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QUESNEL. AVANT LA BULLE UNIGENITUS

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sur ce fondement et regardant la constitution que je demande comme une suite de celle que le pape a donnée lui-même au sujet du cas de conscience et du silence respectueux, je m’engage à l’aire accepter cette nouvelle constitution par les évêques de France avec le respect qui lui est dû. » Aussi le roi demande-t-il de voir la bulle avant qu’elle soit publiée officiellement ; sous cette condition, il répond des évêques et du Parlement. Il ajoutait : « Toutes les expressions seront examinées de manière que, lorsque j’en serai convenu avec Sa Sainteté, elle pourra être sûre que les évêques de mon royaume s’y conformeront entièrement, et vous lui donnerez ma parole qu’ils accepteront la constitution de la manière uniforme dont je serai demeuré d’accord avec elle. » Il n’est donc pas exact de dire que, pour en finir avec le jansénisme, Louis XIV sacrifiait le gallicanisme, car les traditions gallicanes étaient bien sauvegardées dans leur teneur essentielle.

Mais le roi obtiendrait-il l’assentiment de tous les évêques, comme il le promettait ? La chose était fort douteuse. L'évêque de Montpellier écrivait à Noailles, le 23 novembre, pour protester contre l’arrêt du conseil qui supprimait le privilège accordé au livre de Quesnel, « où il ne trouve rien que d’admirable », et il encourage Noailles à résister {(liiwres de Colbert, I. iii, p. 4). Dans sa réponse du 14 décembre, Noailles laisse voir qu’il n’est pas éloigné de penser comme l'évêque ; il avoue qu’il n’a pas lu le livre de Quesnel tout entier et qu’il s’en est rapporté à diverses personnes sur les endroits qu’il n’a pas lus. Des amis lui conseillent de révoquer l’approbation qu’il a donnée, afin de prévenir la condamnation qui sera sûrement portée par Rome : mais d’autres, comme le P. Roslet, qui se trouve à Rome, lui écrivent qu’on n’obtiendra pas de Rome un nouveau décret contre le livre de Quesnel. AfJ. élr., Rome, Correspond., t. cdlxxxix, 28 févr. 1711.

Le 20 décembre, Noailles écrivait à l'évêque d’Agen une lettre qui fut publiée ; elle caractérise bien Noailles « t laisse deviner que le roi s’engage beaucoup quand il promet au pape d’obtenir l’assentiment de tous les évêques de son royaume à une condamnation pontificale. Noailles prend encore la défense du livre de Quesnel : ce livre « n’est pas un livre dogmatique, où l’on soit obligé de parler avec une exactitude rigoureuse, mais des réflexions de piété, où l’on ne ménage pas ordinairement avec tant de scrupule les expressions qu’on y emploie ». Il ajoute « qu’il n’a pas voulu adopter ce livre comme son propre ouvrage, ni se rendre garant de tous les sens qu’on lui peut donner. Tout le monde sait qu’il y a bien de la différence entre approuver un livre et en être l’auteur » ; mais cependant « on ne le verra jamais ni mettre ni souffrir la division dans l'Église pour un livre dont la religion peut se passer, et si notre Saint-Père le pape jugeait à propos de censurer celui-ci dans les formes, je recevrais sa constitution avec tout le respect possible, et je serais le premier à donner l’exemple d’une parfaite soumission d’esprit et de cœur » ; d’ailleurs, il sera toujours opposé « aux erreurs du jansénisme ». A l'évêque de Meaux, qui lui annonçait que le roi allait recourir à Rome, Noailles répond qu’il le désirait fort et qu’il se soumettrait à la décision du pape ; il fit même une déclaration au roi et, le 12 janvier 1712, il écrivait au cardinal de La Trémoille : « Je serai toujours plus attaché à l'Église qu'à toute autre chose, et quand ce livre aura été condamné dans les formes, je serai le premier à me soumettre à la condamnation et ne ferai jamais, s’il plaît à Dieu, de schisme dans l'Église. Je préférerai sa paix et son unité à tous les avantages personnels. » Peut-être d’ailleurs espérait-il que le pape ne condamnerait point, par une bulle, un .livre qu’il avait déjà condamné par un bref qu’on

n’avait pas reçu en France. Lui-même était-il bien décidé à se soumettre ? A Rome, on en doutait.

Dom Vincent Thuillier raconte que, lorsque la lettre du roi fut remise au pape, celui-ci se trouvait à la campagne avec l’abbé de Boussu, futur archevêque de Malincs et cardinal. L’abbé Boussu dit au pape « qu’il lui paraissait que Sa Sainteté ne devait pas renouveler la défense qu’elle avait faite de lire le livre des Réflexions morales… et, que, quelque assurance que le roi lui donnât de la soumission du cardinal de Noailles, il connaissait assez cette Éminence pour craindre qu’elle n’eût pas toute la déférence qu’elle promettait… » Noailles serait poussé à ne pas se soumettre par quelques évêques qui n’approuvaient pas la procédure prise par le roi. Le 3 février 1712, les évêques de Laon et de Langres envoyèrent un Mémoire au dauphin pour protester contre les usurpations des évêques de Luçon et de La Rochelle, et ils ajoutaient : « C’est blesser les lois de l'État et celles de l'Église, avilir l'épiscopat, oserais-je dire, déshonorer les évêques, que de recourir à notre Saint-Père le pape, dans les moindres occasions qui arrivent, pour demander une constitution qui condamne des livres dont nous sommes les juges légitimes… Il est contre l’honneur de l'épiscopat de les priver du droit qui nous est si légitimement acquis », et ils supplient le dauphin « de ne pas chercher des juges hors de son royaume, dans le temps qu’il y a, en France, tant d'évêques éclairés… qui sont les juges légitimes de cette affaire… ; il faut donc que la cause soit portée ou aux conciles provinciaux, ou aux assemblées provinciales, ou à un tribunal qu’on érigerait à Paris et qui serait composé d'évêques, choisis et députés par l’assemblée de la province. Les amis de Quesnel et Quesnel lui-même protestent contre la procédure royale, qu’ils estiment contraire aux libertés de l'Église gallicane ». Le 15 novembre, Quesnel écrit à Petitpied : « Noailles aurait dû faire agir les gens du roi et empêcher qu’on ne portât à Rome immédiatement les causes que les évêques de France doivent juger en première instance. » Correspond.. t. ii, p. 320.

Dès qu’il se sentit menacé, Quesnel entreprit la défense de son livre ; il publia l'écrit intitulé Explication apologétique des sentiments du 1'. Quesnel dans ses Réflexions sur le Nouveau Testament, par rapport à l’ordonnance de MM. les évêques de Luçon et de La Rochelle, s. 1., 1712, in-12. L’avertissement qui précède la première partie, en date du 8 janvier 1712, fait l’histoire du livre, en faveur duquel Bossuet a composé une Justification, qui a été approuvé par l'évêque de Châlons et l’archevêque de Paris et consacré par la piété des fidèles, qui en sont édifiés, qui a été fort estimé même du P. de La Chaise et du P. liourdaloue, qui a eu des centaines de milliers de lecteurs ; ainsi, dit Quesnel, « j’ose dire que l’accusation d’erreur et de ce qu’on appelle jansénisme, formée contre les Réflexions, est des plus étranges accusations qui se soient jamais faites dans l'Église, si on considère l’approbation générale qu’elles ont eue en France depuis quarante ans », et il s’efforce de montrer que les erreurs qu’on lui reproche sont communes à tous les théologiens qui, après saint Augustin, défendent la prédestination gratuite et la grâce efficace par elle-même. La seconde partie, dont l’avertissement est daté de juillet 1712, expose l’histoire et la défense « des cinq célèbres articles dogmatiques » qu’il est permis d’enseigner, car « sur la matière de la grâce il n’est pas de système plus autorisé dans l'Église ». De plus, Quesnel écrivit au pape une lettre dont deux exemplaires autographes furent expédiés à Rome, le 22 juillet et le 22 septembre 1712 : après avoir rappelé les approbations épiscopales données à son livre, il demande au pape de ne choisir comme consulteur aucun « qui ne soit