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    1. REVELATION##


REVELATION. CONCEPTIONS ERRONÉES

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le monde, par une sorte d’incarnation de Dieu dans l’humanité et comme la conscience du monde subsistant en Dieu par une sorte de concentration de l’univers dans l’homme. » Quelques lettres, p. 150.

Par une réaction instinctive, l’émotion intérieure détermine chez le sujet une représentation imaginative ou intellectuelle conforme à sa mentalité particulière : il ne saurait donc plus ici être question d’une connaissance ab extrinseco ; une telle connaissance ne peut être reçue par l’homme, il faut absolument substituer à la notion traditionnelle de révélation extérieure et physique celle qui vient de l’intérieur. « Par rapport à ces conceptions et à ces visions, écrit Tyrrell, le sujet est à peu près aussi passif, aussi déterminé qu’au regard de l’émotion psychique, qui y est contenue. » Tyrrell, Righis and limits of theology, dans Quarterly Review, octobre 1905, p. 400 ; et aussi Through Scylla and Charybdis. Londres, 1907. p. 208.

Dès lors toutes les vérités religieuses sont implicitement contenues dans la conscience de l’homme : « Parce que l’homme est une partie et une parcelle de l’univers spirituel et de l’ordre surnaturel… la vérité de la religion est en lui implicitement… s’il pouvait lire les besoins de son esprit et de sa conscience, il pourrait se passer de maître. Mais ce n’est qu’en tâtonnant, en essayant telle ou telle suggestion de la raison ou de la tradition qu’il découvre ses besoins réels. » Through Scylla and Charybdis. p. 277. « C’est toujours et nécessairement nous-mêmes qui nous parlons à nous-mêmes, qui (aidés sans doute par le Dieu immanent) élaborons pour nous-mêmes la vérité. » Ibidem, p. 281.

Pour le moderniste, les dogmes proposés par l’Église comme révélés ne sont donc pas des « vérités tombées du ciel » (prop. 22 du décret Lamentabili) mais une certaine interprétation del’expérience religieuse, résultat d’un laborieux effort, nullement garanti par Dieu. Toutefois la révélation reste un bienfait du Seigneur parce que l’homme y est plus patient qu’agent. Ce don est aussi surnaturel, car ce qu’il fait appréhender n’a pas trait au monde naturel et visible, mais à une réalité plus sublime, plus élevée et plus secrète. Pour avoir un aperçu des définitions erronées qui ont été données sur la révélation, en particulier par les auteurs allemands, on peut consulter Pfleiderer, Grundriss der christlichen (ilaubens-und Sittenlehre. 3e édit., Berlin, 1886, p. 18 sq. Il se trouve en effet que le modernisme a fait des emprunts non déguisés à la pensée religieuse telle qu’elle a évolué au sein du protestantisme libéral en Allemagne.

Les modernistes, qui nient le surnaturel, font grand état au contraire de la philosophie de l’immanence. Aussi bien font-ils sortir de la conscience individuelle — ou tout au moins des profondeurs de lasubconscicnce — toute connaissance, jusqu’à la révélation surnaturelle elle-même. Celle-ci leur apparaît comme un simple épanouissement ou une évolution naturelle de notre besoin du divin ou de notre commerce intime avec lui. La révélation est identifiée à l’effort que fait la divinité pour s’exprimer en nous : « Subconsciente la plupart du temps, étouffée et comme opprimée par la masse des concepts ou d’images qu’elle doit soulever pour se faire jour, elle (la divinité) réussit parfois à faire irruption clans la conscience ; l’âme alors se sent envahie par un flot de pensées dont elle ignore la source, elle a l’impression que ce n’est pas elle qui pense, mais qu’on pense en elle et par elle. » Valensin, art. Panthéisme du Diction, apol., col. 1321. Comparer ce que dit Pfleiderer, Zut F rage nach Anfang und Entiuicklung der Religion, Leipzig, 1875, p. 68, où il écrit : « Nous savons maintenant, que nous ne pouvons plus recourir à la révélation divine comme à un principe extrinsèque à l’esprit humain : mais cette révélation ne se manifeste que dans l’esprit de l’homme, nous devons nous en tenir là, et, omettant tous les facteurs surnaturels, rechercher la marche historique de l’évolution purement naturelle par laquelle l’homme parvient au développement de ses facultés religieuses. »

Certains individus seulement prennent conscience de la révélation. Le Christ est celui d’entre eux qui a atteint le plus de richesses dans ses émotions religieuses : il est unique par sa transcendance. Il a eu le don également de pouvoir transmettre ses expériences personnelles aux autres. Ceux-ci à leur tour les ont vécues. Dès lors, les religions, qui ne sont que l’expression des émotions internes, ne diffèrent pas essentiellement les unes des autres, malgré les apparences, parfois importantes, qui permettent d’établir entre elles une hiérarchie. Parmi elles, le christianisme occupe une place de choix, à cause du prestige de son fondateur, de ses puissances d’adaptation universelle ; pourtant, malgré ses qualités remarquables de permanence, sa valeur n’est que relative.

2. Critique. —

Cet exposé montre combien la thèse moderniste et immanentiste est opposée à la doctrine catholique de la révélation. Pour en mieux saisir la faiblesse, il est indispensable de savoir ce que valent les expériences religieuses. Par là on entend < toute impression éprouvée dans les actes ou états que l’on nomme religieux : sensation de dépendance, de délivrance, illumination, sentiment de joie ou de tristesse, considérés dans leur aspect affectif, indépendamment de toute interprétation spéculative ». H. Pinard, art. Expérience religieuse, dans Dicticn. apol., t. i, col. 1816. Cette expérience, même si elle est produite d’une façon surnaturelle par Dieu et si elle accompagne la manifestation de la vérité, n’est pas à identifier avec la révélation. Noir ici, du même auteur, l’art. Expérience religieuse, t. v. col. 1786-1868.

De fait l’émotion religieuse, à supposer qu’elle soit surnaturelle — et nul écrivain mystique ne conteste la réalité de telles expériences — est purement individuelle et subjective. Elle suppose un objet de connaissance ou une vérité, car elle n’est que la réaction de la volonté ou du cœur à l’activité de l’intelligence ou des sens. Cet objet de connaissance peut d’ailleurs n’être entrevu que d’une manière fort imprécise ; il n’en existe pas moins. Par ailleurs, comme le caractère surnaturel d’un effet ne tombe pas sous l’expérience, au moins d’après les lois ordinaires, la conscience est incapable de distinguer avec certitude une émotion naturelle de celle d’un ordre supérieur. La distinction conjecturée ne se présentera avec une sérieuse probabilité que dans les circonstances où le sujet saura qu’il v a eu manifestation de vérités nouvelles, c’est-à-dire qu’il a reçu une révélation. Enfin une expérience subjective et affective est essentiellement relative. Même pour le sujet qui l’éprouve, le sentiment est aveugle : il varie suivant les dispositions du moment, il plaît ou mécontente et ne peut dès lors constituer un motif suffisant pour donner raisonnablement son assentiment.

Ces réserves ne tendent nullement à nier le rôle utile que jouent, dans la vie spirituelle et morale des individus, les émotions religieuses, quand elles dt meurent subordonnées et soumises aux lumières de la foi et de la raison. Voir Pinard, Diction, apol., col. 1851 et surtout col. 1857 sq. En effet, « ce sont les expériences commencées qui préparent à comprendre et à accepter les idées… Celle de chasteté est incompréhensible à un impudique, celle de félicité spirituelle, à qui n’a jamais ressenti l’insuffisance des biens présents. De même, certaines expériences au moins confuses, certain goût sensible du vrai, du beau et du bien sont nécessaires, avant qu’on n’arrive à concevoir Dieu dans la conscience claire, autrement que comme un mot sans goût. » Mais, au demeurant, et quelle que soit la nature des phénomènes affectifs qui l’accompagnent, la révélation