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    1. REVELATION##


REVELATION. NOTION GENERALE

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1-1 1. Voir Condamin, art. Prophétisme, dans Diction. apol., t. iv, col. 4Il sq. Telle fut aussi la vision qui détermina saint Pierre à recevoir les gentils dans l’Eglise. Les Actes en donnent le récit suivant : « Puis ayant faim, il désirait manger. Pendant qu’on lui préparait son repas, il tomba en extase : il vit le ciel ouvert et quelque chose en descendre, comme une grande nappe… à l’intérieur se trouvaient tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel. Et une voix lui dit : « Lève-toi, Pierre et mange »… etc. Act., x, 9-16.

Les songes, qui relèvent de l’imagination, constituent un mode par lequel Dieu s’est parfois manifesté aux patriarches et aux chefs de son peuple. Cependant, ainsi que le remarque Condamin, le texte des Nombres, xii, 6 : c s’il y a un prophète parmi vous, c’est eu vision que je me révèle à lui, c’est en songe que je lui parle », n’autorise pas à penser que le songe fut un des modes ordinaires de la révélation prophétique. Daniel, voir vu, 1 sq., est peut-être le seul à qui Dieu ait parlé de cette façon. Condamin, art. Prophétisme israc’lile, op. cit., col. 412.

c) En d’autres circonstances Dieu agit directement sur l’intelligence humaine. Il le fait quand il évoque et agence d’une manière nouvelle des représentations déjà acquises. Tout le chapitre lui d’Isaïe sur le serviteur de Jahweh, ses humiliations et sa mort en offre un exemple. C’est le cas aussi lorsque Dieu imprime dans l’esprit des « espèces intelligibles », comme ceci eut lieu pour Salomon, à qui fut donnée la sagesse, et pour les apôtres gratifiés de la science infuse. Mais cette dernière ne peut être dite révélation, que s’il s’y ajoute le jugement que c’est Dieu qui a parlé. La vision intellectuelle sans image mentale et la parole intellectuelle, sans intervention de signe sensible, dont parle Condamin, dans son article Prophétisme israélile, col. 412, entrent dans ce mode de communication et ont l’avantage d’exclure l’erreur et l’illusion. A propos des paroles mentales, dénommées substantielles, Jean de la Croix n’écrit-il pas : « L’illusion n’est pas à craindre, parce que ni l’entendement ni le démon ne peuvent intervenir ici. » La montée du Carmel, t. II, c. xxxi. Dans Le château intérieur, sainte Thérèse marque aussi le caractère de certitude présentée par la vision intellectuelle : « Cela se passe tellement dans l’intime de l’âme, on entend des oreilles de l’âme, d’une manière à la fois si claire et si secrète, le Seigneur lui-même prononcer ces paroles, que le mode même d’entendre, joint aux effets produits par la vision, rassure et donne la certitude que le démon n’en est point l’auteur. » Le château intérieur, vie demeure, c. iii, éd. 1910, p. 193 ; cf. aussi viie demeure, c. i, p. 280.

d) Enfin Dieu infuse parfois à l’esprit humain une lumière qui permet de discerner ce que d’autres perçoivent sans entendre. C’est ainsi que les apôtres ont saisi le sens des Ecritures. Elle donne aussi de juger selon la vérité divine ce que l’homme a l’occasion d’appréhender naturellement, et de voir ce qui est à exécuter. En maintes circonstances, la révélation prophétique se fait par la seule influence de cette lumière. Sum. theol., IIMI », q. CLXXlll, 2.

5. La lumière intellectuelle. —

Cette lumière intelligible est toujours requise pour que celui qui reçoit la révélai Ion puisse déterminer le sens des formes qui sont présentées par l’action divine ; ses sens, à son imagination et à son intelligence. Elle est indispensable, car il doit y avoir proportion entre la cause et l’effet, donc entre la lumière qui permet de juger et la représentai ion, qui est aussi d’ordre surnaturel au moins dans son mode. C’est ce qu’explique saint Thomas, quand il écrit : Sicui memifestatio corporalis vtsi<mi jit per lumen mrporule ; ila etiam manijestatio vision i s intellectualis fit per lumen intellectuelle. Oportet ergo, quod manijestatio proportionetur lumini per quod fit, sicut efjectus proportionatur suæ causse. Cum ergo prophetia pertinel ad cognitionem, quæ supra naturalem rationem existil, ut dictum est, consequens est quod ad prophetiam requiratur quoddam lumen intellectuate excédais lumen naturalis ralionis. Sum. theol., I I a - 1 1°, q. clxxiii, a. 2.

Elle entre surtout en jeu, quand il s’agit de porter un jugement, sans crainte d’erreur, sur des vérités divinement proposées, qui dépassent les capacités de la raison humaine. Saint Thomas a nettement marqué cette fonction spéciale, dans la Somme contre les Gentils : Quæ quidem révélât io fit quodam interiori et intclligibili lamine, mentem élevante ad percipiendum ea, ad quæ per lumen naturale intellectus pertingere non potest ; sicut enim per lumen naturale intellectus redditur cerlus de lus, quæ lumine illo cognoscil, ut de primis principiis, ita de his quæ supernaturali lumine appréhenda, cerlitudinemhabet… L. III, c. cliv. Cettclumière intérieure qui n’est pas un habitus permanent, mais que Dieu accorde par mode d’intention transitoire, joue un rôle important dans la révélation. Elle est une aide apportée à l’esprit humain, car elle éclaire, mais elle ne l’élève pas au point que celui-ci entende les vérités qui dépassent l’ordre naturel. Autrement dit la faculté intellectuelle reste ce que spécifiquement elle est : sa condition ne change pas, c’est l’objet proposé par Dieu, qui est mis sous une lumière particulière. Le prophète ne voit pas la vérité intrinsèque de l’objet révélé : c’est la raison pour laquelle il n’acquiert pas de données scientifiques (la réponse au quomodo fiet istud) quand il apprend de Dieu que la "Vierge enfantera ou que le Christ effacera les péchés. Il croit par la foi, car son esprit éclairé par la lumière intérieure juge avec certitude et infaillibilité que la proposition présentée est d’origine divine : le jugement du prophète est ainsi garanti par l’autorité de Dieu. Gardeil, Le donné révélé et la théologie, p. 04.

Quand cela n’est pas, il n’y a pas révélation. Saint Thomas écrit : quascumque formas imaginatas naturali virtute homo potest formare, absolute hujusmodi formas considerando ; non lamen, ut sint ordinalæ ad reprœsentouidas intelligibiles verilales, quæ homini intellectum excedunt ; sed ad hoc necessarium est auxilium supernaturalis luminis. Sum. theol., IIMI 83, q. clxxiii, a. 2, ad 8 u m. Malgré l’influence de cette lumière nouvelle, Dieu utilise le prophète comme un instrument. Et cet instrument est divers, selon les connaissances plus ou moins amples, naturellement acquises, qu’il possède, selon les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles il vit. Sans doute il ne peut pas tomber dans l’erreur, mais il n’est pas impossible que, dans ce qu’il dit, il ne voie pas tout ce que les chrétiens entendent maintenant dans ses affirmations. Lalumière intelligible existe parfois seule. Quant aux adjuvants externes ou internes de la connaissance auxquels Dieu a recours ils ne suffisent jamais à eux-mêmes : ils requièrent l’action de la lumière intelligible. Celle-ci seule est indispensable. C’est elle que saint Paul demande au Seigneur pour ses fidèles d’Éphèse lorsqu’il écrit : « Je ne cesse… de faire mémoire de vous dans mes prières, afin que le Dieu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donne un esprit de sagesse, qui vous révèle sa connaissance, et qu’il éclaire les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance à laquelle il vous a appelés, quelles sont les richesses de la gloire, etc. » Eph., i, 10 sq. ; cf. Matth., xi, 25 ; xvi, 17.

Ce long développement établit d’une façon péremptoire que, dans la révélai ion. la lumière intérieure qui permet d’interpréter et de juger est un élément plus important que la représentation. La Genèse en offre un exemple frappant. Le songe du Pharaon, constitué de