuse. Grâce à elle ses connaissances religieuses et morales s’accroissent ainsi que sa certitude. Bien qu’il l’ait pu, en effet. Dieu n’a pas voulu créer des hommes parfaits : notre faiblesse montre que nous sommes perfectibles. Aussi rien ne s’oppose-t-il à ce qu’il obvie aux déficiences des facultés humaines et qu’il augmente leur état de perfection relative, par le moyen de la révélation. Celle-ci n’est pas une correction de son œuvre, mais un enrichissement. N’apporte-t-elle pas sur l’ordre religieux et moral, sur l’existence de Dieu, ainsi que sur ses perfections, sa bonté, sa providence paternelle, etc., des connaissances qui sont utiles et avantageuses pour le bien total de l’humanité et qui favorisent l’uniformité du culte divin quant à ses croyances, à ses préceptes et à ses rites. Cette élévation, encore relative sans doute, et qui n’est accordée sous l’empire d’aucune nécessité, fait éclater la sagesse du Seigneur, car elle manifeste sa bonté et sa bienveillance toute particulière à l’égard des hommes. Chr. Pesch, Presl., t. i, n. 156.

Enfin, la majesté divine, qui n’a pas été diminuée par la création, ne l’est pas non plus lorsque le Créateur communique sa pensée aux hommes par la révélation. Celle-ci est ainsi merveilleusement ordonnée à la gloire de Dieu, c’est-à-dire à la fin primaire nécessaire de toute action ad extra. Sous tous les rapports elle est donc compatible avec les perfections divines. L’est-elle aussi avec la nature de l’homme ?

2. Elle est possible du côté de l’homme. —

L’homme peut être le sujet de la révélation, la recevoir, s’il est à même de recevoir l’influence divine et de poser avec certitude un jugement sur l’origine des vérités qui lui sont présentées. Pour venir à l’existence et pour continuer d’être et d’agir, toute créature, même, et l’on peut dire surtout, la créature raisonnable, a besoin de Dieu. Ce concours nécessaire dans l’ordre nature’, à toute activité spontanée ou libre l’est aussi dans l’ordre surnaturel (pour certains, on le sait, la révélation est préternaturelle). Quand il se produit dans ce dernier domaine, il ne détruit pas le premier. C’est le cas des facultés qui interviennent dans la révélation et qui s’y trouvent perfectionnées en leur être et en leur activité, car l’action divine, qui est de soi infinie, ne l’est pas en son terme, vu qu’elle s’adapte à la nature finie du prophète.

L’intelligence, dont l’objet adéquat est constitué par le vrai et tout ce qui est connaissable, est sans doute imparfaite dans la créature raisonnable qu’est l’homme : elle dégage « l’intelligible » de cela seulement qui tombe sous les sens, unique source de ses représentations, et ne peut atteindre directement ce qui les dépasse. Malgré cela, elle est à même de connaître tout ce qui a raison d’être, rationem entis, encore que, pour beaucoup de choses, ce soit seulement par le moyen de l’analogie.

Généralement les agents inférieurs — et l’intelligence en est un — sont mus et perfectionnés par ceux auxquels ils sont naturellement soumis : in omnibus naturis ordinatis invenitur quod ad perfectionem natures inferioris duo concurrunt ; unum quidem quod est secundum proprium motum ; aliud autem, quod est secundum motum superioris natures. S. Thomas, Iia-IIæ, q. ii, a. 3. C’est pourquoi rien ne s’oppose à ce quel’intelligence du prophète soit mue instrumentalement par Dieu et illuminée subjectivement, afin de recevoir de nouvelles vérités et d’acquérir la certitude sur leur origine divine. La motion qu’elle subit reste conforme à sa nature et à sa tendance originelle, ainsi que le mode par lequel elle reçoit la révélation. Elle n’accepte pas la vérité à cause de son évidence intrinsèque, vu que celle-ci dépasse sa capacité, mais par un acte de foi en l’autorité divine. Aussi l’assentiment n’est-il pas donné d’une manière aveugle ; il repose sur des raisons sérieuses qui le motivent.

Enfin, si l’homme est capable de recevoir des connaissances de ses semblables plus savants, il peut à plus forte raison être instruit par Dieu, maître par excellence, d’autant que celui-ci en qualité de créateur est à même d’agir intérieurement sur son intelligence et d’augmenter ses capacités, ce dont est incapable le professeur qui enseigne. Wilmcrs, De religione revelata, p. 57 sq. ; Garrigou-Lagrange, De revelatione, t. i, p. 323.

L’homme peut d’ailleurs travailler sur les notions mêmes qui lui sont révélées, pousser sur elles plus à fond ses investigations, chercher les arguments pour les défendre et établir les relations qu’elles ont avec les vérités qui sont objet de connaissance directe.

Du côté de la volonté il n’y a pas non plus de difficulté, puisque celle-ci n’entre en jeu que d’une manière indirecte dans la révélation. Sa liberté y reste entière. Son autonomie, qui n’est que relative, vu qu’elle est soumise à Dieu en tant que créature, n’est détruite ni par l’émission de l’acte de foi, ni par les préceptes et les devoirs nouveaux, qui éventuellement lui sont imposés.

Sans doute ces obligations morales ne sont pas toujours agréables aux facultés inférieures. Parfois même, à cause de nia. l’homme visité par Dieu voudrait se dérober à la révélation. Un voit les prophètes de l’Ancien Testament se rebeller presque devant l’ordre divin, objecter au Seigneur leur impuissance à s’élever à la hauteur du message qui leur est confié, ’fous les grands mystiques ont connu cette terreur de l’humaine faiblesse smis la mainmise violente du Créateur. « Je mourrai, parce que j’ai vu Dieu », disaient les vieux Israélites. De cette parole on trouverait les échos dans tous les mystiques. Mais ces inconvénients ne constituent pas une impossibilité. L’être humain demeure dans l’ordonnance de sa fin quand il s’enrichit de connaissances sur la Vérité première et d’expériences morales relatives au souverain Bien. L’acte de révélation ne réduit donc pas les facultés humaines à un rôle passif.il exige leur coopération. L’homme, n’y est pas seulement patient, mais aussi agent : son autonomie n’est pas atteinte.

Contre les rationalistes, qui considèrent qu’il est indigne de l’homme d’être instruit par Dieu, les Pères du concile du Vatican, pour réprouver l’indépendance absolue de la raison humaine, ont lancé l’anathème suivant : Hominem ad cognitionem et perfectionem, quee naturalem superet, divinitus evehi non posse, sed ex se ipso ad omnis tandem veri et l’uni possessionem juyi profectu pertingere posse et debere. De revelatione, eau. 2, Denz.-Bannw., n. 1808. Ils ont proclamé aussi que la raison n’est pas indépendante au point de ne pas pouvoir être soumise à Dieu qui a le droit de lui imposer la foi : Si quis dixerit, rationem humanam ita independentem esse, ut fldes ci a Deo imperàri non possit : A. S.. De fide, can. 3, Denz.-Bannw., n. 1810. L’indépendance de nos facultés ne peut être complète, car notre intelligence et notre volonté demeurent soumises à la vérité incréée et à l’autorité suprême de Dieu. Saint Thomas y voit, à juste titre, pour la créature humaine un titre de gloire : Sala natura rationalis creata habet immediatum ordincm ad Deum, quia cœleree créature ? non attingunt ad aliquid universale, sctl solum ad aliquid particulare… Natura autem rationalis, in quantum cognoscit universalem boni et cutis rationem, habet immediatum ordinem ad universale essendi principium. Il^-IIæ q. ii, a. 3. Cette subordination immé-