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QUESNEL. WANT LA BULLE UNIGENJTUS
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recommandable par sa doctrine et par uni.- probité à toute épreuve, aucun qui soit le moins du monde suspect ou partial… ; que les théologiens à qui l’examen sera confié aient une connaissance suffisante et un long usage de la langue française, alin qu’on ne soit poinl obligé de recourir à des versions qui pourraient n’être pas exactes, car on parle d’une traduction latine qu’il n’a jamais lue, qui n’a été ni faite par des Français, ni corrigée sur les dernières éditions de France… a II demande de n’être point condamné dans sa doctrine sans avoir été écouté ni sans avoir eu la liberté de se défendre ». On doit tenir compte des approbations : « On ne saurait mépriser le jugement de lanl de personnes de si grand poids, ni flétrir celui de presque toute la France, où ce livre se lit depuis plus de quarante ans avec une satisfaction dont j’ai honte de parler. » Aussi il supplie le pape d’ordonner que les propositions extraites du livre des Réflexions morales et dénoncées comme dignes de censure lui soient communiquées, alin que, s’il y en a quelqu’une qui soit évidemment erronée ou qui porte ou paraisse porter à l’erreur, je puisse ou l’expliquer ou la rétracter absolument, car je suis prêt a le faire, sans hésiter, et dans les termes les plus clairs et les plus précis ».

Un avocat prit aussi la défense du livre de Quesnel dans une Lettre adressée à un magistral et datée du 10 novembre 1711 : il examine les inconvénients qu’il y a à demander une constitution au pape : cela est en opposition avec les libertés de l’Église gallicane et renverse l’autorité de l’épiscopat, qui ne l’ait plus rien sans recourir à Rome.

Le pape souhaitait qu’on se contentât du bref du 13 juillet 170<S ; mais le roi persistait à demander une nouvelle constitution où les usages du royaume seraient sauvegardés. Devant cette insistance, le pape nomma une commission, composée des cardinaux Spada, Ferrari, Fabroni, Cassini et Toloméi, assistés de neuf théologiens ou consulteurs : le P. Téroni, barnabite ; le P. Nicolas Castelli, servite ; le P. Alfaro, jésuite ; le P. de Saint-Élie, franciscain du tiers ordre ; le P. Palermo, franciscain observantin ; le P. Pipia, dominicain ; le P. Bernardini, maître du Sacré Palais ; dom Tedeschi, bénédictin et évêque de Lipari, et enfin M. Le Brou, augustin et éveque de Porphyre. On leur donna à examiner cent cinquante-cinq propositions extraites du livre de Quesnel et traduites en latin. Lorsque Noailles connut la nomination des commissaires, il comprit qu’une décision allait être prise el qu’il serait prudent pour lui de rétracter l’approbation qu’il avait donnée au livre ; il fit part de ce dessein au cardinal de La Trémoille, qui l’engagea à réaliser son projet ; mais Noailles avait alors à Rome deux correspondants qui le rassuraient : la constitution ne serait jamais donnée avec les clauses que le roi exigeait. Le P. Roslet, général des minimes, et un expéditionnaire de l’ambassade, nommé La Chausse, répétaient au cardinal qu’on lui tendait un piège, qu’on voulait lui arracher une condamnai ion du livre des Réflexions par la perspective d’une constitution qui ne viendrait jamais. Telle était aussi la pensée de beaucoup d’amis de Quesnel, de Quesnel lui-même. qui écrivait, le 23 juin 1713, c’est-à-dire la veille de la publication de la bulle : » Cette affaire embarrasse beaucoup la cour de Rome ; il y avail grande appa rence qu’on ne la poursuivrait point et qu’elle s’assou pirait. On m’a mandé a peu près la même chose de Paris. » Correspond., I. n. p. 327-328.

D’après Lafltau, les deux mêmes correspondants de Noailles répandaient à Rome des bruits qui faisaient croire qu’à Paris on ne recevrait point la bulle de condamnation si jamais elle paraissait. En effet, disaient-ils, le dauphin, héritier de la couronne, était nettement favorable à Quesnel ; d’autre part, le Par lement venait de condamner un livre du P. Jouvency, jésuite, sur l’histoire de la Compagnie el, par suite, il se déclarait ouvertement contre les jésuites, dénonciateurs du livre de Quesnel, et la cour venait de nommer a l’évêché de Beauvais l’abbé de Saint-Aignan qu’on peignait comme ami des jansénistes. Sur ces entrefaites, le dauphin mourut le 1 8 février 1712, et le roi, pour faire cesser des bruits faux, lit publier un Mémoire de Monseigneur le Dauphin pour notre Saint-Père le Pape, trouv dans ses papiers, et qui condamnait formellement Quesnel et le jansénisme. On y lisait : » Soit que les jansénistes soutiennent ouvertement la doctrine de Jansénius, soit qu’ils se retranchent sur le fait, soit qu’ils s’en tiennent au silence respectueux ou à un prétendu thomisme, c’est toujours une cabale très unie et des plus dangereuses qu’il y ait jamais eu et qu’il y aura jamais. » Une courte préface disait que cel écrit s’était trouvé parmi les papiers de la cassette, tout de la propre main du prince, avec des renvois et des ratures qui font voir à l’œil que c’est son ouvrage ». Les amis de Quesnel attribuèrent cependant cette pièce à Fénelon, si attaché au dauphin. Quoi qu’il en soit, cela prouvait que le dauphin n’était pas favorable au jansénisme, et l’écrit fut envoyé au pape pour l’exciter à condamner le livre de Quesnel.

La mort du dauphin entraîna la disparition de la commission nommée par le roi pour juger l’affaire des trois évêques, que Louis XIV renvoya au pape le 12 avril 1712. Ainsi, écrit M. Albert Le Roy, on » renonçait à l’une des plus essentielles prérogatives de l’Église gallicane et on livrait au Saint-Siège une contestation qui n’eût jamais dû sortir de France », et c’est encore « Fénelon qui aurait suggéré cette procédure. » Op. cit., p. 417.

Cependant, le P. Roslet et Philopald écrivent à Noailles (Bibl. nat., fonds /r. 23 227, et Aff. étr., Rome, Correspond., Suppl., t. xi) que l’affaire de la constitution n’avance point, qu’elle recule plutôt ; de son côté, La Trémoille écrit au roi que le livre de Quesnel est long, que les théologiens et ensuite les cardinaux du Saint-Oflice veulent examiner avec soin les propositions dénoncées ; il faut du temps ; mais « l’ouvrage avance ». Aff. étr., Home, Correspond., t. dxix, 28 mai 1712. Un nouvel incident se produisit au mois d’août : cent trois propositions extraites du livre de Quesnel sont dénoncées à la congrégation qui doit les examiner. D’après Le Rov, ces propositions « émanaient des jésuites ». Noailles était convaincu que ces attaques des jésuites étaient dirigées contre lui autant que contre Quesnel : exaspéré, il écrit une lettre au roi, le 7 octobre 1712 : < Votre Majesté sait que son autorité, quoique sacrée, puisqu’elle vicul de Dieu, quoique souveraine et absolue, ne s’étend point jusqu’aux choses sacrées, dont je suis seul chargé… » ; c’est pourquoi il refuse de donner les pouvoirs à tous Ds jésuites.

A Rome, les neuf conseillers qui appartenaient aux diverses écoles théologiques examinent les propositions dénoncées et ils s’assemblent chez le cardinal FSU’HIÏ pour quahh.i ces propositions. Du ( : juin au 26 décembre 1712, il y eu 1 vint’! séances : après l’examen des consulleurs. les propositions furent portées au Saint-Office ; là. il y eut vinrrl dois congrégations, présidées par le pape lui-même, avec les cardinaux Ferrari, Sacripanti, Paulucci, Fabroni et Oltoboni ; elles se liment du’à février au 25 août 1713. Dans ces congrégations, les cardinaux expriment leurs Miiix el étudient les raisons données par les consul leurs qui avaient qualifié les diverses nropositions. Les jansénistes oui « lit et répété que l’examen des propositions se m a la hâte et comme au hasard, pour se débarrasser des instances venues de Paris, et l’Histoire des Réflexions écril : Ce serait une chose curieuse que d’avoir une copie de ces vuux pour